1755 - Exiger des excuses à l'Angleterre ou pas ?

Gilles Toupin, La Presse - Le jeudi 4 octobre 2001

Ottawa

La motion du député bloquiste Stéphane Bergeron, qui demande à la gouverneure générale d'intervenir auprès de la reine afin que la Couronne britannique présente des excuses officielles pour la déportation des Acadiens, entre 1755 et 1763, a continué hier de plonger les libéraux dans l'embarras. Même si la motion du député, dont les ancêtres étaient acadiens, a reçu l'approbation de toutes les organisations acadiennes, comme l'a souligné hier le député néo-démocrate de Sackville, en Nouvelle-Écosse, Peter Stoffer, le parti au pouvoir s'est élevé à nouveau contre la motion, affirmant qu'elle n'était pas valable parce qu'elle provenait d'un parti qui cherchait «à détruire le Canada». Le député libéral de Tobic-Mactaquac, André Savoy, a en effet accusé le Bloc québécois de mépriser les francophones qui vivent hors du Québec et de les considérer comme «des perdus». Il a estimé qu'il ne fallait pas vivre dans le passé, mais qu'il fallait plutôt «continuer à construire le pays», s'en prenant ainsi à ce qu'il a appelé «la logique bloquiste».

Ces commentaires ont valu à André Savoy une rebuffade de Peter Stoffer. «C'est un péché, a-t-il lancé, que de faire de la petite politique partisane dans cette Chambre avec une question comme celle-là.»

Le député conservateur de Richmond-Arthabaska, André Bachand, est également venu au secours de la motion du Bloc en dénonçant ceux qui la rejetaient parce qu'elle venait des «méchants séparatistes». «Si j'avais des doutes sur l'honnêteté intellectuelle de la motion, le peuple acadien m'a rassuré par le travail remarquable qu'il a accompli», a-t-il dit. M. Bachand a rappelé tout le travail historique remarquable fait par les Acadiens, en particulier par la Société nationale de l'Acadie, pour que cette motion soit comprise dans son contexte historique.

Le député Stéphane Bergeron, qui avait déposé la motion en mars dernier, s'est dit tout à fait conscient du dilemme auquel sont confrontés les élus gouvernementaux. «S'ils votent contre la motion, a-t-il confié à LaPresse, ils paraissent mal. S'ils votent pour la motion, ils ont l'impression d'endosser quelque chose qui vient du Bloc québécois.»

M. Bergeron, qui s'est récemment rendu trois fois dans les Maritimes pour établir des contacts avec la communauté acadienne, n'en revient tout simplement pas que plus de 200 ans après la déportation des Acadiens, ces tristes événements n'aient pas encore été reconnus. Le député de Verchères - Les Patriotes a affirmé qu'il était même prêt, si cela permettait l'adoption rapide de sa motion, à en céder le parrainage à un député libéral. Le député bloquiste a également déploré la position partisane des libéraux dans cette affaire.

Le ministre des Affaires intergouvernementales, Stéphane Dion, s'est en effet récemment opposé à l'adoption de cette motion, ce qui lui a valu des reproches acerbes dans la presse acadienne. «N'est-il pas temps, a notamment écrit L'Acadie Nouvelle lundi dernier, que le peuple acadien obtienne le droit d'exister légitimement sur le territoire de la confédération?»

Il va sans dire que la visite au Nouveau-Brunswick en octobre 2002 de la reine Élisabeth II sera inévitablement associée à cette demande d'excuses officielles. M. Bergeron ne croit pas cependant qu'il y ait suffisamment de temps avant cette visite pour que des excuses soient présentées par la souveraine elle-même.

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