Motion M-241 :
M. André Bachand (Richmond--Arthabaska, PC/RD)

37e Législature, 1ère Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 091
Le mercredi 3 octobre 2001

LES ACADIENS

M. André Bachand (Richmond--Arthabaska, PC/RD): Monsieur le Président, c'est un grand plaisir de me lever ce soir pour parler de la motion présentée par le député de Verchères--Les-Patriotes.

André Bachand

La motion M-241 a fait beaucoup jaser et fait encore beaucoup jaser. Elle provoque beaucoup de malaise chez certains groupes et certains parlementaires, à tort ou à raison, selon la façon dont on la regarde.

À la Coalition, lorsqu'il s'agit d'un projet de loi émanant d'un député, nous avons une tradition, c'est d'avoir un vote libre. En ce moment, il est intéressant d'entendre ce que les députés du Bloc, du Nouveau Parti démocratique et de tous les partis nous disent.

Également, ce qui est important, ce qui a été bien fait et, honnêtement, cela donne beaucoup de crédibilité à la démarche, c'est que la Société nationale des Acadiens a quand même demandé de regarder toute la question historique. À mon avis, cela a été bien fait.

Au début, on se souviendra qu'on avait peur des méchants séparatistes. Même du côté de la Coalition--elle n'existait pas à ce moment-là--on disait: «Ah, c'est un méchant séparatiste.» Alors, ils ont un agenda caché. Peut-être que le député de Verchères--Les-Patriotes a un agenda caché. Cela se peut, mais c'est son problème. Mais il reste qu'il faut regarder la motion telle qu'elle est et il faut également lever notre chapeau au député du Bloc qui s'est rendu en Acadie pour rencontrer les gens.

Si j'avais des doutes sur l'honnêteté intellectuelle de la motion--non pas du député, mais de la motion--je pense que le peuple acadien a fait un travail remarquable. Là-dessus, cela m'enlève un poids de justification.

Il s'agit de regarder la motion, telle que libellée. Nous pouvons tordre l'histoire un petit peu, à savoir qui était coupable ou non. La responsabilité ministérielle n'existait peut-être pas à ce moment-là, comme le système parlementaire la reconnaît. Mais je rappellerai au député de l'Alliance canadienne qui a pris la parole précédemment que la responsabilité de l'empire était quand même omniprésente.

Alors, lorsqu'on veut dire qu'on ne veut attaquer personne, la motion n'attaque personne. On ne demande pas à la Reine, on demande à la Couronne. Encore là, cela a été bien fait. On ne regarde pas une personne ou un individu. Finalement, on regarde toute la question de l'histoire et les conséquences du Grand Dérangement. Cela n'a pas duré juste quelques années. Il y a encore des conséquences aujourd'hui.

Imaginons si 10 000, 12 000 ou 14 000 Acadiens, hommes, femmes et enfants étaient demeurés sur un territoire qu'on peut maintenant cibler comme faisant partie du Canada. Cela a changé depuis 10 ou 15 ans, mais on sait ce que les francophones étaient capables de faire en termes de nombre d'enfants dans les familles. À cette époque, ça produisait pas mal. Cela aurait tout changé et la présence francophone dans les provinces Atlantiques aurait été sûrement supérieure.

Ceci étant dit, le peuple acadien a réussi à relever des défis absolument incroyables. Pour une minorité qui a connu ce Grand Dérangement, qui a connu de graves problèmes par la suite, tant avec la Couronne qu'avec le gouvernement canadien, qui a dû se battre pendant des décennies, on lui lève notre chapeau.

J'ai appris beaucoup. Je me suis permis de lire un peu sur l'histoire du Grand Dérangement pour voir un peu aussi où tout cela se situait. Personnellement, je vais appuyer la motion. Je vais demander qu'il y ait effectivement une reconnaissance et je vais dire: «Je m'excuse, cela ne veut pas dire que tu es une méchante personne aujourd'hui.» On peut reconnaître des gestes historiques.

Il faut surtout transformer cette motion parce que certains la voient comme étant négative contre la monarchie. Ce n'est pas cela. Cela peut arriver dans un temps de festivités, comme par exemple, le Troisième congrès mondial acadien, le 250e anniversaire, ou le 400e anniversaire de la présence acadienne en sol américain. On peut le faire. Cela peut être positif.

La Gouverneure générale pourrait lire un beau discours dans le cadre des festivités et dire: «Nous reconnaissons nos torts. Ceci étant dit, on travaille ensemble et on fait en sorte que le peuple canadien continue de croître et de prospérer au sein de ce pays.» C'est tout. Il n'y a pas un signe de piastre au bout de la motion.

