Bruno Godin - Éditorial (AN) : Maladresse d'une injure

Bruno Godin - 5 avril 2001

La Société nationale de l'Acadie a été prise de court par le député du Bloc québécois, Stéphane Bergeron, qui a déposé une motion personnelle au Parlement canadien la semaine dernière, demandant des excuses à la Couronne britannique pour la Déportation des Acadiens et des Acadiennes en 1755. Le président de la Société nationale de l'Acadie, Euclide Chiasson, a demandé au député bloquiste de retirer sa motion, puisque l'organisme qu'il dirige a un plan, encore secret, beaucoup plus élaboré que de simples excuses, un plan dont le dénouement pourrait culminer lors du Congrès mondial acadien de 2004 en Nouvelle-Écosse. Ce qui agace également M. Chiasson, et plusieurs autres personnes, c'est que le député bloquiste n'a pas daigné faire part de sa motion à la communauté acadienne avant de passer à l'action. M. Bergeron, de descendance acadienne, rétorque qu'il lui est impossible d'acquiescer à la requête de la SNA pour des raisons procédurales et que, selon lui, il est tout aussi apte à défendre la cause des Acadiens et Acadiens que quiconque. Qui parle au nom des Acadiens? Certains diront que nous pouvons tous, et chacun, parler pour nous-mêmes ou encore que nous avons des organismes à cet effet. Mais, c'est à tout le moins gênant - et je suis poli - de voir un membre du Bloc québécois porter à bout de bras une cause comme celle de la Déportation des Acadiens; une cause si chère à notre mémoire collective. L'avocat louisianais Warren Perrin lutte depuis des années pour que la Couronne britannique nous présente des excuses. D'autres l'ont déjà fait également dans différentes circonstances et sur différentes tribunes. Le problème avec la démarche du député Stéphane Bergeron, toutefois, c'est qu'il est un... politicien, et qui plus est, d'un parti politique qui n'a pas toujours été l'un des plus ardents défenseurs des Acadiens et des Acadiennes. Donc, nous sommes en droit de nous poser la question suivante: Agit-il pour la cause acadienne ou encore pour celle de son parti? Si c'est pour la cause acadienne, il a été très maladroit dans sa démarche unilatérale, c'est le moins que l'on peut dire. Je suis plus porté à croire la deuxième hypothèse puisqu'il y a des gains politiques, quoique minimes, à présenter une telle motion. Dans la présente situation, il ne faut pas oublier que M. Bergeron a droit à une tribune nationale, pour ne pas dire internationale - le Parlement canadien -, ce qui n'est pas le cas pour M. Perrin et bien d'autres. Se servir des Acadiens et des Acadiennes pour donner bonne conscience au Bloc québécois sur le plan de la francophonie canadienne, non merci! Si c'est ce qu'on appelle bâtir des ponts, je préfère marcher dans la rivière! Je tente d'imaginer l'ampleur de la réaction qu'auraient les Québecois résidant au Québec, les médias de cette province et leurs dirigeants, si le député libéral acadien de Beauséjour, Dominic LeBlanc, qui doit bien lui aussi avoir un lien de sang avec les descendants de la belle province, se levait en Chambre, demain matin, et demandait des excuses de la part du gouvernement fédéral d'avoir imposé la conscription aux Québécois lors des deux guerres mondiales, ou encore extrapoler, soit d'adresser une motion compensatoire à la Couronne britannique d'avoir envoyé le général Wolf sur les Plaines d'Abraham? J'entends déjà les épithètes et les adjectifs du premier ministre Bernard Landry, du chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, et de bons nombres de Québécois, dénonçant pareille injure à leur égard!

brunog@acadienouvelle.com