Motion M-238 :
: Mme Carole-Marie Allard (secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine canadien, Lib.)

37e Législature, 2e Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 054
Le jeudi 6 février 2003

La déportation des Acadiens

Mme Carole-Marie Allard (secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine canadien, Lib.):

Carole-Marie Allard

Madame la Présidente, le député de Verchères-Les-Patriotes vit dans le passé et nous, ainsi que tous les Acadiens, regardons vers l'avenir.

J'aimerais vous remercier de m'avoir donné la possibilité de participer au débat sur la motion M-238 qui se lit comme suit:

Que la Chambre reconnaisse officiellement les préjudices dont a souffert le peuple acadien de 1755 à 1763.

Avant d'aller plus loin, je dirai que le plus grand défaut de cette motion, c'est qu'elle est présentée par un député d'un parti qui prône la division de ce pays. Le député va-t-il aujourd'hui faire amende honorable et admettre l'effet dévastateur qu'aura eu le projet du Bloc québécois sur le sort des Acadiens et de tous les Canadiens de langue française? Va-t-il aujourd'hui s'excuser auprès des Acadiens d'avoir voulu les exclure de cette façon?

M. Bernard Bigras: Qui a écrit votre discours?

M. Stéphane Bergeron: Il y a des Acadiens en Louisiane aussi et cela ne les empêche pas d'être Acadiens. Il n'y a aucun rapport.

Mme Carole-Marie Allard: L'histoire du Canada, comme celle de tous les pays, comporte des passages douloureux. Ces passages sont des événements qui remontent parfois à des centaines d'années. C'est le cas de la déportation des Acadiens.

Le Canada est reconnu dans le monde entier comme étant un pays bilingue et il est souvent décrit comme un modèle de démocratie. Depuis l'époque où la Grande-Bretagne a pris possession, il y a plus de deux siècles, de la Nouvelle-France et d'autres colonies françaises, la société canadienne s'est développée dans une relative harmonie et a donné naissance à un pays qui, en ce XXIe siècle, comporte deux groupes linguistiques importants: les Canadiens de langue anglaise et les Canadiens de langue française. Ces deux peuples continuent à vivre ensemble dans une relative harmonie et prospérité.

Cette coexistence n'est toutefois pas exempte de conflits. À notre époque contemporaine, le fait que deux importants et très différents groupes linguistiques puissent coexister démocratiquement dans un État unique constitue une exception et non la norme.

La communauté acadienne du Canada n'est pas une, mais bien plusieurs communautés disséminées sur tout le territoire des provinces atlantiques. Au Nouveau-Brunswick, les Acadiens sont concentrés dans le sud-est, le nord-est et le nord-ouest de la province. Il y a également des groupes acadiens à Fredericton et à Saint-Jean.

En Nouvelle-Écosse, il existe des communautés acadiennes dynamiques à Baie-Sainte-Marie, sur la côte sud-ouest, à l'île Madame et dans la région de Chéticamp au Cap-Breton.

À l'Île-du-Prince-Édouard, les Acadiens vivent dans la région de l'Évangéline.

À Terre-Neuve et Labrador, ils sont regroupés près de Cap-Saint-Georges, à St. John's et à Labrador City.

Bon nombre d'entre eux habitent également aux Îles-de-la-Madeleine, à Gaspé, dans la région de Montréal et dans l'Ouest canadien. Toutes ces communautés, certaines nombreuses et d'autres pas, témoignent de la vitalité du peuple canadien et acadien et de celle de ses deux langues officielles.

Il faut une force et un courage extraordinaires pour faire évoluer une communauté en situation minoritaire. Les membres des communautés acadiennes ont fondé des écoles, des collèges et des universités; ils ont créé des théâtres, des journaux et des maisons d'édition. Ils ont fait des percées exceptionnelles dans le domaine de la culture, c'est-à-dire le théâtre, le cinéma, les arts visuels, la musique et la littérature. Ils ont donné au monde des écrivains, des poètes, des artistes, des danseurs, des musiciens et des chanteurs. Ils ont mis sur pied un réseau impressionnant d'entreprises et ont créé des emplois.

Les Acadiens du Canada jouent un rôle dans la réussite et dans la prospérité de notre pays. Le gouvernement du Canada reconnaît leur dynamisme et leur contribution essentielle à la société canadienne. Les Acadiens font partie des sept millions de personnes au Canada qui parlent, chantent, écrivent, travaillent et vivent en français. Les francophones sont la preuve de la vitalité et de l'extraordinaire détermination à progresser et à se développer sur un continent à majorité anglophone.

