Motion M-241 :
M. Dominic LeBlanc (Beauséjour--Petitcodiac, Lib.)

37e Législature, 1ère Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 117
Le jeudi 22 novembre 2001

LES ACADIENS

M. Dominic LeBlanc (Beauséjour--Petitcodiac, Lib.) : Monsieur le Président, je suis député de la circonscription de Beauséjour--Petitcodiac, et ce sont là des mots qui pèsent lourd dans l'histoire acadienne.

Dominic LeBlanc

Beauséjour est le nom du fort où a été détenue une grande partie des Acadiens au cours de la Déportation. C'est aussi dans ma circonscription que se trouve le village de Memramcook, où mon père est né et d'où est parti, au siècle dernier, ce que l'on a appelé la Renaissance acadienne, là où les Acadiens ont commencé à se scolariser, au Collège Saint-Joseph, pour construire cette Acadie moderne dont je suis fier de faire partie.

Je suis fier d'être Acadien, fier du courage de mes ancêtres et fier, surtout, de faire partie de cette nouvelle Acadie qui ne se fonde plus sur la rumination du passé, mais sur la confiance dans l'avenir, un avenir fait de partage, de dynamisme et d'ouverture sur le monde.

La motion M-241 dit qu'il faudrait changer cette attitude. Il faudrait retourner au XVIIIe siècle et déterrer la hache de guerre. Il faudrait rouvrir le dossier des guerres coloniales, rouvrir d'anciennes blessures.

Il faudrait demander des excuses à la reine d'Angleterre, pour un acte qu'elle n'a sûrement pas sanctionné elle-même. D'ailleurs, on sait maintenant que la Déportation est le fruit d'une entreprise organisée, en grande partie sur le sol nord-américain.

En ce sens, est-ce qu'il faudrait aussi demander des excuses au gouvernement américain, puisque l'on sait que les troupes et les bateaux sont venus de Boston, affrétés par William Shirley qui gouvernait alors le Massachusetts?

Est-ce qu'on devrait demander aussi des excuses au gouvernement de la Nouvelle-Écosse, puisque c'est le juge Belcher, de cette province, qui a apposé sa signature sur le document autorisant la Déportation?

Est-ce qu'on devrait demander des excuses au gouvernement français pour ne pas avoir fourni les armes, que réclamaient les Acadiens en 1758, au marquis de Vaudreuil, alors gouverneur de la Nouvelle-France à Québec?

Il serait absurde de nier que la Déportation constitue le plus grand drame historique du peuple acadien. Mais nous lui avons survécu. Nous savons tous qu'il n'est pas possible de refaire l'histoire. Nous pouvons cependant en tirer de grandes leçons. La leçon à tirer ici en est une de générosité, de partage et de cohabitation avec nos anciens ennemis, devenus aujourd'hui nos compatriotes.

La vengeance n'a jamais apporté rien d'autre que la vengeance.

[Traduction]

Les Acadiens ne gardent aucune rancune à l'égard du passé. Ils cherchent plutôt, avec une sereine détermination, à prendre leur place parmi les Canadiens qui veulent bâtir un pays ouvert, généreux et bilingue. Le Canada leur a donné cette chance.

Personne plus que le regretté Pierre Elliott Trudeau n'a cru aux droits des francophones minoritaires au Canada. Peu de gens ont fait plus que lui à l'échelle nationale pour l'avancement des intérêts des Acadiens. Il avait raison lorsque, le 29 juin 1984, il a dit en Chambre:

Je ne pense pas que le gouvernement ait pour rôle de corriger les erreurs commises par le passé. Il ne peut pas réécrire l'histoire. Nous sommes là pour nous occuper de ce qui se passe actuellement [...].

[Français]

Je suis fier de nos artistes comme Herménégilde Chiasson, qui a gagné le Prix du Gouverneur général, il y a deux ans. Je suis fier de nos penseurs, de nos professionnels, de nos entrepreneurs, de nos enseignants, de nos sportifs et de nos travailleurs qui affirment à chaque jour leur engagement envers cet avenir et qui font savoir partout au pays et à l'étranger que nous sommes revenus de 1755 et que nous ne voulons plus refaire le chemin du passé.

Le gouvernement du Canada appuie la communauté acadienne d'une façon extraordinaire. Nous savons qu'il n'y a pas d'autre solution que de construire à l'extérieur du Québec une francophonie dynamique et fière de ses origines. C'est exactement ce que nous faisons en Acadie aujourd'hui.

Je suis d'accord avec la députée de Laval-Centre que cette question ne devra pas être un débat partisan. Il y a des personnes qui appuient cette motion à cause de leurs convictions personnelles et je les respecte, mais je ne partage pas leurs conclusions. Je partage plutôt le sentiment de mes collègues acadiens et du premier ministre conservateur du Nouveau-Brunswick, qui pensent que nous devons nous tourner vers l'avenir et non pas essayer de refaire notre passé.

En 1955, lors des fêtes du Bicentenaire de la déportation, le leadership acadien et la Société nationale l'Assomption-aujourd'hui la Société nationale de l'Acadie-ont tout misé sur l'avenir en commémorant cet événement tragique de leur histoire.

Dans un discours important sur cette question, le journaliste et auteur renommé, Claude Bourque, a conclu que la SNA, en 1955, s'est assurée qu'il y aurait transformation de l'âme acadienne en pardonnant collectivement aux auteurs de la déportation.

Me Adélard Savoie, alors l'organisateur général des fêtes et plus tard recteur de l'Université de Moncton, a dit, et je cite:

Cette évocation devra refléter la joie profonde d'une résurrection plutôt que la navrante tristesse de l'anéantissement. Pour les Acadiens, point de rancoeur ni d'amertume en pareille occasion. C'est l'offre généreuse du pardon chrétien et, en même temps, l'expression d'une volonté ferme de continuer l'oeuvre des aïeux sur cette terre de prédilection et d'y réaliser pleinement les desseins de la providence.

Ces mots d'Adélard Savoie étaient pertinents en 1955 et ils sont encore pertinents en 2001.

Nous n'avons pas besoin d'excuses pour poursuivre la vaste quantité de travail qu'il nous faut accomplir. Nous n'avons pas besoin d'excuses pour comprendre que l'Acadie a désormais la maturité de se donner ses propres causes et vivre avec ses propres choix.

Nous n'avons pas besoin d'excuses; nous avons besoin de gens qui, dans notre temps, sont assez respectueux pour comprendre que nous avons dépassé le besoin de refaire et de revivre notre passé.

L'Acadie, c'est une longue histoire, une histoire de 400 ans. Notre marche a été continuelle. Il faut l'avoir vécu pour comprendre que ce n'est pas avec des excuses que l'on se construit une dignité. C'est plutôt avec la voix, le courage et le désir de ceux qui sont restés sur place, qui ont résisté et qui résistent encore aujourd'hui pour que l'Acadie continue de vivre non pas dans le passé, mais qu'elle s'inscrive dans son présent et surtout dans son avenir tellement prometteur.

Vive l'Acadie et vive le Canada!

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