Foi de Stéphane Dion, la motion d'excuses à l'Acadie sera bloquée

Réal Fradette, L'Acadie NOUVELLE - 24 septembre 2001

BATHURST - Il y a les excuses que l'on attend depuis trop longtemps et celles qui ne viendront pas de sitôt...

Le président du Conseil privé du Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre responsable de l'application de l

a Loi sur les langues officielles, Stéphane Dion, a été au centre d'une controverse, samedi soir, alors qu'il a été chahuté pendant le banquet de la 28e assemblée générale provinciale de la Société des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick (SAANB), à Bathurst. Répondant à une question de Réal Gendron, de Dalhousie, qui l'exhortait à établir la position du gouvernement fédéral sur la fameuse motion M-241 demandant des excuses officielles à la Couronne britannique concernant la Déportation de 1755 (on la voyait venir à 100 milles, celle-là), le conférencier d'honneur a répété pour une énième fois qu'il est «très improbable que le gouvernement du Canada appuie cette motion, car elle vient d'un parti qui n'a pas de racines (le Bloc québécois).» M. Dion n'a même pas eu le temps de terminer son commentaire que de nombreuses huées bien senties se sont faites entendre dans la salle, ce qui a soulevé la gêne et la répugnance de plusieurs organisateurs de cet événement. Bon prince dans les

circonstances, le ministre a levé les mains en signe de résignation et est rapidement passé à une autre interrogation du public. «Les questions symboliques sont toujours entourées de tellement d'émotions, a répondu le principal intéressé après son allocution. Cette motion ne passera pas par un parti séparatiste. Elle doit venir de la société acadienne.» Justement, il y avait un député bloquiste dans la salle, en l'occurrence Benoît Sauvageau, de Repentigny, porte-parole aux langues officielles de son parti. Il n'a pas mis de gants blancs pour commenter les propos de M. Dion. «Sa position démontre une méconnaissance totale et crasse de la réalité acadienne. Si M. Dion avait pris le temps de rencontrer les gens d'ici, il aurait constaté qu'il y a un monde entre son discours et le terrain. Cette motion a l'appui du député d'Acadie-Bathurst, Yvon Godin, en plus de celle de la SAANB, de la Société nationale des Acadiens, de l'Association des juristes francophones, de l'Association francophone des municipalités du N.-B. Il vient de faire un affront à un peuple qui s'est battu si longtemps. Au-delà de la personne, quel message terrible vient-il de livrer?» S'il n'accrédite aucunement les dires du ministre Dion à cette assemblée, l'ancien président de la SAANB, Roger Doiron, en avait probablement davantage contre la réaction très audible de certaines personnes. «Un comportement de la sorte (les huées) est inacceptable. C'est un manque de savoir-vivre et de savoir-faire. Il y a une politesse élémentaire quand on invite du monde. On peut être en désaccord avec sa position sans le montrer de cette façon», a-t-il ouvertement déploré. Même le ministre provincial des Pêches et de l'Aquaculture et ministre responsable des langues officielles à Fredericton, Paul Robichaud, s'est dit étonné de la manière dont son homologue fédéral a lâché le morceau. «Comme politicien, il aurait été capable d'être plus habile. Mais, par contre, il a émis une position très claire en disant qu'il ne fallait pas s'attendre à ce que son gouvernement appuie ces excuses tant et aussi longtemps que le Bloc québécois sera derrière tout cela.» Le président actuel de la SAANB, Jean-Guy Rioux, a voulu éteindre un peu les feux, sans vraiment y parvenir. «C'est un discours auquel on s'attendait. On aurait aimé qu'il parle de la place des Acadiens dans la constitution canadienne. Mais, malheureusement, ce ne sera pas cela qui va faire les manchettes. Comprenons bien: ce soir (samedi), ce ne sont pas tous les Acadiens qui ont hué M. Dion. Il faut faire la part des choses comme peuple civilisé.» Non loin de là, le chef intérimaire de l'opposition officielle à Fredericton, Bernard Richard, a également reproché le comportement de certains partisans à cette motion. «Je n'aime pas qu'on reçoive des gens comme cela. Mais il faut admettre qu'une réponse autre que celle que vient de donner M. Dion m'aurait énormément surpris. Cette initiative serait mieux fondée si elle venait de la communauté au lieu d'un député, peu importe son allégeance.» Pendant ce temps, M. Dion était déjà à bord de l'avion devant le ramener à Ottawa...

fradette@acadienouvelle.com

.