Motion M-382 :
: M. Lorne Nystrom (Regina-Qu'Appelle, NPD)

37e Législature, 2e Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 123
Le vendredi 19 septembre 2003

Les préjudices causés au peuple acadien

Lorne Nystrom

L'hon. Lorne Nystrom (Regina-Qu'Appelle, NPD): Madame la Présidente, je voudrais féliciter le député de Verchères-Les-Patriotes pour sa motion.

La déportation du peuple acadien a eu lieu de 1755 à 1763. Les Acadiens parlent du Grand Dérangement.

Je trouve que cette expression est bien trop modeste pour décrire la tragédie vécue par le peuple acadien, et reflète en fait leur grande force d'âme. D'ailleurs, le récit popularisé par Longfellow, Évangéline, qui représente la réalité historique douloureuse du peuple acadien, nous peint le portrait d'une déportation brutale et cruelle. Voilà en gros comment cela s'est produit.

Avant l'arrivée de l'armée britannique, la région de l'Acadie recouvrait l'actuel Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard, où j'étais ce matin. Elle s'étendait le long d'un chapelet de communautés rurales et maritimes, vivant du commerce, du produit de la pêche et de l'agriculture. Les familles acadiennes étaient les premières familles européennes à peupler le Canada, il y a 400 ans. Ces communautés vivaient en parfaite entente avec les peuples autochtones.

En arrivant en terre acadienne, l'armée anglaise se comporta en armée d'occupation et somma le peuple acadien de porter allégeance à la Reine, sans réserve et sans égard à leur spécificité culturelle et religieuse. Devant le refus des communautés acadiennes, l'armée britannique est brutalement intervenue, brûlant les maisons, prenant possession des riches terres et forçant les familles acadiennes à se séparer, obligeant les femmes, les enfants et les homme à embarquer sur des navires différents pour les déporter en Louisiane et un peu partout sur la côte américaine. Aujourd'hui, ceux qui sont en Louisiane sont des cajuns, des anciens Acadiens. Certains ont fini dans les prisons d'Angleterre et d'autres furent forcés à rentrer en France.

Comme on peut l'imaginer, les souffrances et les injustices ont continué bien après la fin du voyage. Cette souffrance et cette intolérance peuvent être comparées à celles qu'ont historiquement subies les premières nations, les métis et tous nos peuples autochtones et qu'à bien des égards, ils continuent à subir en terme de conséquences.

Nous voyons encore aujourd'hui les droits humains piétinés dans de nombreux pays. Un peu partout, nous voyons les minorités religieuses, linguistiques ou culturelles persécutées et leurs droits bafoués, souvent avec une grande violence.

Le Canada est lui-même loin d'être parfait. Nous-mêmes au Canada, avons bien du mal à réparer les conséquences des abus des droits de la population autochtone qui vit aujourd'hui dans des conditions déplorables. Nous avons souvent du mal à maintenir une société démocratique, ouverte et égalitaire. Rien n'est jamais acquis.

Cependant, la bonne nouvelle est que le Canada bâti après cette tragédie, le Canada moderne, s'est construit sur les bases d'une dualité linguistique, sur une tolérance et une ouverture à la différence. L'élément clé du Canada moderne, que l'on retrouve dans la section 15 de la Charte des droits et libertés, est bâti autour du principe d'égalité des droits, du refus de la majorité d'imposer sa volonté à une minorité quand il s'agit d'une question de droits humains. C'est sur ce refus positif que s'est construit le Canada moderne. C'est ce refus de la raison du plus fort qui a permis au Canada de devenir un exemple de diversité dans l'unité.

C'est pourquoi, aujourd'hui, nous pouvons en toute liberté débattre de cette motion qui est un reflet du désir non seulement du député Verchères-Les-Patriotes, mais de toute la population acadienne qui porte toujours en elle les marques profondes et cette cruelle tentative d'extermination d'une dignité bafouée.

[Traduction]

Un philosophe a dit: «on se relève plus fort lorsqu'on frôle la mort». Les Acadiens sont fiers d'avoir survécu au Grand Dérangement. Ce sont aujourd'hui des membres forts et fiers de la famille canadienne. Mon collègue d'Acadie-Bathurst, qui ne pouvait pas être présent ici aujourd'hui, et que j'ai l'honneur de représenter à l'occasion de ce débat, est un modèle vibrant de la contribution acadienne à notre pays.

En tant que Canadien de l'Ouest, j'appuie cette motion. Le déportement des Acadiens a été un acte insensé et barbare. À ceux qui pensent que la chose allait de soi à l'époque, je rappelle une autre injustice qui a eu lieu en 1923: la loi visant à restreindre l'immigration chinoise au Canada. Cette loi séparait les familles en multipliant les obstacles pour empêcher les femmes de rejoindre leur mari. Le Parlement a abrogé cette loi outrageante et il a présenté des excuses officielles à la communauté chinoise canadienne.

Il est grand temps que nous exigions des excuses officielles de la Couronne pour la manière dont a été traitée dans le passé une des minorités fondatrices de cette nation. Sa Majesté la reine Elizabeth II a déjà présenté des excuses officielles au peuple maori, en Nouvelle-Zélande, en 1995, et au peuple d'Amritsar, en Inde, en 1999. Comme l'a souligné la société Nationale de l'Acadie, les occasions pour présenter des excuses officielles au peuple acadien ne manquent pas.

[Français]

Il y aura le 400e anniversaire de l'Acadie en 2004; 400 ans d'histoire se sont faits.

[Traduction]

Si on ne le fait pas à l'occasion du 400e anniversaire, pourquoi pas en 2005, à l'occasion du 250e anniversaire du Grand Dérangement?

[Français]

Voici donc, une multitude de possibilités pour la Couronne britannique de reconnaître le tort fait au peuple acadien.

J'invite tous les députés à prendre connaissance de la motion de mon ami de Verchères-Les-Patriotes, et de bien comprendre son importance pour un peuple qui a participé lui aussi au fondement de notre pays, le Canada.

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