Motion M-382 :
: L'hon. Robert Thibault (Ouest Nova, Lib.)

37e Législature, 3e Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 008
Le mercredi 11 février 2004

Les préjudices causés au peuple acadien

Robert Thibault

L'hon. Robert Thibault (Ouest Nova, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à vous remercier de l'occasion qui m'est donnée de répondre au député de Verchères-Les-Patriotes et à la motion M-382.

Ce n'est pas la première fois que le député porte cette question à l'attention de la Chambre des communes. À maintes reprises, il a choisi de faire part ici de ses préoccupations à ce sujet. Pour cela, je le félicite.

La motion M-382 se lit comme suit:

« Qu'une humble Adresse soit présentée à Son Excellence, dans la foulée des démarches entreprises par la Société Nationale de l'Acadie, la priant d'intervenir auprès de Sa Majesté afin que la Couronne britannique reconnaisse officiellement les préjudices causés en son nom au peuple acadien, de 1755 à 1763.»

[Traduction]

Je crois que tous les députés et, en fait tous les Canadiens, sont touchés par ces événements historiques. La déportation des Acadiens est un épisode triste et déplorable. Ce que nos ancêtres acadiens ont subi ne peut pas et ne doit pas être oublié.

Notre mémoire collective regorge de théories et d'explications sur les motifs de la déportation, sur les raisons qui se cachent derrière de tels gestes. Les historiens tentent de comprendre la façon de penser de nos aïeux, de ceux qui vivaient à une autre époque et avaient un comportement, une pensée et des réactions différents des nôtres. On ne peut comprendre. On ne peut trouver d'explication. À mon avis, il s'agissait d'un nettoyage ethnique.

[Français]

Il est impossible de changer l'histoire. La déportation des Acadiens, peu importe comment on pose le problème, n'est pas acceptable.

Je pense que les Acadiens et les Acadiennes d'aujourd'hui le comprennent. Loin de n'être qu'un élément du folklore ressassé uniquement par nos aînés, leur histoire est aujourd'hui et demeurera à jamais un épisode tragique d'une réalité à laquelle on ne peut rien changer. Nos enfants, les enfants de nos enfants s'en souviendront. On aura beau faire un retour sur le passé et souhaiter que divers incidents ne se soient jamais produits ou aient été traités différemment, les tentatives de changer le passé ne seront jamais que des voeux pieux.

Mais revenons à la motion M-382. Pourquoi en est-on encore à débattre de cette motion? Il me semble qu'en décembre, quand le gouvernement du Canada a annoncé la signature d'une proclamation royale désignant le 28 juillet de chaque année Journée de commémoration du Grand Dérangement, l'affaire a connu un dénouement heureux. Je dis bien heureux puisqu'à ce moment-là les Acadiens eux-mêmes, en la personne du président de la Société Nationale de l'Acadie, ont déclaré qu'ils étaient «très heureux du résultat positif de ce dossier».

Le président a également déclaré que la proclamation «servira aussi en tant que reconnaissance officielle des faits historiques entourant la déportation qui a eu lieu entre 1755 et 1763». Cela me semble heureux. Si les Acadiens eux-mêmes sont satisfaits du résultat, à quel titre l'honorable député de Verchères-Les-Patriotes peut-il déclarer que ce n'est pas suffisant?

Les valeurs d'aujourd'hui prennent racine dans les leçons tirées de l'histoire d'hier et de notre passé commun. À l'occasion de la cérémonie d'installation du gouverneur général, Roméo LeBlanc, le 8 février 1995, notre premier ministre et très honorable Jean Chrétien a déclaré:

« Vous êtes le premier Acadien et le premier citoyen de la région de l'Atlantique à assumer cette importante fonction.»

«Il y a 200 ans, vos ancêtres ont dû lutter pour assurer la survie d'une petite collectivité acadienne après des années de guerre et de terribles difficultés économiques. Ils ont souffert des luttes que se livraient les empires européens. La plupart ont été déportés. La faim et la maladie ont fauché beaucoup d'entre eux. D'autres ont péri en mer lorsque les navires qui les menaient en exil ont fait naufrage.»

«Mais quelques exilés déterminés ont réussi à s'échapper et à revenir ici malgré les autorités coloniales qui tentaient de les disperser.»

« Finalement, ils ont non seulement survécu à ces terribles épreuves, mais encore leurs descendants se sont développés et épanouis sur cette terre dont ils ont fait leur patrie.»

