OTTAWA ADOPTE LE TEXTE D'UNE PROCLAMATION ROYALE DÉSIGNANT LE 28 JUILLET COMME JOURNÉE COMMÉMORATIVE DU GRAND DÉRANGEMENT

Radio-Canada, Moncton

À LA UNE

Mercredi, le 3 décembre 2003, 12 h 20

ANDRÉ MARTINEAU - … Pour faire suite à notre sujet d'hier, finalement le gouvernement fédéral a adopté à l'unanimité le texte d'une proclamation royale par laquelle la reine Elizabeth II reconnaîtrait les torts causés aux Acadiens lors de la Déportation. Le texte désigne aussi le 28 juillet, ça c'est une date à retenir, 28 juillet comme journée commémorative du Grand Dérangement. Pour nous en parler, on va rejoindre le président de la Société nationale de l'Acadie, monsieur Euclide Chiasson. Bonjour monsieur Chiasson.

EUCLIDE CHIASSON - Bonjour monsieur Martineau.

ANDRÉ MARTINEAU - Monsieur Chiasson, c'est une bonne nouvelle pour la SNA et aussi pour l'Acadie.

EUCLIDE CHIASSON - Oui. Je pense que c'est un grand jour pour l'Acadie. Pis, c'est une bonne nouvelle pour la SNA dans le sens que c'est un dossier qui a pris beaucoup de temps et beaucoup d'énergie. Je dirais que ça fait trois ans à peu près que l'on a commencé avec la commission, le comité d'études qui était présidait par Maurice Basque, et ç'a commencé avec ça. Il y a eu la lettre qui a été rédigée avec le document qui a été envoyée à la reine, ensuite il y a eu la réponse de reine, ensuite, il a eu la lettre à monsieur Dion, qui, lui a pris le dossier et pis a trouvé qu'on avait une bonne cause, et puis à partir de là, il a fait des consultations auprès de ses collègues, auprès des provinces et ensuite, il a passé le dossier à madame Copps, parce que c'était dans son ministère que les relations avec la Couronne britannique étaient…, ça faisait partie de son mandat. Ensuite, on l'a convaincu de devenir la championne du dossier. Pis jusqu'à la dernière minute, même hier matin, madame Copps m'a parlé avant la réunion du Cabinet, pis encore là, il y avait une certaine nervosité, parce que c'était la dernière réunion. On savait que c'était à ordre du jour, mais vous pouvez vous imaginer qu'il y avait autre à l'ordre du jour à la dernière réunion du Cabinet. Finalement, ça l'air que ç'a bien passé, tout le monde était d'accord, pis que le travail avait été bien, que les mémoires avaient été bien préparés. Alors, c'est vraiment un dénouement intéressant pour le peuple acadien. Ensuite, avec le 250e anniversaire qui s'en vient, on va avoir quelque chose à mon avis de très bien. Si la reine vient en plus à Grand-Pré, et bien alors ce serait le couronnement de toute l'affaire.

ANDRÉ MARTINEAU - Si ce n'eut été dans le passé du travail de l'avocat Perrin en a Louisiane et aussi du député Bergeron du Bloc québécois, est-ce que l'on en serait là aujourd'hui monsieur Chiasson ?

EUCLIDE CHIASSON - Moi, je dis qu'il faut reconnaître le travail de monsieur Perrin et de monsieur Bergeron. Monsieur Perrin a été le premier à revendiquer. Lui y avait un autre point de vue. Il parlait de monument, pis y parlait évidemment pour les Acadiens de la Louisiane. Mais par après monsieur Perrin a joint sa demande à la nôtre et on a harmonisé notre demande pour n'avoir qu'une demande. Pour ce qui est de monsieur Bergeron, je suis d'accord aussi que le fait qu'il a été persistant, il a ramené à deux reprises devant le Parlement canadien sa motion, la M-241 et ensuite une autre motion. Pis, il y en a une d'ailleurs qui s'en venait prochainement, je pense que ç'a joué aussi. Mais aussi le fait, la SNA, je pense, lorsque on a pris le dossier en main, pis on l'a amené à partir d'ici, à partir de l'Acadie, qu'on était pas…, on réagissait pas à d'autres agendas, que ce soit, partisane, politique ou autres, je pense que ç'a été la façon de le faire. Et puis, je suis très fier de la façon que ça c'est déroulé. Ç'a été un peu long, mais d'un autre côté quand qu'on en y pense, sur 250 ans, ce n'est pas très long, mais pour nous, ça été trois ans (sic) que ç'a été un dossier qui a été à l'avant plan tout le temps.

