Motion M-238 :
: M. Stéphane Bergeron (Verchères-Les-Patriotes, BQ)

37e Législature, 2e Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 054
Le jeudi 6 février 2003

La déportation des Acadiens

[Français]

M. Stéphane Bergeron (Verchères-Les-Patriotes, BQ): Madame la Présidente, je voudrais d'abord dire à mon collègue d'Elk Island qu'il n'est pas question ici de demander des excuses, il est simplement question de demander une reconnaissance. Je suis d'accord avec lui pour dire qu'on aurait dû demander à la Couronne de reconnaître cela, mais grâce aux bons soins de nos amis d'en face, cela n'a pas été permis. On espère que ce sera éventuellement possible.

Je ne suis d'aucune façon surpris du discours de ma collègue de Laval-Est, d'autant que c'était à la hauteur de certaines présentations antérieurs de certains collègues. Toutefois, on a pu voir toute la profondeur des convictions de la députée qui, on s'en rappellera, avait folâtré et magasiné un peu au Parti conservateur et un peu à l'Alliance canadienne pour finalement aboutir au Parti libéral. C'est dire toute la profondeur des convictions de cette députée et je ne m'émeus d'aucune façon des propos qu'elle a pu tenir en cette Chambre.

Cela dit, j'invite fortement mon autre collègue de l'Alliance canadienne à relire mon discours demain car certains des arguments qu'il a invoqués selon lesquels on aurait donné une dernière chance aux Acadiens de prêter le serment d'allégeance sont contredits par l'histoire. Il n'était pas question, d'aucune façon, de leur laisser quelque chance que ce soit de prononcer le serment d'allégeance. Leur sort était scellé et ils devaient être déportés.

Revenons maintenant sur la responsabilité de la Couronne dans cette question, car on a bien voulu minimiser ou banaliser la responsabilité de la Couronne. Dans l'ordre de déportation que Winslow a lu aux hommes rassemblés dans l'église de Grand-Pré, il est clairement établi qu'il agissait sur les instructions de Sa Majesté. Comment d'ailleurs aurait-il pu en être autrement puisque le Board of Trade et le gouvernement du Massachussets n'avaient tout simplement pas les moyens de mettre en oeuvre un plan d'une telle envergure.

D'ailleurs, en 1754, le Parlement britannique a voté des crédits de l'ordre de un million de livres sterling pour les colonies d'Amérique. En mai 1755, Monckton arrive en Nouvelle-Écosse avec une troupe de 2 000 hommes, tandis que l'amiral Boscawen, avec sa flotte, fait son entrée dans le port d'Halifax en juillet de la même année. Tout était alors en place pour que l'opération puisse commencer.

En dépit des imprécations symboliques du premier ministre William Pitt, Londres a laissé la déportation se poursuivre jusqu'à la signature du Traité de Paris, en 1763. Ces artisans, Charles Lawrence et Robert Monckton, furent même respectivement promus aux titres de gouverneur et de lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse, en 1756, postes qu'ils occupèrent tous les deux pendant encore quelques années.

Comment peut-on sérieusement prétendre que Londres ait été ignorante de ce qui se passait dans ses colonies américaines pendant près de huit ans, d'autant qu'il s'agissait d'une opération à grande échelle qui ne s'est pas limitée à la Nouvelle-Écosse, mais qui a également touché les habitants du Nouveau-Brunswick, de l'Île du Prince-Édouard-alors l'Île Saint-Jean-et de l'Île du Cap-Breton-alors l'Île Royale-, sans compter les très nombreuses colonies appelées à accueillir ce flot de gens démunis et abattus.

Je sais que le temps me manque. Je vais donc conclure en disant qu'il n'y a pas de mal à reconnaître les faits tels qu'ils sont. Loin de rouvrir de vieilles blessures qui auraient pour effet d'enflammer les relations entre les deux communautés linguistiques du Canada, cette reconnaissance aurait pour effet, bien au contraire, de jeter les bases d'une véritable réconciliation entre les deux principales communautés linguistiques de ce pays.

J'aimerais en terminant remercier un certain nombre de personnes qui, tout au long de la démarche depuis 1999, m'ont appuyé et m'ont donné un coup de main pour permettre que le débat puisse se poursuivre. Je pense à mes adjoints actuels et passés, Patrick Frigon, Mireille Beaudin, Luc Malo et Jean-François Bisaillon. Je pense à Euclide Chiasson, à Denis Laplante, de la Société nationale de l'Acadie. Je pense à Jean-Guy Rioux, Robert Thibault, de la SANB, à Jean-Guy Nadeau, aux députés de l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick des deux côtés de la Chambre, particulièrement à Bernard Richard. Je pense au maire de Caraquet, Antoine Landry, à Roger Paradis, professeur à l'Université du Maine, à David Le Gallant, président du Musée acadien de l'Île du Prince-Édouard, à Maurice Basque et à Kenneth Breau, du Centre d'études acadiennes, et à Warren Perrin, l'avocat louisianais par qui tout à commencer. Je pense évidemment à mon collègue de Acadie-Bathurst, sans qui je n'aurais pas pu aller aussi loin.

Je lui rends hommage pour le courage qu'il a eu dans sa communauté de se lever et, contrairement aux députés d'en face, d'appuyer un député qui n'avait soi-disant pas le droit de se pencher sur cette question parce que prétendument séparatiste.

Je suis Québécois, soit, mais si je suis Québécois aujourd'hui, c'est parce qu'il y a eu un événement déterminant qui a eu un impact sur l'évolution de mon histoire familiale, ce qui fait en sorte qu'aujourd'hui, j'habite le Québec. Autrement, j'habiterais probablement un petit village qui s'appelle Sainte-Anne de la rivière Saint-Jean, qui s'appelle aujourd'hui Fredericton.

Je veux surtout remercier Fidèle Thériault, historien et président de la Société d'histoire de la rivière Saint-Jean.

Je termine en demandant le consentement unanime afin que cette motion fasse l'objet d'un vote.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Est-ce que l'honorable député a le consentement de la Chambre afin que cette motion fasse l'objet d'un vote?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

[Traduction]

Le président suppléant (Mme Bakopanos): La période prévue pour l'étude des initiatives parlementaires est maintenant expirée. Comme la motion n'a pas été choisie pour faire l'objet d'un vote, l'article est rayé du Feuilleton.

Comme il est 19 heures, la Chambre s'ajourne à 10 heures demain, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 19 heures.)

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