« Avec un courage exceptionnel, ils ont préservé leur culture. Ils ont résolument mis de côté les vieilles rancunes et choisi de vivre en paix et en harmonie avec leurs concitoyens du Canada, en privilégiant ce qu'ils avaient en commun avec eux, pas ce qui pouvait les diviser. C'est à cause d'eux, nous le savons tous, que le Canada atlantique bénéficie d'une culture acadienne remarquablement riche et dynamique.»

[Traduction]

Ces leçons ont façonné les Canadiens d'aujourd'hui, des personnes respectées et respectueuses, ouvertes et tolérantes, dynamiques et énergiques.

[Français]

Mais laissons le passé de côté pendant un moment. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à de nombreux enjeux prioritaires, lesquels ont été clairement définis par les communautés de langue officielle en situation minoritaire du Canada, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, dont j'ai été membre, la Société Nationale de l'Acadie, dont j'ai été membre, la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse, dont j'ai été président.

Parmi les enjeux en question, mentionnons la création d'emplois, les services de santé en français, les services judiciaires en français et le développement du jeune enfant. Je pense que nous devrions mettre l'accent sur les questions où nous pouvons faire avancer les communautés de langue officielle en situation minoritaire au Canada.

Les Canadiens et les Canadiennes seraient probablement tous d'accord pour dire que c'est là que nous devrions investir nos énergies et les ressources du gouvernement fédéral.

Le 12 mars 2003, le très honorable Jean Chrétien a fait l'annonce de nouvelles initiatives en déclarant aux Canadiens et Canadiennes qu'un montant de 750 millions de dollars sur cinq ans serait affecté au plan d'action pour les langues officielles: «Trente ans après l'adoption de la Loi sur les langues officielles, je suis heureux d'annoncer que le gouvernement, à la demande des Canadiens et des Canadiennes, insuffle un nouvel élan à la dualité linguistique de notre pays» a déclaré le premier ministre.

Le plan, salué par les communautés de langue officielle en situation minoritaire, porte sur les problèmes pressants auxquels sont confrontés les communautés francophones canadiennes de l'extérieur du Québec, y compris les Acadiens et les Acadiennes.

On y trouve un cadre de responsabilisation et de coordination ainsi que trois objectifs principaux: l'éducation, le développement communautaire et les services de la fonction publique fédérale.

Voilà ce que souhaitent les Acadiens et les francophones, soit que l'on investisse dans leurs collectivités pour les encourager, les aider à prospérer et à grandir.

D'ailleurs, on les consultera tout au long de la mise en oeuvre du plan d'action, qui s'étendra sur cinq ans. Nous sommes à l'écoute de leurs commentaires et de leurs souhaits. Nous les invitons à participer et à s'approprier le plan.

La première de ces consultations ministérielles officielles a eu lieu à Ottawa le 6 octobre 2003. Sept ministres fédéraux associés au plan d'action ont pris bonne note des commentaires des collectivités à l'égard des mesures que nous avons prises et ont fait état des progrès.

On ne s'arrêtera pas là. Des consultations sérieuses seront tenues tout au long du processus.

[Traduction]

Les Acadiens sont des gens tenaces et le dynamisme des entrepreneurs acadiens se traduit dans la force de leurs institutions, de leurs entreprises commerciales et de leurs établissements d'enseignement. Ils contribuent au succès du Canada.

Le gouvernement du Canada reconnaît ce dynamisme et cette contribution essentielle à la société canadienne. Les Acadiens font partie des 7 millions de personnes qui parlent chantent, écrivent, travaillent et vivent en français. Ces francophones témoignent de la vitalité de ces gens et de leur extraordinaire détermination à grandir et à s'épanouir sur un continent dont la majorité est anglophone.

La responsabilité du gouvernement est de soutenir l'essor des Acadiens, de reconnaître leur valeur en tant que Canadiens et leur apport au Canada. Regardons les faits. Mes collègues et moi sommes tournés vers l'avenir comme le sont tous les Acadiens et tous les Canadiens. Nous représentons l'avenir du Canada et nous voulons qu'il soit le meilleur possible.

Des francophones, des anglophones, des autochtones, des Acadiens et des gens de plus de 200 ethnies différentes vivent ensemble et se respectent. Voilà ce qu'est le Canada. C'est vivre dans l'harmonie, la paix et la prospérité.

[Français]

Comme je l'ai déjà dit, je ne comprends pas pourquoi le Bloc québécois continue de croire que cette affaire n'a toujours pas connu un dénouement heureux. Tournons-nous vers l'avenir. Peut-être devrions-nous canaliser nos énergies sur les défis qui nous attendent, sur l'histoire telle qu'elle s'écrit aujourd'hui.

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