ANDRÉ MARTINEAU - Comment vous réagissez au fait que des gens qui disent encore aujourd'hui que ce n'était nécessaire de demander des excuses à la reine. En fait là, on ne parle pas vraiment d'excuses, mais plutôt de reconnaître des torts. Il y a des gens qui disent que ce n'étaient pas nécessaire parce que, au fond, ça s'est passé il y a très longtemps, et d'autres qui disent oui, c'était nécessaire.

EUCLIDE CHIASSON - Moi, je pense que c'était important qu'on ait sur papier blanc.., noir sur blanc disons, la description de l'événement historique, OK, qui a marqué notre peuple, qui fait partie de notre identité. Alors que ça soit reconnu par notre gouvernement canadien pis ensuite par la couronne. Moi, je pense que c'est très important ça en partant là. Aussi, quant on pense qu'il y a des gens encore aujourd'hui qui nient des événements aussi important que celui-là, mais encore d'autres événements historiques qu'on connaît. Des gens qui nient l'Holocauste ou qui nient des choses. Imaginez-vous, il y a encore des gens qui nient que les Acadiens ont subi des déportations ou qui parlent qu'on était seulement quelques centaines qui ont été déportés, alors qu'on sait que c'était des milliers. Alors, tout ça, mettre ça dans un contexte historique, je pense que c'était très important. L'ajout à ça, c'est la question d'avoir une journée, donc le 28 de juillet, donc le jour que le gouverneur Lawrence a signé l'ordre de la Déportation, que ça soit marqué maintenant comme une journée commémorative pour le Grand Dérangement. Je pense que c'est important pour les générations à venir.

ANDRÉ MARTINEAU - Et qu'est que l'on pourra y lire sur cette proclamation, monsieur Chiasson.

EUCLIDE CHIASSON - Eh bien, le texte comme tel, on pourra pas le… moi je ne l'ai pas actuellement, parce qu'il n'a pas été dévoilé encore depuis…. Disons, une chose certaine, c'est deux éléments là sont centrales dans la proclamation, c'est-à-dire la reconnaissance des faits historiques, ensuite la commémoration du 28 de juillet. Pour le reste, il y a des clauses qui touchent sur le fait que le Canada est un pays souverain, pis des généralités, si vous voulez qui… pour expliquer pourquoi on est allé… disons, vers la gouverneure générale qui représente la reine du Canada et la reine d'Angleterre, du Royaume-Uni, etc. Ça, c'est un petit peu dans le protocole, si tu veux, d'une proclamation. Pour nous, disons, ce qui était non négociable, c'était la question de la reconnaissance et la question évidemment de la commémoration du jour du 28 juillet, et pourquoi le 28, parce que c'est la date historique de la signature de l'ordre de la Déportation.

ANDRÉ MARTINEAU - Et finalement, est-ce que vous auriez préféré, monsieur Chiasson, que la reine vienne plutôt aux fêtes de 2004 en Nouvelle-Écosse, à Grand-Pré l'année prochaine, plutôt qu'en 2005.

EUCLIDE CHIASSON - Non, moi je pense beaucoup plus propice, beaucoup plus approprié en 2005, parce que là on parle de la Déportation et on parle donc de cette proclamation royale. Si elle venait et quelle lisait cette proclamation elle-même à Grand-Pré, ça aura énormément de valeur symbolique et ça serait formidable au niveau de l'histoire. Quant on y pense, vraiment ça serait un tour de force.

ANDRÉ MARTINEAU - Voilà. Merci beaucoup monsieur Euclide Chiasson qui est le président de la Société nationale de l'Acadie. Maintenant, autres réactions ici en studio, le président du comité de travail sur la motion 241 de la SNA (sic), monsieur Maurice Basques, historien bien connu. Bonjour monsieur Basque.

MAURICE BASQUE - Bonjour monsieur Martineau.

ANDRÉ MARTINEAU - Vous êtes satisfait du travail accompli ?

