Motion M-241 :
M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Alliance canadienne)

37e Législature, 1ère Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 037
Le mardi 27 mars 2001

LES ACADIENS

[Traduction]

Grumant Grewal

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Alliance canadienne): Madame la Présidente, je suis très heureux de participer aujourd'hui au débat sur la motion no 241 qui se lit comme suit:

Qu'une humble adresse soit présentée à Son Excellence la priant d'intervenir auprès de Sa Majesté afin que la Couronne britannique présente des excuses officielles pour les préjudices causés en son nom au peuple acadien de 1755 à 1763.

Je comprends le sentiment, l'émotion et le désir de justice personnelle qui sous-tendent cette motion. Pour les Canadiens qui regardent ce débat, je vais rapidement décrire certains faits qui sont à l'origine de cette motion.

L'Acadie a d'abord été découverte par les Italiens qui ont nommé cette région Arcadie en 1524. Ils ont signé un traité cédant la région aux Français en 1697. Au cours des années 1670, les colons français ont commencé à délaisser la colonie de Port Royal pour aller fonder d'autres centres.

Après la Guerre de succession d'Espagne, de 1701 à 1713, l'Acadie est passée sous domination britannique. De 1713 à 1744, la présence britannique relativement restreinte a permis à la population acadienne de croître à un rythme supérieur à la moyenne dans la région. On a parlé de cette période comme de l'âge d'or de l'Acadie.

L'Angleterre a demandé à ses sujets conquis de prêter le serment de loyauté inconditionnelle, mais les Acadiens ont consenti uniquement à demeurer neutres. Ce fut accepté à l'époque. Vers 1749, l'Angleterre a commencé à installer ses propres colons dans la région. Les britanniques de Halifax ont décidé de régler la question acadienne une fois pour toutes. En refusant de prêter le serment d'allégeance, la population acadienne risquait la déportation. Les Acadiens ont initialement refusé de prêter serment, mais ils ont accepté de le faire par la suite. Lawrence, l'officier britannique responsable de l'établissement, n'était pas heureux du serment prêté à contrecoeur et a exécuté le plan de déportation. Pourquoi la déportation? Lawrence craignait une attaque combinée de Louisbourg et du Canada contre la Nouvelle-Écosse avec l'aide des Micmacs et des Acadiens.

Selon les archives historiques, le processus de déportation a été amorcé en 1755 et a pris fin en 1762. Les Acadiens ont été embarqués à bord de navires et déportés dans des colonies anglaises aussi éloignées que la Géorgie. D'autres ont pu s'échapper et fuir en terre française et se cacher dans les bois. On estime que les trois quarts de la population acadienne a été déportée.

Aucune distinction n'a été faite entre les innocents et les coupables. La décision tyrannique de la déportation a été exécutée dans des conditions des plus cruelles. Plus de 7 000 Acadiens de troisième et de quatrième générations ont été arrachés à leur foyer et dispersés dans des colonies donnant sur l'Atlantique, du Massachusetts à la Géorgie. Leurs terres et leurs possessions ont été confisquées par la Couronne sans compensation. Que devons-nous faire maintenant? La motion demande des excuses.

Examinons des excuses présentées récemment par le gouvernement canadien. Examinons un échange entre Brian Mulroney et le regretté Pierre Trudeau au sujet des excuses présentées aux Canadiens japonais pour leur internement durant la Seconde Guerre mondiale. M. Trudeau a dit, comme il est consigné dans le hansard du 29 juin 1984:

Nous ne pourrons jamais revivre ces pages d'histoire. Nous ne pouvons donc pas redresser les torts qui ont été commis. Nous ne pouvons qu'exprimer des regrets collectivement comme nous l'avons fait.

Il a ajouté:

Je ne vois pas comment je pourrais m'excuser pour un événement historique auquel personne ici n'a pris part. Nous ne pouvons que regretter ce qui est arrivé. Mais pourquoi se lancer dans de grands discours pour dire que des excuses valent mieux que de simples regrets? Je ne comprends pas très bien.

Et ceci:

Pourquoi (M. Mulroney) n'adresse-t-il pas des excuses, pour ce qui est arrivé pendant la Seconde Guerre mondiale, aux mères et aux pères de ceux qui, parmi nous, sont allés dans des camps de concentration? J'en connais quelques-uns, monsieur le Président. Il ne s'agissait pas de Nippo-Canadiens. C'étaient des Canadiens d'origine italienne ou allemande ou même quelques vieux Canadiens français qui sont allés en prison ou dans des camps de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi ne pas leur présenter des excuses?

