La Déportation des Acadiens : Un crime contre l'humanité

Hector J. Cormier [Article, Le Moniteur Acadien] - 10 août 2001

Si la Déportation des Acadiens avait lieu aujourd'hui, ce serait la nouvelle de tous les instants. On accuserait les responsables de crime contre l'humanité : déporter un peuple aux quatre coins du monde, incendier églises, maisons et granges pour décourager les fuyards de revenir, confisquer et vendre le bétail pour défrayer les coûts de l'opération. Ça ressemblerait étrangement au Kosovo et au Rwanda.

Il s'est agi d'horreurs perpétrées contre des habitants devenus sujets britanniques, le tout planifié et exécuté en temps de paix pour punir certains Acadiens qui auraient transgressé la clause de neutralité du Serment d'allégeance. On voulait peupler le territoire de protestants, ce qui exigeait qu'on vide les lieux. Aujourd'hui, on appellerait la chose nettoyage ethnique.

Voilà de quoi on accuserait la Couronne britannique devant un tribunal international. Mais, il y a plus. Il y a les souffrances morales inimaginables qu'ont eu à subir ces habitants qu'on a déracinés, éparpillés, isolés. Après des voyages interminables dans des cales puantes, on les a refusés dans certaines colonies américaines. On en a transporté en Angleterre et fait prisonniers pour toute la durée de la guerre de Sept Ans (1756-1763). Des enfants y sont nés, des vieillards y ont trouvé la mort. L'histoire d'un long cauchemar dont les séquelles se ramifient jusqu'à nos jours.

Ce fut l'errance, la recherche de l'identité collective, l'attente et le retour de l'exil, événement qui fut lent et difficile. En Nouvelle-Écosse, on a permis le retour des Acadiens à condition qu'ils s'éparpillent aux quatre coins de la province. On leur a interdit l'accès au domaine politique, à l'administration publique et à l'éducation.

En montrant un tel dédain et un tel irrespect pour tout un peuple, la Couronne britannique consacrait un comportement dont s'est prévalu la majorité au Canada depuis. Il a donné lieu à des lois discriminatoires qui ont brimé les droits fondamentaux. Et la collectivité acadienne ne serait pas en droit d'exiger des excuses de la Couronne britannique? On s'est bien excusé du traitement infligé aux citoyens japonais canadiens durant la Seconde Guerre Mondiale, le Pape l'a fait par rapport aux Juifs. S'excuser serait montrer une grandeur d'âme. Ce serait l'occasion de mettre un terme à un traitement qui fut exécrable, à une souffrance qui a traversé les siècles, à une peur collective qu'il faudra bien du temps à dissiper.