Déportation des Acadiens : Un bloquiste demande des excuses à la reine

Steve Hachey - 30 mars 2001


MONCTON - Un député du Bloc québécois, Stéphane Bergeron, d'origine acadienne, a déposé une motion personnelle à la Chambre des communes demandant des excuses officielles à la Couronne britannique pour les préjudices causés au peuple acadien lors de la Déportation.

Le dépôt de cette motion en a fait sourciller plusieurs, à commencer par Euclide Chiasson, président de la Société nationale de l'Acadie (SNA), qui aurait bien aimé être consulté avant que le député pose son geste. Interviewé hier, M. Bergeron a soutenu qu'il était désolé de ne pas avoir consulté les représentants acadiens installés dans les Maritimes, mais qu'il avait agi à titre de membre de la diaspora acadienne et à titre personnel. Il admet toutefois qu'il a commis une bourde et qu'il s'est excusé auprès de M. Chiasson de ne «pas avoir eu le réflexe» de le consulter. M. Chiasson a tout de même demandé au député de retirer sa motion, sans succès. «Nous ne pouvons pas nous associer avec cette démarche car nous estimons que toute demande d'excuses pour les torts causés aux Acadien-ne-s doit provenir de l'Acadie, a indiqué M. Chiasson dans une lettre envoyée à M. Bergeron. Le peuple acadien est, à notre humble avis, suffisamment grand, mature et responsable pour déterminer par lui-même si des excuses sont souhaitées et, le cas échéant, le genre d'excuses, la tribune appropriée ainsi que le moment opportun pour le faire.» Pour sa part, M. Bergeron raconte qu'il était disposé à retirer sa motion, malgré les torts politiques que cela provoquerait, mais qu'il s'est ravisé après avoir décelé les motivations partisanes derrière la position de la SNA. Il explique que s'il avait retiré sa motion, il aurait été impossible à l'avenir de refaire l'exercice, et les Acadiens, dont il a retracé ses racines, n'auraient jamais reçu amende honorable pour le terrible préjudice qu'ils ont subi lors du Grand Dérangement.

D'accord, mais... De son côté, M. Chiasson indique qu'il est «évidemment en accord avec le principe», mais que la SNA, avait un autre plan «beaucoup plus vaste» en prévision des festivités quadricentennaires de 2004. Ce plan devrait impliquer une reconnaissance des torts par le gouvernement canadien, qui agit maintenant au nom de la Couronne britannique. Selon M. Chiasson, le tort causé au peuple acadien ne se limite pas à la période de la Déportation, mais s'est poursuivi «systématiquement» jusque dans les années 1960, qui ont notamment vu la fondation de l'Université de Moncton, en 1963. Dans ce plan, il n'est pas exclu que s'il est prouvé que les Acadiens ont subi et continuent de subir les effets à cause du retard pris, notamment en éducation, il puisse y avoir une demande pour des mesures de «rattrapage». Ce qui irait bien plus loin que de simples excuses de la reine d'Angleterre. Toutefois, une fois la motion déposée, M. Chiasson ne dit pas souhaiter qu'elle soit défaite. «Eh bien, nous aurions souhaité qu'elle soit retirée, mais puisqu'elle est rendue là et que les députés vont voter, ça ne pourrait pas nuire qu'elle passe», avoue-t-il avec un peu d'hésitation. Il ajoute qu'au moins le débat aux Communes pourrait avoir comme effet positif de faire connaître l'Acadie à l'ensemble du Canada qui n'est pas nécessairement au courant de la situation. «Ç'a un effet positif c'est sûr. Si on parle de l'Acadie en Chambre, ça ne peut pas faire de tort», soutient M. Chiasson.

Godin veut aussi des excuses Le député d'Acadie-Bathurst, le néo-démocrate Yvon Godin, a appuyé la motion du député québécois, soulignant qu'il s'agissait d'un geste personnel n'émanant pas du BQ. Il ajoute que M. Bergeron a simplement eu une très bonne idée, manifestement avant les députés acadiens, et qu'en tant que député acadien, il ne peut faire autrement que de l'appuyer. M. Godin a d'ailleurs livré en Chambre un long plaidoyer rappelant les sévices et les conditions horribles de la Déportation et disant qu'il est tout à fait naturel de demander des excuses. «Comme Acadien pure laine, la seule chose que l'on demande c'est que lorsqu'une erreur a été commise ou des choses atroces ont été faites, ce n'est pas dur de dire je m'excuse», a expliqué M. Godin. Le député libéral dans Madawaska-Restigouche, Jeannot Castonguay, s'est toutefois farouchement opposé à la motion, accusant de «paternalisme» l'attitude du député bloquiste. «La présentation de la motion M-241 est un autre témoignage d'une attitude paternaliste offensante, insultante et blessante de la part des séparatistes du Bloc québécois, de lancer la recrue. Nous n'avons pas besoin d'un tuteur autoproclamé.» Autant M. Godin que M. Bergeron se sont dits attristés de voir que M. Castonguay ait voulu faire de cette question une affaire partisane. Un reproche que M. Castonguay a également adressé au «séparatiste» marqué d'une soudaine compassion envers l'Acadie, masquant l'intérêt véritable, celui de «nous utiliser dans sa guerre contre le gouvernement du Canada».

Steve Hachey L'Acadie NOUVELLE shachey@acadienouvelle.com