Les langues anglaise et française, et les gens qui les parlent, ont façonné ce pays et l'ont aidé à définir son identité. La dualité linguistique du Canada tire ses origines des racines mêmes de notre pays. Il est difficile de s'intéresser au Canada d'aujourd'hui sans reconnaître l'importance de ces deux langues et de ces deux communautés linguistiques dans la société canadienne.

Reportons-nous toutefois à la motion. Après 250 ans, la Chambre des communes du Canada doit-elle reconnaître les fautes d'une monarchie à laquelle elle n'est même pas apparentée?

Regardons les choses en face. Mes collègues et moi-même nous tournons vers l'avenir, tout comme l'ensemble des Acadiens et des Canadiens. Nous sommes déterminés à faire du Canada un pays où il fait bon vivre, et nous entendons faire de notre mieux à cet égard.

Regardons le chemin parcouru par les Acadiens. Traditionnellement, les trois piliers de l'économie acadienne ont été la pêche, l'agriculture et la forêt. L'Acadie s'est imposée dans chacun de ces secteurs d'activité.

L'industrie de la pêche conserve toujours une place de choix dans les régions côtières acadiennes. Face aux problèmes qui accablent toutefois les pêcheries, les Acadiens cherchent des solutions de rechange à la pêche traditionnelle. Ils ont investi dans l'aquaculture, en particulier l'élevage du saumon et des moules. Ils participent à des programmes de transformation des poisons et des fruits de mer, contribuant ainsi au développement durable des ressources de la mer.

Plusieurs centaines d'Acadiens travaillent dans les forêts du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. La plupart des employés du secteur forestier travaillent dans des usines de pâtes et papier, dans des scieries et dans des usines de meubles et de transformation du bois.

Dans le secteur agricole, les Acadiens ont fait preuve de créativité en reprenant la terre à la mer. Ils ont construit des digues et des aboiteaux qui leur ont permis d'assécher des marais et des terres basses et d'exploiter ces terrains à des fins agricoles. L'agriculture est toujours présente en Acadie, surtout au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. La pomme de terre demeure le principal produit d'exportation, mais la culture des bleuets et des canneberges, dans le cadre d'une diversification des cultures, est en pleine expansion.

Toutefois, la nouvelle économie acadienne dépasse largement ces secteurs d'activité traditionnels. Le renouveau économique qu'a connu l'Acadie repose avant tout sur le mouvement coopératif et l'esprit d'entreprise des Acadiens. La mise sur pied de coopératives dans le secteur des pêches, par exemple, et dans le domaine de l'épargne et du crédit, a semé la base d'une culture entrepreneuriale proprement acadienne.

À titre d'exemple, le mouvement des caisses populaires, qui a commencé avec la Fédération des caisses populaires en 1945, regroupe quelque 200 000 membres, ainsi que de nombreuses coopératives et caisses populaires. Son actif dépasse le milliard de dollars.

L'un des plus beaux exemples de réussite de l'entrepreneuriat acadien est l'Assomption Vie. Cette importante institution offre une large gamme de services dans les domaines de l'assurance-vie, l'assurance collective et des régimes d'épargne-retraite. Elle contribue aussi, par des programmes de prêts, de bourses et de dons, à l'éducation et à la santé.

Le mouvement coopératif a moussé le développement économique de l'entrepreneuriat dans plusieurs régions acadiennes. Les gens d'affaires se sont regroupés en réseaux, comme le Conseil économique du Nouveau-Brunswick et la Société de développement de la baie acadienne, à l'Île-du-Prince-Édouard, pour créer de nouvelles entreprises. En Acadie, les petites et moyennes entreprises sont devenues les principales créatrices d'emplois.

L'Acadie s'est nettement démarquée dans le domaine de l'éducation. Pour ce faire, elle a dû surmonter les problèmes liés à sa situation minoritaire et à la dispersion de sa population. L'Acadie s'est dotée d'un impressionnant réseau d'universités, de collèges communautaires, d'écoles et de centres scolaires communautaires de langue française. Les universités de Moncton au Nouveau-Brunswick et Sainte-Anne-Collège de l'Acadie en Nouvelle-Écosse offrent une éducation complète en langue française et attirent des étudiants de partout au Canada et de l'étranger.

Par ses activités d'enseignement et de recherche, l'Université de Moncton a joué un rôle clé dans la promotion de la langue et de la culture d'expression française en Acadie. Une grande partie de son leadership, dont l'ancien gouverneur général, Roméo LeBlanc, le juge de la Cour suprême, Michel Bastarache, et le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Bernard Lord, ont étudié à l'université de Moncton. Celle-ci compte plus de 30 000 diplômés qui sont devenus des leaders de la société acadienne...

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Je regrette d'interrompre l'honorable députée, mais son temps de parole est écoulé.

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