Éditorial: Royalement nôtre!

Robert Pichette (Collaboration spéciale) - 6 décembre 2003

Robert Pichette dauphin@nbnet.nb.ca

Dans les derniers jours de son mandat, le gouvernement Chrétien offre aux Acadiens, par le truchement de Mme Sheila Copps, ministre du Patrimoine canadien, un cadeau à la fois de Noël et d'anniversaire. Et pas un banal anniversaire puisqu'il s'agit du 400e anniversaire de la fondation de l'Acadie. L'annonce que le conseil des ministres du Canada a approuvé in extremis le texte d'une proclamation commémorant le Grand Dérangement devrait normalement mettre fin à une saga commencée dans le ridicule et qui allait virer au grotesque n'eut été l'intervention de la SNA. Saluons la ténacité, la sagesse et le bon sens de son président, M. Euclide Chiasson, qui a brillamment mené ce dossier à terme. Rendons hommage aussi à Mme Copps, qui a piloté ce dossier devenu épineux avec l'énergie et l'opiniâtreté qui la caractérise. Mme Copps a toujours claironné la fierté de ses origines acadiennes et, sous sa longue gouverne du ministère du Patrimoine canadien, la ministre s'est intéressée personnellement à bon nombre de dossiers acadiens. Un groupuscule d'Acadiens qui ne représentent qu'eux-mêmes ont eu l'inconvenance de se moquer bêtement d'elle en termes peu amènes. Heureusement, Mme Copps, qui en a vu d'autres, n'en a pas tenu compte. Rendons-lui cette justice de la remercier pour toutes les initiatives qu'elle a approuvées en faveur d'importants et coûteux projets acadiens, surtout au moment où elle s'apprête à quitter, contre son gré, le gouvernement. La proclamation ne plaira pas à tout le monde. En plus d'être rédigée dans une atroce langue de bois, elle contient des termes archaïques propres à ce genre de document. Ainsi, on entend déjà les protestations des éternels malcontents, qui rechigneront d'être assimilés à «Nos féaux sujets...» (sic). On est en monarchie ou on ne l'est pas! Avec la meilleure bonne volonté au monde, Mme Copps s'est fourvoyée «royalement» en invitant la reine Elizabeth II à lire la proclamation à Grand-Pré. La présence de la souveraine ne ferait que rameuter les opposants connus avec des conséquences trop facilement prévisibles. Les patientes démarches de la SNA, qui ont abouti si heureusement à un texte acceptable, en seraient irrémédiablement compromises. Tournons la page et souhaitons ardemment que l'Acadie, dorénavant, cesse de se définir uniquement par son histoire tragique. Sortons enfin de cette ornière dans laquelle on nous fait barboter comme si nous n'étions que des spectres du passé. Le Grand Dérangement a été un crime. Il est désormais officiellement reconnu même si nous n'en avons jamais douté. Il définit d'une façon indélébile la nature même de notre société. Nous n'allons pas l'oublier. Toutefois, le temps est venu de montrer la véritable face de l'Acadie postmoderne et de claironner les indéniables accomplissements de notre société. Puisqu'une rumeur persistante et qui semble fondée veut que le gouvernement du Nouveau-Brunswick envisage à son tour une sorte de proclamation, suggérons qu'il rédige un texte dans une langue autre que la minable langue de bois officielle dans laquelle le dynamisme de la société acadienne prendrait le pas sur la tragédie commencée en 1755. Après le Grand Dérangement est survenu ce qu'un authentique patriote acadien a appelé le Grand Arrangement. Il est plus que temps de faire état de nos réussites à l'aube du quadricentenaire de l'Acadie..

.