Et encore ceci:

Je ne pense pas que le gouvernement ait pour rôle de corriger les erreurs commises par le passé. Il ne peut pas réécrire l'histoire. Nous sommes là pour nous occuper de ce qui se passe actuellement et c'est ce que nous avons fait en présentant la Charte des droits.

Le 14 décembre 1994, la position des libéraux en matière de réparation a été énoncée par la secrétaire d'État chargée du Multiculturalisme et de la Situation de la femme de l'époque, qui n'est pas celle qui refuse de s'excuser pour sa bourde. C'était Sheila Finestone. Voici ce qu'elle a dit à ce sujet:

Dans le but de panser les blessures causées par les agissements des gouvernements antérieurs, six communautés culturelles ont demandé des réparations et des compensations totalisant des centaines de millions de dollars. Le gouvernement comprend les émotions profondes qui sous-tendent ces demandes. Nous aussi voulons panser les blessures.

Soit dit en passant, il y a maintenant huit communautés culturelles. Elle enchaîne comme suit:

Il nous fallait toutefois décider si la meilleure solution consistait à essayer de faire oublier le passé ou plutôt à investir dans l'avenir. Nous estimons que nous n'avons pas d'autre choix que celui d'utiliser les ressources gouvernementales limitées pour créer une société plus équitable aujourd'hui et un avenir meilleur pour les générations à venir. Par conséquent, le gouvernement ne versera pas de compensations financières. Nous croyons, en effet, qu'il nous incombe de prendre des mesures pour éviter que ces torts ne se reproduisent.

Je crois que cette dernière citation est la plus importante, car c'est ce à quoi le député du Bloc québécois fait face quand il tente d'amener le gouvernement à appuyer sa motion. Je doute sérieusement qu'il réussira. Les excuses et l'indemnisation offertes aux Canadiens d'origine japonaise ont créé un précédent en fonction duquel les Italiens et les Ukrainiens internés durant les Première et Seconde Guerres mondiales ont aussi exigé des excuses.

Le groupe d'Ukrainiens, selon les recommandations formulées par l'Ukrainian Canadian Civil Liberties Association, a demandé principalement qu'Ottawa finance des programmes éducatifs et offre des plaques commémoratives au lieu d'indemniser directement les victimes.

Les Italiens n'ont pas été satisfaits du regret exprimé par M. Mulroney le 4 novembre 1990 et demandent des excuses et une indemnisation complètes. Ces deux groupes citent en exemple les excuses offertes aux Canadiens d'origine japonaise comme motif sur lequel sont fondées leurs demandes.

Permettez-moi de rappeler à la Chambre une autre situation. L'un des partis politiques représentés à la Chambre était au pouvoir en 1914, lorsque 376 passagers revendiquant le statut de sujets britanniques sont arrivés sur un navire appelé le Komagata Maru. Ils n'ont pas été autorisés à débarquer en sol canadien à cause d'une politique d'immigration discriminatoire fondée sur la race et le pays d'origine.

Cette politique remontait aux années 1880, lorsque le gouvernement canadien avait imposé un droit d'admission aux immigrants chinois. Le gouvernement a érigé divers obstacles depuis 1962. Les passagers du Komagata Maru pensaient avoir le droit d'entrer au Canada en raison de leur statut de sujets britanniques. Or, 90 p. 100 d'entre eux étaient des sikhs, le reste étant des hindous et des musulmans, et tous provenaient du Pendjab.

Des soldats sikhs avaient servi dans l'empire britannique et croyaient qu'ils pourraient travailler partout où flottait le drapeau britannique. En plusieurs occasions, les passagers en question ont manqué d'eau et de nourriture pendant plus de 24 heures. Les fonctionnaires de l'immigration leur interdisaient tout contact avec l'extérieur. Même les avocats embauchés pour les défendre n'étaient pas autorisés à les voir.

Les résidants punjabi de Vancouver ont recueilli de l'argent pour payer l'affrètement. Après deux mois de détention dans le port de Vancouver, le gouvernement a ordonné au Rainbow, un croiseur, de pointer ses canons en direction du Komagata Maru. Le navire a été escorté avec 352 passagers encore à son bord. C'était un moment triste et décevant pour les amis qui ont assisté au départ du navire.

Un voyage qui avait débuté le 4 avril a pris fin seulement le 29 septembre, à Calcutta, en Inde, où la police de l'endroit a ouvert le feu sur les passagers, en tuant 19. Les autres ont été arrêtés. Dans un Canada plus tolérant, le Komagata Maru demeure un symbole émouvant pour les sikhs, un symbole que les autres Canadiens devraient comprendre.

En cette époque où le gouvernement commence à revoir ses actions passées, le gouvernement entend-il offrir des excuses officielles?

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