Là-dessus, je salue le travail qu'a fait le député de Verchères--Les-Patriotes. Plus que cela, il est ouvert à des changements, du moins, à des améliorations. Mais de l'autre côté, on ferme la porte.

J'aimerais dire à mes collègues d'en face: «N'envoyez pas trop souvent le ministre des Affaires intergouvernementales en Acadie, c'est tout le gouvernement fédéral qui perd sa crédibilité.» Parce que la motion provient d'un député bloquiste, ce ne serait pas bon? Parce qu'une motion vient d'un député allianciste, néo-démocrate ou d'un député de la Coalition, ce ne serait pas bon? Il faut prendre le temps--on est quand même des adultes--de regarder de quel bois se chauffe la motion.

Cela étant dit, ce n'est pas parce que c'est un «méchant séparatiste» qu'il faut dénigrer tout ce qu'ils font, au contraire. Au cours de la dernière décennie, je pense qu'on a beaucoup appris sur le respect des traditions parlementaires avec les gens du Bloc québécois et d'autres partis, et spécialement les gens du Bloc.

La Couronne a fait des excuses à plusieurs reprises. Plusieurs personnes ont soulevé le cas de la guerre des Boers, en Afrique du Sud, ou la question de la Nouvelle-Zélande avec le peuple maori. Il n'y a pas eu de soulèvement collectif contre ces situations. Ce sont des excuses. On reconnaît un fait historique et on dit: «Je m'excuse.»

Cela étant dit, en reconnaissant ce fait historique, on va vers une action beaucoup plus positive. On ne demande à personne de venir se mettre à genoux pour dire de s'excuser de ce qui a été fait. C'est tout simplement un fait historique et cela continue. On sait qu'il y a même eu une demande, pas longtemps après le Grand Dérangement, soit en 1763, adressée à la Couronne. Avec tout ce qui venait de se passer, c'était frais. On comprendra que le « timing », pour reprendre une expression dans la langue de Shakespeare, n'était peut-être pas tellement bon, mais il reste qu'il y a quand même eu des efforts.

En 1988, des efforts provenant de l'autre côté de la frontière ont également été effectués par un Américain. C'est même allé jusqu'au bureau du premier ministre de l'époque, Mme Thatcher, mais cela n'a pas abouti. Mais dans le cadre de ce qui s'en vient, on peut le faire.

Je ne me sens pas mal à l'aise dans tout cela. Je ne suis pas antimonarchiste en faisant cela et je ne vise personne. J'aimerais surtout que les députés acadiens du côté ministériel regarde cette question.

Rappelons qu'il y avait deux comtés qui étaient conservateurs et qui vont sûrement le redevenir aux prochaines élections: Tobique--Mactaquac et West Nova. Je suis très déçu que les deux députés acadiens de ces comtés s'opposent à la motion. On sait que le député de West Nova avant la dernière campagne électorale de septembre 2000, M. Mark Muise, appuyait la motion. Je suis convaincu que Gilles Bernier, de Tobique--Mactaquac, aurait aussi appuyé la motion.

Je me dis alors qu'il faut quand même se tenir. Ce n'est pas une attaque vis-à-vis un groupe, une personne, une Couronne, c'est une reconnaissance, tout simplement. Même mon ancienne collègue, Angela Vautour, aurait appuyé la motion.

Je demande un esprit d'ouverture de la part des gens d'en face. La ligne de parti est une chose, mais pour les députés acadiens, la ligne de coeur peut être beaucoup plus importante à ce stade-ci. Si les Acadiens ont réussi de peine et de misère à survivre et à prospérer, c'est qu'ils avaient le coeur à la bonne place. J'espère que nos collègues acadiens de cette Chambre feront la même chose.

On ne refera pas l'histoire, c'est sûr. Il ne s'agit pas de pointer quelqu'un du doigt ou de dire qu'on veut une somme d'argent quelconque en guise de réparation. Ce n'est absolument pas cela. Le gouvernement qui est en place depuis 1867 a également commis des erreurs et il est fort bien de pouvoir s'en excuser. Des grands dérangements, on en a connu depuis 1867 au Canada avec les premières nations. Il faut le reconnaître et s'en excuser. Le peuple acadien a vécu quelque chose d'absolument horrible et a pu s'en sortir malgré tout. Le reconnaître en appuyant cette motion, c'est un geste positif.

Je félicite encore une fois le député de Verchères--Les-Patriotes pour son énorme travail. C'est sûr qu'il a une étiquette qui fait que les gens sont plus réticents face à chaque geste qu'il peut poser. Dans ce cas-ci, c'est de reconnaître un événement historique subi par un peuple et d'aller de l'avant avec un geste plus positif pour l'avenir.

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