Des pinottes historiques

Rino Morin Rossignol - 6 décembre 2003

Wow! Grosse semaine, han, Madame? Je me doutais de rien. Moi qui ai toujours le nez collé sur le tivi, fallait que je prenne un mini sabbatique de nouvelles pour que tout arrive en même temps. Ça m'apprendra à manquer à mes responsabilités de chroniqueur.

Rino Morin Rossignol Chroniqueur morinrossignol@sympatico.ca

Premièrement, le gouvernement fédéral s'est finalement décidé à accepter d'adopter une proclamation qui reconnaîtra officiellement les torts causés aux Acadiens lors de la Déportation commencée en 1755. De plus, n'écoutant que son grand coeur, il a ordonné que le 28 juillet de chaque année devienne une journée de commémoration du Grand Dérangement. Un ami m'a demandé ce que ça me faisait. Je voyais à sa mine réjouie qu'il se réjouissait de la chose et qu'il était convaincu que j'allais faire tout un party pour célébrer ça. Je l'ai déçu. Je lui ai dit que, finalement, toute chose considérée, ça me laissait plutôt tiède. Non pas que l'idée de la reconnaissance des torts causés aux Acadiens lors de la Déportation ne soit pas en soi une bonne idée. Au contraire.

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Ce qui refroidit un peu mes ardeurs, à cet égard, c'est la manière dont tout cela a été réglé. Au début, vous vous en souviendrez, mémorables lecteurs zé lectrices, on parlait d'excuses. Comme dans: je vous demande pardon. Des excuses pour avoir agi de façon arbitraire. Après tout, ne l'oublions pas, les Acadiens et les Acadiennes déportés à partir de 1755 ont été les victimes des guerres entre l'Angleterre et la France et ils n'avaient pas vraiment grand-chose à voir là-dedans, trop occupés qu'ils étaient en Acadie à défricher des terres pour survivre. Ils n'étaient certainement pas eux-mêmes partie prenante de ces guerres. D'où la nécessité des excuses. Des excuses royales. Car si la reine d'Angleterre est aussi celle du Canada, selon la rumeur publique, c'est à elle que devrait incomber, en tant que chef de l'État, la responsabilité de présenter des excuses. Madame Windex, oups! pardon: Madame Windsor, a préféré demander à «ses» ministres du Canada de la conseiller à cet égard. J'en déduis qu'ils lui ont conseillé de faire la commission à sa place. Et en ont profité pour changer l'appellation de la manoeuvre. Reconnaître des torts, c'est une chose. S'excuser, c'en est une autre. Mais bon, je ne serai pas plus râleur que ne l'exige le défi merveilleux d'écrire cette chronique. Et pour rester dans l'imagerie monarchique, je serai bon prince et je ferai mine d'apprécier la proclamation du gouvernement. Mais disons que j'aurais préféré qu'au lieu d'un tour de magie, le gouvernement fédéral annonce qu'il piloterait à l'Unesco une demande de reconnaissance d'un site acadien dans le patrimoine universel.

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En ce qui a trait à la future nouvelle commémoration annuelle du Grand Dérangement, le 28 juillet, outre le fait que c'est une date sans rapport avec rien, je ne vois pas vraiment ce que ce jour-là a de particulier. Je présume que les historiens vont nous expliquer ça. De plus, je me demande quelle attitude il conviendra d'adopter ce jour-là. Faudra-t-il se recueillir, comme le 11 novembre, jour du Souvenir où s'allonge chaque année la liste des guerres qui ont affligé la planète depuis 1918? Serait-il plus approprié de faire un gros party, mélange de fête nationale et de Jour de l'An? Faudra-t-il s'habiller en coat de suit ou en bermuda? La proclamation ne le dit pas. C'est ben plate, car en ce jour qui n'a aucune signification on commémorera un événement qui lui en a presque trop! Pis on saura même pas comment s'habiller! Zut.

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Autre grosse nouvelle: la version politique du mariage gay. Ben oui, deux partis de droite qui se mariont! Espérons que ça fera des enfants forts, comme disent certains esprits éclairés. Hier avant-midi, j'écoutais Stephen Harper, chef de l'Alliance, nous vanter le caractère historique de cette union qui, à l'écouter parler, pourrait permettre à la droite canadienne, lors des prochaines élections fédérales, de mettre fin à «une décennie de corruption libérale». Grosse ambition. Monsieur Harper était très heureux que les membres du parti aient voté à 96 % en faveur de cette union entre l'Alliance et les conservateurs. C'est tout un score! Bizarrement, ça m'a rappelé les scores qu'obtenait Saddam Hussein lorsqu'il avait la magnanimité d'organiser des «élections» dans son pays. Probablement qu'aujourd'hui les conservateurs vont être moins monolithiques. Mais quoiqu'il en soit, aux prochaines élections fédérales, la droite sera représentée au Parlement fédéral par un parti, le Parti conservateur et un premier ministre: Paul Martin! On est surréaliste ou on ne l'est pas!

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Autre grosse nouvelle historique: les premiers ministres des provinces et les chefs des gouvernements territoriaux ont finalement paraphé, hier, les documents officiels créant le Conseil de la fédération. Avec un sens du marketing symbolique digne des mises en scène patriotiques ringardes à l'américaine, ils ont procédé à la chose sur l'Île-du-Prince-Édouard, là yousse que tout a commencé. À entendre, par la suite, les commentaires des premiers ministres Bernard Lord et Jean Charest, on pourrait se laisser porter à penser que le Canada ne sera plus jamais le même. Une ère nouvelle serait, apparemment, commencée sous nos yeux étonnés. Ça va renforcer l'union confédérale, arguaient-ils, parce que le Conseil sera un outil favorisant la collaboration entre les provinces. Comme si les provinces n'étaient pas capables, à l'heure actuelle, de créer des fronts communs dans les dossiers chauds, tels que le financement des soins de santé ou le déséquilibre fiscal. Souvenons-nous qu'en 1981, les provinces faisaient front commun aussi contre le rapatriement unilatéral de la constitution. Cela a débouché sur la nuit des longs couteaux où le Québec s'est fait flouer. Souvenons-nous qu'en 1987, les provinces faisaient encore front commun, cette fois pour l'Accord du lac Meech. On sait ce qui en est advenu en 1990, après les sparages de McKenna, Wells et Filmon. Bref: on peut créer des Conseils, on peut signer des ententes, mais dès qu'un nouveau premier ministre provincial est élu, la donne peut changer radicalement, selon le bon vouloir de ce nouveau roitelet.

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Finalement, pour une grosse semaine historique, je trouve que le menu est faible. Il n'y a pas grand-chose à se mettre sous la dent, à moins d'être emballé à l'idée de manger quelques pinottes. Dussent-elles être des pinottes historiques.

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