Motion M-238 :
: M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC)

37e Législature, 2e Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 054
Le jeudi 6 février 2003

La déportation des Acadiens

[Traduction]

loyola Hearn

M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC): Madame la Présidente, le Parti progressiste-conservateur appuie en principe la motion, mais il respecte aussi le droit de la communauté acadienne de demander elle-même des excuses au nom de ses membres. Beaucoup de gens l'ont déjà dit, je crois.

J'avais rédigé une allocution mais, compte tenu de ce que j'ai entendu ici ce soir, je vais adopter une tangente légèrement différente.

Il est étonnant d'entendre quatre groupes de Canadiens s'exprimer sur cette question. Nous avons entendu des opinions très diverses. Je crois que l'allocution de la députée du parti ministériel nous a tous choqués.

[Français]

La députée se demande peut-être pourquoi plusieurs Québécois veulent quitter le Canada.

[Traduction]

Elle a dit que cette résolution était présentée par un parti qui souhaite seulement quitter le Canada. Je me demande pourquoi et je me demande si l'on s'est déjà vraiment demandé pourquoi?

Indépendamment de la race, de la religion ou de la couleur de la peau, tout groupe qui a l'impression de faire partie intégrante de l'ensemble, de la famille, et qui est traité comme un membre de la famille, souhaite rarement s'en aller.

À Terre-Neuve, ma province, une commission royale d'enquête examine à l'heure actuelle la place de notre province dans la Confédération. Lorsque la commission a tenu des audiences dans toute la province, beaucoup de gens sont venus dire à la commission qu'ils trouvaient que Terre-Neuve n'était pas bien traitée. Mes propres électeurs me demandent par écrit et par courriel pourquoi Terre-Neuve fait partie du Canada si c'est pour être traitée comme elle l'est à l'heure actuelle? La question est très grave.

En tant que partisan de l'unité du Canada, non pas tant le Canada que nous avons mais celui que nous pourrions avoir, j'estime que l'on aurait pu éviter bien des divisions au Canada si l'on avait traité tout le monde de la même manière, si l'on avait pris les gens tels qu'ils sont, avec leurs points forts et leurs faiblesses, si l'on avait véritablement reconnu leur diversité, comme le gouvernement précédent a essayé de le faire au début des années 90 avec le ferme soutien de notre parti.

Le député de l'Alliance a parlé de l'histoire des Acadiens, de l'arrivée des Français au Canada, depuis Champlain et même avant, à l'époque de Jacques Cartier, dont les bateaux avaient passé l'hiver dans une petite localité appelée Renews, à Terre-Neuve. Nous avons probablement été les premiers à être visités par les Français. Champlain est ensuite venu et a fondé la localité de Port Royal. Puis il y a eu l'expulsion.

Certains diront que c'était la façon de faire les choses à l'époque. Qu'il s'agisse ou non de faits véridiques, deux questions se posent. Premièrement, était-ce justifié? Deuxièmement, nos livres d'histoire sont une interprétation, juste ou non, de ce qui s'est passé.

Il m'est souvent arrivé de tomber sur des livres d'histoire qui donnaient d'un événement historique deux perspectives complètement différentes. Cela me rappelle la vieille chanson de Johnny Horton, Battle of New Orleans. La première fois qu'il l'a chantée, il racontait que les Britanniques avaient chassé les Américains. Quelqu'un lui a dit que ce n'était pas ainsi que les choses s'étaient passées; il a donc refait le texte, faisant des Américains les bons. Tout est une question d'interprétation.

Quand nous lisons l'histoire des Français au Canada, l'expulsion, le retour et leur contribution à ce grand pays qu'est le nôtre, on peut admettre que des atrocités ont effectivement été commises, mais il s'agit de faits anciens, d'histoire ancienne.

Les ancêtres de mon père et de ma mère étaient Irlandais. Mon peuple a subi le même traitement en Irlande. Les Irlandais qui ont quitté leur pays ne sont pas venus à Terre-Neuve pour son climat. En Irlande, ils survivaient grâce à la culture de la pomme de terre, principalement parce que c'était tout ce que la terre produisait. Lorsque la récolte de pommes de terre a fait défaut, au milieu du XIXe siècle, de nombreux Irlandais sont venus au Canada, dont un bon nombre à Terre-Neuve où la culture de la pomme de terre est difficile là aussi.

Ils ont réussi à survivre et à prospérer non pas en raison du climat ou parce que la terre se prêtait bien à la culture de la pomme de terre ou d'autres produits agricoles, mais parce qu'ils étaient libres et acceptés pour ce qu'ils étaient. Ils ont été traités comme n'importe qui d'autre, peut-être pas au début, mais certainement à mesure qu'ils s'intégraient à la société.

Dans cette grande mosaïque que constitue le Canada, nous sommes tous semblables sous un certain rapport, mais tellement différents à d'autres points de vue. Si nous nous considérions tous pour ce que nous sommes réellement et si nos gouvernements nous traitaient équitablement, nous n'aurions pas la moitié des problèmes que nous connaissons actuellement.

Comme j'aime à le rappeler, en adhérant au Canada en 1949, Terre-Neuve y apporté des ressources extraordinaires. Ces ressources ont été exploitées, mais pas au profit de notre province. Leur exploitation a profité à tout le pays, ainsi qu'à d'autres pays. Pendant des années, on a fait main basse sur nos stocks de poissons. Nos minéraux ont été exportés et ont créé de l'emploi ailleurs au pays. Nos amis se sont enrichis avec notre hydroélectricité. Nous n'avons pas profité de la mise en valeur de nos ressources. C'est le prix qu'il a fallu payer pour faire partie de la fédération canadienne.

Terre-Neuve est une province pauvre d'un demi-million d'habitants dont les ressources sont plus vastes que partout ailleurs au pays. Pourquoi devrions-nous être heureux?

Je lis la motion dont la Chambre est maintenant saisie et je me demande si la solution retenue était la meilleure à l'époque. Les forts ont gagné la guerre et les faibles ont été expulsés. Que la décision ait été bonne ou mauvaise, qu'y a-t-il de mal à reconnaître qu'on n'aurait pas dû agir ainsi? C'est de ce principe qu'il est question ici. Pourquoi ne pas avouer avoir commis des erreurs? Il ne faut pas seulement reconnaître les erreurs du passé. Il faut être beaucoup plus sensible à ce qui se passe aujourd'hui afin d'éviter de répéter ses erreurs.

Si nous continuons de fonctionner comme le fait le gouvernement, nous nous trouverons peut-être à expulser beaucoup d'autres Français d'une manière totalement différente. Si nous agissons correctement, en traitant tous les gens sur un même pied d'égalité et en les reconnaissions pour ce qu'ils sont, nous pourrons avoir un pays fort et uni, mais cela exige la collaboration de tous.

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