Pour une proclamation royale juste!

- 30 octobre 2003

David Le Gallant

La suggestion de la ministre du Patrimoine canadien pour une proclamation royale reconnaissant les torts faits aux Acadiens par la Couronne britannique n'est peut-être pas une mauvaise chose si, d'un seul coup, justice pouvait véritablement être rendue au peuple acadien, et pas seulement un semblant de justice. Premièrement, il faudrait que cette proclamation royale provienne de la Couronne britannique, c'est-à-dire de la reine Élisabeth du Royaume-Uni et son gouvernement et non de la reine du Canada, car ce n'est pas la même personne juridique en droit constitutionnel. Et, deuxièmement, il faudrait que des excuses officielles de la Couronne britannique accompagnent la reconnaissance des torts et il faudrait que la date choisie pour un jour de commémoration mondiale de la Déportation acadienne soit convenable. Je suis fort déconcerté que la Société nationale de l'Acadie, pour laquelle j'ai tant de respect, a pu complètement affaiblir les pétitions originales de Warren Perrin et de Stéphane Bergeron qui demandaient, entre autres, des excuses officielles de la Couronne britannique. Une simple reconnaissance des torts, ce n'est pas prendre au sérieux le quasi-génocide perpétré contre le peuple acadien par le roi Georges II et son Conseil privé. Pour quelles raisons a-t-on cru qu'une simple reconnaissance des torts suffirait aux yeux de la communauté francophone internationale alors qu'on connaît l'appui massif qu'a eu la pétition de Waren Perrin et qu'aurait eu davantage Stéphane Bergeron s'il n'eut été membre du Bloc Québécois. Qui a fomenté l'idée qu'on pouvait rejeter certains faits historiques qui prouvent indéniablement que c'est justement la monarchie britannique et son Conseil privé de l'époque qui a pris la décision ultime de déporter notre peuple au lieu de Charles Lawrence qui, le 28 juillet 1755, ne faisait que ce qu'il avait été enjoint de faire? Ces faits historiques exigent au moins des excuses officielles! Je suis encore plus déconcerté de savoir que la Société nationale de l'Acadie ait choisi le 28 juillet pour jour de commémoration annuelle de la Déportation parce que, justement, cette date jette le blâme sur Charles Lawrence comme on a jeté le blâme sur John Winslow pour la Déportation de Grand-Pré. Adopter le 28 juillet pour jour de commémoration fait croire que c'est Lawrence qui est à l'origine de la Déportation et absout d'un seul coup toute imputabilité chez ceux à qui la responsabilité ultime incombe, l'institution toujours existante de la monarchie britannique et son Conseil privé. Pourquoi oublie-t-on qu'avant que Lawrence ne décrète le 28 juillet 1755 comme le début des opérations de la Déportation, des «instructions secrètes» lui avaient été transmises de l'Angleterre, le 8 juillet, par le vice-amiral Boscawen et le contre-amiral Mostyn, des instructions portant la signature de George II et une lettre du secrétaire d'État Robinson? Ce fut alors que Lawrence convoqua, à deux reprises au moins, les membres du Conseil de la Nouvelle-Écosse. On trouve la corroboration de ces faits historiques indéniables dans le journal privé de Boscawen, aux Archives Nationales d'Ottawa, tandis que John Winslow lui-même corrobore que ses instructions pour ordonner la Déportation étaient «The King's instructions which I have in my hand..», «His Majesty's final resolution…» et «The peremptory orders of His Majesty…» Pourquoi est-ce que la plupart des protagonistes impliqués dans le crime d'épuration ethnique perpétré contre les Acadiens ont été promus après la Déportation? De quel droit est-ce que Lawrence, lui qui n'était qu'un simple lieutenant-gouverneur, aurait pu agir seul avec le Conseil et décider de déporter toute une colonie de «sujets britanniques» que nous étions depuis 45 ans, sans l'autorisation préalable du roi et de son Conseil privé? Et que le 24 décembre 1755, alors que la plupart des Acadiens étaient déjà partis à leur sort en mer, Lawrence est enfin nommé «gouverneur de la Nova Scotia»? Quels intérêts peut-on vouloir protéger de la sorte pour berner ainsi notre Société nationale de l'Acadie à croire qu'il n'est pas nécessaire de demander des excuses? Et que le 5 septembre 1755, date à laquelle John Winslow se justifiait à Grand-Pré pour déporter les Acadiens au nom du roi George II, ne pourrait pas devenir la date symbolique culminante des débuts de la Déportation au lieu même de Grand-Pré, poétisé par Longfellow et bientôt reconnu par l'Unesco comme site patrimonial mondial des Acadiens? La Société nationale de l'Acadie aurait mieux fait de se fier à son intuition, et tâter le pouls de ceux qui savent que c'est à Grand-Pré que l'on a dit que c'était par les instructions et au nom du roi que l'Angleterre nous déportait, et non par le fiat d'un Charles Lawrence. Alors pourquoi ne pas demander des excuses officielles et choisir le 5 septembre, date fatidique connue de tous, pour Jour mondial de la Commémoration de la Déportation des Acadiens?&

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