Éditorial : Une autre page...

Bruno Godin - 12 décembre 2003

Bruno Godin

bruno.godin@acadienouvelle.com

La grande odyssée menant à une reconnaissance officielle de la Déportation des Acadiens s'est terminée, mercredi, par la lecture d'une proclamation royale par la ministre du Patrimoine canadien, Sheila Copps, à Ottawa. La proclamation ne fait pas mention d'excuses de la part de la Couronne britannique, pas plus que nous y retrouvons les mots «torts causés à...» et l'acte provient du gouvernement canadien. Mais nous pouvons y lire les grandes lignes des conséquences de la Déportation, qui s'est déroulée de 1755 à 1763. Et le décret désigne le 28 juillet, à compter de 2005 et pour toujours, comme la «Journée de commémoration du Grand Dérangement.» La cerise sur le sundae, comme l'a à maintes reprises indiqué le président de la Société nationale de l'Acadie, Euclide Chiasson, serait que la reine d'Angleterre, Elizabeth II, vienne lire la proclamation royale à Grand Pré, à l'été 2005, lors de son prochain voyage au Canada. Un certain nombre d'Acadiennes et d'Acadiens, comme d'historiens, sont déçus de la finalité de cette démarche entreprise «officiellement» il y a quelques années. Au départ, on parlait d'excuses en bonne et due forme de la part de la Couronne britannique pour les torts causés lors de la Déportation. Pour remettre un peu en perspective le dur combat mené par la SNA dans ce dossier au cours des derniers mois, notons la chronique signée par Colby Cosh intitulée An apology for Acadians? Non merci, parue le 5 décembre dans le quotidien National Post. Le chroniqueur nous présente, en 2003, comme des quêteux, réécrit l'histoire en présentant Charles Lawrence comme un héros à redécouvrir. Plus encore, il laisse entendre que nos ancêtres n'ont eu, en fait, entre 1755 et 1763, que ce qu'ils méritaient. Ou encore, le reportage combien condescendant et réducteur de notre télévision publique nationale de Montréal, qui s'est rendue, mercredi, au Colisée de Caraquet pour recueillir les réactions de joueurs de hockey d'une ligue de garage sur la proclamation royale entre deux pauses sur le banc! Il est évident que si l'événement avait été québécois, le reportage aurait été bien différent. Lors de ses démarches sur la scène fédérale, la SNA s'est également butée aux avocats du gouvernement qui ont dilué le contenu de la proclamation afin de s'assurer que nous ne puissions demander des réparations pécuniaires. Or, il n'en a jamais été question de la part de la SNA qui, en passant, a brillamment récupéré ce dossier au cours de la dernière année. Mais il semble qu'il valait mieux prévenir, selon les procureurs fédéraux. Ce ne sont que quelques exemples parmi tant d'autres des embûches et des stéréotypes qu'a dû surmonter la SNA dans son cheminement pour une forme de reconnaissance officielle de la Déportation. Oui, nous pouvons dire sans nous tromper que le 10 décembre 2003 nous avons assisté à un moment historique. Nous pouvons également dire, sans nous tromper, qu'une autre page de notre histoire vient de s'écrire. Mais il ne fait aucun doute que nous n'avons pas tourné la dernière page. Comme nous le disions dans ce même espace en octobre 2002, «notre présence fait foi» du pied de nez du peuple acadien envers l'Histoire qui, envers et contre tous, est toujours bien vivant. Et il ne fait aucun doute que bien d'autres pages restent à être écrites, en commençant par les célébrations, l'an prochain, du 400e anniversaire de notre présence, ici, en terre d'Amérique.?

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