Excuses de Londres: la SNA veut élargir le débat à la population

Philippe Ricard, L'Acadie Nouvelle - 17 août 2001

MONCTON - La Société nationale de l'Acadie a annoncé la composition du comité consultatif qui se penchera sur la motion M-241 du député bloquiste Stéphane Bergeron, hier, au Musée acadien de l'Université de Moncton. Si le comité en question à un mandat large, sa principale tâche sera de susciter un débat dans la société acadienne, un débat qui a plutôt été réservé à un nombre restreint d'individus depuis le dépôt de la motion.

C'est le directeur du Centre d'études acadiennes de l'U de M, Maurice Basque, qui assumera la présidence de ce comité consultatif mis sur pied par la SNA. M. Basque sera épaulé par l'historien et ancien président de la SNA, Neil Boucher, le professeur de droit international à l'U de M, Kamel Khiari, et l'ancienne président de la SAANB, Lise Ouellette. Le comité devra remettre un rapport à la SNA d'ici le 21 septembre. Un des mandats du comité sera de recueillir de l'information relativement aux événements entourant la Déportation des Acadiens, entreprise en 1755. On y examinera entre autres choses les liens que l'Angleterre et que ses colonies ont eus face à l'ordre de Déportation. De plus, le comité récoltera des données reliées aux fondements juridiques qui entourent la motion. Ainsi, on se questionnera à savoir s'il existe des précédents de ce type en droit international, quelle devrait être la forme d'excuses qui pourraient être formulées et s'il devrait y avoir un dédommagement quelconque faisant suite aux excuses. Selon Maurice Basque, le comité aura recours à des historiens et à des spécialistes pour explorer toutes ces questions. «On est déjà au courant des grands axes d'interprétation (historique). Mais la question juridique n'a pas toujours intéressé les historiens. Par exemple, est-ce qu'il y a eu un ordre (de Déportation) ou non? Et s'il y a eu un ordre, est-ce qu'un traité de paix annule ces ordonnances? Ce sont tous des détails techniques qui faut clarifier. Bien sûr, le comité n'aura pas le temps de se pencher sur ces questions-là, mais nous allons rencontrer des historiens et des spécialistes qui, eux, s'y attardent», explique le directeur du CÉA. Le président du comité consultatif croit aussi qu'il est important de tenter de mesurer les impacts qu'ont eu des excuses officielles sur d'autres communautés ayant subi des préjudices. «Il y a plusieurs personnes qui se demandent ce que ça (des excuses) donnerait de plus à la communauté acadienne et pourquoi on dépense autant d'énergie à ce cheminement-là, alors qu'on devrait solidifier les acquis. Ce sont des questions légitimes. On peut donc vérifier ce qui c'est passé dans d'autres communautés qui ont connu à peu près le même processus, pour se donner une idée de ce que ça pourrait donner ici», affirme M. Basque. Susciter un débat Au dire du président de la SNA, Euclide Chiasson, et de Maurice Basque, la principale tâche du comité consultatif sera de susciter un débat dans la société acadienne au sujet de la motion d'excuses . Si seulement quelques individus ont pris part aux discussions publiques à ce sujet jusqu'à maintenant, le directeur du CÉA compte bien obtenir la participation du grand public pour enrichir le débat. «J'ai l'impression que ça suscite (dans la communauté) des réflexions, des arguments, des coups de coeur, des réactions émotives ou quelque chose de plus réfléchi. On veut essentiellement encourager le débat parce que cette question-là touche toute la communauté acadienne, et pas seulement quelques individus», fait remarquer M. Basque. Pour ce faire, le comité consultatif se propose bien sûr de rechercher les positions des différentes associations acadiennes et des experts en la matière, mais également tous les commentaires émanant du public, que les opinions soient en faveur ou contre la motion M-241. «On va recueillir les commentaires ici, au Centre d'études acadiennes. On va les imprimer et les emmagasiner pour inclure ça dans notre rapport. On demande poliment aux gens de se prononcer, s'ils le veulent bien. Les discussions entourant cette question peuvent rester dans une dimension privée, domestique; mais je pense que c'est un débat public, et c'est pour cette raison qu'on crée ce forum. Je vois le rôle du comité consultatif comme étant un comité qui va demander aux gens ce qu'ils pensent de cette question, qu'ils soient en faveur ou pas, et s'ils ont d'autres solutions à proposer», indique l'historien. M. Basque avoue cependant que le temps presse, puisque le comité consultatif devra remettre son rapport d'ici environ cinq semaines. «Il est vrai qu'on a relativement peu de temps. La SNA reconnaît que cette motion est quelque chose qui est venue de l'extérieur parce que c'est une proposition qui est venue de M. Bergeron. Ce n'est pas une institution ou une association acadienne qui s'est donné dès le départ le mandat d'acheminer cette question-là. C'est une situation particulière, je l'avoue, et je n'ai pas de problème avec ça. Ce n'est pas une solution idéale (formation du comité), puisqu'elle est arrivée à minuit moins quatre. Mais minuit n'est pas encore sonné», a mentionné le directeur du CÉA. Toutes les personnes intéressées à faire valoir leurs opinions sur la motion M-241 peuvent le faire par le biais du télécopieur (858-4530) ou par courriel (basquem@umoncton.ca).