MAURICE BASQUE - Comme acadien, je dois vous dire que je suis satisfait. Comme commentateur politique, je dois dire que les Libéraux ont joué, ont été fin renard de s'être opposés massivement. Il ne faut pas oublier que lorsque l'on a commencé le travail de consultation à l'été de 2001, madame Copps n'avait pas tout à fait le même discours, elle avait même fait des mises en garde à la SNA de ne pas entrer dans des zones que les bloquistes avaient proposé à la Chambre des Communes. Alors maintenant, c'et un peu récupéré par les Libéraux, mais pas une récupération, je dirais, gratuite. Moi, je suis surtout content pour les hommes et les femmes. Lorsque notre comité a reçu les quelques dizaines de lettres, la très grande majorité de ces lettres voulait pas des excuses, pas de compensations financières, tourner la page de façon symbolique et élégante, et je pense que la proclamation royale, tel quelle soit rédigée va être tout à fait conforme aux souhaits et désirs de ces hommes et de ces femmes qui disaient, ce n'est pas que ça nous dérangent sur le plan quotidien, mais c'est quelques choses qu'on aimerait passé par dessus sans oublier, mais que la Couronne, donc cette fois-ci s'aurait plus été la Couronne britannique que la Couronne canadienne, même si c'est représenté par la même personne, mais interviennent…, mais là dessus qu'on va satisfaire la majorité des gens. On ne peut pas satisfaire tout le monde en Acadie, comme dans toute société, il y aura des critiques et c'est bien, on est en démocratie, mais je pense que l'ensemble des citoyens et des citoyennes seront satisfaits par cette proclamation. Je dois dire, je suis persuadé que cette proclamation aura un élément où on dira : il n'y a pas de compensation financière, on fin à tout ça. Et, cette dimension, là elle n'a été mis de l'avant par quelques personnes. C'est légitime, mais la très grande majorité des gens, la majorité écrasante je dirai plus de 96 % des gens qui nous ont écrit au comité, on ne parlait pas de sous, ou voulait un geste symbolique, et je pense que c'est ce geste symbolique qui a été accepté hier par le Cabinet fédéral.

ANDRÉ MARTINEAU - Donc, il y a quand même une différence entre la demande initiale, excuses de la Reine et reconnaissance des torts aujourd'hui.

MAURICE BASQUE - Tout à fait. Parce ce que monsieur Bergeron demande, et ce que monsieur Perrin… Il faudrait voir ce que monsieur Perrin. Ce serait très intéressant d'avoir en entrevue cet avocat de la Louisiane, qui depuis des années et des années. Parce que lui c'était beaucoup plus considérable. Et là, c'est la reine du Canada qui s'adresse à ses citoyens canadiens. Mais encore une fois, moi je suis persuadé que ça va faire l'affaire, bien sur, comme je dis, il y aura des critiques, mais le dossier a évolué considérablement. On a passé d'excuses à une reconnaissance des torts. Pourquoi ? parce que très majoritairement, quant Lise Ouellet, Kamel Khiari, Neil Boucher et moi-même comme comité avons reçu toutes ces suggestions et que nous avons proposé à la SNA de passer des excuses à une reconnaissance des torts, une reconnaissance symbolique et officielle, c'est parce c'est ce qu'on avait reçu à la fois des gens, des associations, des municipalités, des gens qui avaient répondus à la consultation qui a eu lieu à la fin de l'été et à l'automne en 2001.

ANDRÉ MARTINEAU - Mais vous, personnellement, comme historien ?

MAURICE BASQUE - Personnellement, comme historien, je crois à l'importance de ces documents et je sais que des historiens auront une idée contraire, moi, je n'ai aucun problème avec ça. Moi quand un personnage important, même si ce n'est que symbolique, s'adresse par exemple aux descendants de Japonais ou d'Italiens au Canada, puis dit : lors de la première ou de la deuxième Guerre mondiale, le gouvernement n'a vraiment été plus que pas correcte avec votre groupe, votre société, on présente des excuses. Il est vrai qu'à l'heure actuelle qu'on s'excuse à tout bout de champs. Jean-Paul II peut pas sortir du Vatican, qui s'excuse pour tout les torts de l'Église et il est pas le seul. Il faut voir qu'à force de s'excuser ce que ça veut dire. On sait bien qu'Herménégilde Chiasson a une façon très articulé aussi d'avoir un regard sur ça. En voulant dire les excuses… Mais dans ce cas ci ce n'est pas des excuses, c'est une reconnaissance des torts. Donc on a changé un peu, je dirais de registre. Ça pas fini de faire couler l'encre. Moi, je ne suis pas persuadé que la souveraine va se déplacer à Grand-Pré. Écoutez, elle est venue au Nouveau-Brunswick il y a pas longtemps, elle n'a pas dit un seul mot. Ça sera plus qu'un tour de force. Un, de l'inviter à Grand-Pré et qu'elle accepte, et deux qu'elle parle, parce que on l'a vu au Nouveau-Brunswick. Ça ne veut pas dire lorsque la reine visite une province qu'a va adresser la parole. Hi! Hi!

ANDRÉ MARTINEAU - C'est un dossier à suivre, bien sur. Enfin ont soulevé aussi, on va se quitter là-dessus, à l'effet que l'acte de la déportation était toujours en vigueur. Vous avez étudié ça.

MAURICE BASQUE - Il n'y a pas d'acte de déportation comme tel. Je veux dire ça, vous savez… dans la ville de Boston à l'heure actuelle là, on peut encore tuer un Jésuite là, parce que c'est un règlement municipale du 17e siècle. Pis les Jésuite de Boston College sont encore très vivants et puis leur équipe de football gagne encore des championnats. Alors, il faut faire attention à ces choses là.

ANDRÉ MARTINEAU - Maurice Basque, merci beaucoup.

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