Warren Perrin poursuit sa croisade pour des excuses de la Couronne

Douze années plus tard, Warren Perrin poursuit sa croisade pour des excuses de la Couronne: «Il n'est jamais trop tard pour corriger un tort»

Philippe Ricard, L'Acadie Nouvelle - 10 août 2001

MONCTON - Il y a 12 ans, Warren Perrin commençait sa croisade pour obtenir des excuses officielles de la Couronne britannique. Aujourd'hui, l'avocat louisianais est chaque jour un peu plus près de son but, un objectif qu'il atteindra coûte que coûte afin que «le peuple acadien retrouve son nom et le respect qu'il mérite».

Si la visite de M. Perrin dans les Maritimes a été motivée par le fait qu'il prononcera un discours lors de la collation des diplômes du cours d'immersion de l'Université Sainte-Anne, il avoue également que son voyage sur les terres de ses ancêtres est une excellente occasion de revoir de vieux amis... et de faire la promotion de sa cause, via les médias. Car pour lui, la demande d'excuses officielles à la Couronne britannique et l'annulation de l'Ordre de Déportation sont pratiquement devenues des obsessions, obsessions qui selon lui redonneront aux Acadiens le respect et la dignité qu'ils méritent. «Mon grand-père me disait: quand tu vas être mort, la seule chose qui restera c'est ton nom. Dans notre mémoire collective, la Déportation est une crise qui est toujours avec nous. J'essaie, avec ma requête, d'obtenir une réconciliation. Mais pour cela, il est nécessaire d'admettre qu'il y a eu des torts qui ont été faits», fait-il remarquer.

Pas trop tard Contrairement à des commentaires récemment émis par certains politiciens, Warren Perrin ne croit pas qu'il soit trop tard pour réclamer des excuses. Pour M. Perrin, ce dossier est une question de principe, une sorte de loyauté qu'il a envers les générations d'hommes et de femmes qui se sont battues bien avant lui, pour exiger qu'une reconnaissance soit accordée à son peuple. «La première pétition a été faite par des Acadiens déportés à Philadelphie, juste après le Traité de Paris en 1763. Deux Acadiens ont été nommés pour aller porter la pétition de cinq pages (à Londres). L'histoire nous dit que leur requête n'a jamais été acceptée par l'Angleterre. Quand j'ai lu ça, je me suis dit qu'il fallait assurer que les requêtes qui ont été présentées par ces deux Acadiens reçoivent une réponse», explique l'avocat louisianais. D'ailleurs, M. Perrin prétend avoir les mêmes revendications que ces deux pionniers. «Je demande les mêmes choses. C'est pour ça que quand des gens me disent: “c'est trop tard”, je leur réponds qu'une requête, c'est là jusqu'à ce que ce soit fini, jusqu'à ce que ce soit répondu. En droit, il n'y a pas de statut de limitation sur les crimes commis contre l'humanité. On reconnaît qu'un tiers des Acadiens ont été des victimes. Ce n'était pas un dérangement, c'était un génocide pour éliminer le peuple acadien», ajoute-t-il.

Confiance M. Perrin affirme être très confiant que la Couronne britannique reconnaisse les torts causés au peuple acadien dans un proche avenir. Avec sa requête en tête de liste et les motions que le député du Bloc québécois Stéphane Bergeron et un sénateur américain tenteront de faire adopter à la Chambre des communes et au Congrès américain, il de quoi se réjouir, croit-il. «Je suis optimiste parce que dernièrement on a eu des développements encourageants. Le sénateur John Breaux veut faire passer une résolution en ce sens au Congrès. Je souhaite aussi que les discussions entre les politiciens du Canada vont leur permettre de mieux se comprendre», souligne-t-il. Des faits récents tendent également à lui donner espoir que les autorités britanniques se rendront sous peu à l'évidence des préjudices commis envers les Acadiens. «Quand j'ai commencé en 1989, il n'y avait pas d'exemple où les Britanniques s'étaient excusés pour ce qu'ils ont fait. Mais en 1995, la reine a été en Nouvelle-Zélande pour s'excuser pour des torts qui ont été causés dans un passé encore plus lointain (que la Déportation). Il n'est jamais trop tard pour corriger un tort», constate M. Perrin. Et pour ceux qui défendent une thèse à l'effet que les ordres de déporter les Acadiens ne viendraient pas de l'Angleterre, mais des autorités locales dirigées par le gouverneur Charles Lawrence, Warren Perrin répond ceci: «On ne va jamais connaître les faits réels parce qu'il y a trop de documents qui ont été détruits. Il faut regarder les circonstances évidentes. Premièrement, on ne demande pas de dédommagement, et secundo, je suis un avocat, pas un historien. Que la Déportation ait été ordonnée ou non (par la Couronne), ça n'a aucune différence. Si Charles Lawrence a exécuté les ordres, ils sont responsables quand même pour ses actions», soutient-il.

Pas payant, les excuses? Le ministre responsable de l'Agence de promotion économique du Canada Atlantique, Robert Thibeault, déclarait au mois de juin dernier que sa priorité était le développement économique des régions de l'est du pays et que des excuses officielles de la Couronne britannique ne créeraient pas d'emplois. Pour l'avocat louisianais, les représentants du gouvernement fédéral devraient peut-être faire un saut dans le sud des États-Unis pour constater les retombées économiques qu'ont eu le Congrès mondial acadien de 1999. «Il y a une chance de gagner aussi sur le côté économique. La Louisiane a été gagnante au point de vue touristique en 1999. Le tourisme culturel est très populaire aujourd'hui. Votre gouvernement va dépenser énormément d'argent pour prochain le Congrès mondial. À mon avis, si on est capable d'avoir un représentant du gouvernement de la Grande-Bretagne et de la Couronne pour venir donner des excuses et débuter une réconciliation, je crois que le pays ne sera pas assez grand pour recevoir tout le monde. Il y a des possibilités économiques, et pas seulement pour les Acadiens, mais pour les autres aussi», dit-il.