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Motion M-238 : : M. Peter Goldring (Edmonton-Centre-Est, Alliance canadienne)
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37e Législature, 2e Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 054
Le jeudi 6 février 2003
La déportation des Acadiens
[Traduction]
M. Peter Goldring (Edmonton-Centre-Est, Alliance canadienne): Madame la Présidente, en qualité de représentant des électeurs d'Edmonton-Centre-Est, je suis heureux d'intervenir au sujet de la motion no 238 concernant le peuple acadien.
Au cours de la visite que la reine a effectuée au Canada du 4 au 15 octobre 2002, à l'occasion du 50e anniversaire de son couronnement, de nombreux de Canadiens d'origine acadienne ont écouté attentivement ses paroles, surtout pendant son passage au Nouveau-Brunswick. Ils espéraient que la Reine mentionne l'expulsion des Acadiens entre 1755 et 1762. Il est important de noter qu'ils s'attendaient non à des excuses, mais plutôt à la simple reconnaissance d'un tort. En fait, il s'agissait davantage de reconnaître officiellement un fait historique plutôt qu'un tort.
Certains actes peuvent être considérés comme mauvais dans l'absolu, comme le génocide, par exemple. D'autres actes, que ce soit la condamnation et l'exécution de Riel ou l'expulsion des Acadiens, doivent être placés dans leur contexte. Ce qui peut sembler répréhensible aujourd'hui aurait pu passer pour une conduite logique il y a bien des années.
Il faut se rappeler que le premier motif de l'expulsion des Acadiens a été leur refus de prêter le serment d'allégeance à la Couronne britannique. À ce moment, la Couronne britannique n'était pas particulièrement favorable au catholicisme et était régulièrement en guerre contre la France, alors considérée comme une ennemie jurée qui cherchait à évincer l'Angleterre pour dominer l'Amérique du Nord.
Pour les Acadiens qui avaient appuyé la France ou avaient combattu pour elle, le refus de jurer fidélité à la Couronne britannique relevait souvent de l'honneur militaire, sans compter qu'il s'ajoutait à la crainte de devoir renoncer à leur religion, leur langue et leur culture. Les Acadiens ont tenté d'équilibrer leur refus en promettant de rester neutres dans tout conflit futur entre l'Angleterre et la France.
Pour les Anglais, cette promesse de neutralité ne semblait pas sincère. Le serment d'allégeance à la Couronne aurait constitué un gage de fidélité autrement plus sérieux, certainement plus sérieux que le serment prêté à la Couronne du Canada par des politiciens séparatistes et même par certains fonctionnaires fédéraux.
Pendant l'été 1755, au cours d'une importante offensive britannique contre la Nouvelle-France en Amérique du Nord, les soupçons se sont révélés bien fondés. Les colonies acadiennes se trouvaient entre les Anglais et les Français.
Des voix: Oh, oh!
[Français]
Le président suppléant (Mme Bakopanos): À l'ordre, s'il vous plaît. Par respect pour l'honorable député qui a la parole en ce moment, j'aimerais bien qu'il n'y ait pas un débat pendant qu'il prononce son discours. On peut faire cela à l'extérieur de la Chambre des communes. Si cela continue, je vais devoir désigner un député par son nom.
[Traduction]
M. Peter Goldring: Madame la Présidente, même si les Acadiens ont prétendu être neutres, près de 200 d'entre eux se trouvaient à l'intérieur des murs du fort Beauséjour lorsque celui-ci est tombé aux mains des Britanniques pendant la première bataille de l'offensive. Déçus par cette supercherie, les Britanniques ont laissé aux Acadiens une dernière chance de vraiment jurer loyauté à la Couronne. Encore une fois, les Acadiens ont refusé.
C'est au fort Beauséjour que les Acadiens ont été expulsés pour la première fois. S'appuyant sur les preuves de duplicité apparente du serment de neutralité acadien, la Grande-Bretagne a alors adopté une politique de l'allégeance ou de l'expulsion, dans son propre intérêt stratégique. À l'automne de 1755, environ 6 000 Acadiens ont été expulsés. Entre 1755 et 1763, plus de 11 000 des quelque 15 000 Acadiens avaient été déportés, principalement en Louisiane.
Avec les jugements fondés sur les valeurs modernes et les techniques de règlement de différends que la plupart d'entre nous connaissent de nos jours, il est facile de considérer les expulsions comme une solution odieuse et horrible à ce qui était néanmoins perçu à l'époque comme une grave menace à l'ordre social. Les Acadiens refusaient de montrer envers les Britanniques le niveau de loyauté nécessaire pour garantir le maintien de l'ordre social.
Si, en 1755, on avait garanti aux Acadiens la liberté de religion et la possibilité de s'exprimer dans leur langue en échange d'un serment d'allégeance envers la Couronne britannique, il est fort probable que la plupart auraient prêté serment, qu'il n'y aurait pas eu de déportation et qu'une tragédie monumentale aurait été évitée.
L'Assemblée législative du Québec a adopté une motion demandant à la monarchie britannique de reconnaître officiellement le rôle de la royauté britannique dans la déportation; lui-même d'origine acadienne, le premier ministre Bernard Landry a qualifié la déportation de «crime contre l'humanité». En décrivant ces faits comme un «crime contre l'humanité», M. Landry banalise cette expression.
Sur le plan historique, il est indiscutable que des expulsions ont eu lieu, mais elles se sont produites à un moment où, sur la scène internationale, elles étaient acceptables et considérées comme relativement modérées. Des mesures bien plus graves auraient pu être prises, de l'emprisonnement jusqu'à l'exécution des personnes considérées comme des traîtres ou des individus déloyaux envers les autorités en place.
Il convient de souligner que la reconnaissance des conséquences négatives de l'expulsion des Acadiens a fait partie intégrante des délibérations royales qui ont présidé à la naissance du Canada tel que nous le connaissons aujourd'hui. Aux termes du traité de Paris signé en 1763 par les rois d'Angleterre, de France, d'Espagne et du Portugal, la religion et la langue des ex-sujets français de ce qui est maintenant le Canada allaient être autorisés. La première mesure prise par les nouveaux dirigeants a été à l'origine du biculturalisme de notre pays qui s'est depuis développé pour devenir le magnifique État multiculturel que nous connaissons aujourd'hui.
En 1764, les Acadiens qui ont voulu rentrer au pays ont été autorisés à le faire, à la condition qu'ils promettent allégeance à l'Angleterre. Entre 1 300 et 1 500 personnes ont fini par revenir et se sont jointes à quelque 3 000 de leurs concitoyens qui étaient passés à la clandestinité pour éviter la déportation. Les francophones d'origine acadienne sont aujourd'hui au nombre de 250 000 au Nouveau-Brunswick, de 35 000 en Nouvelle-Écosse et de 5 000 à l'Île-du-Prince-Édouard.
Des excuses ont déjà été exprimées tacitement dans le Traité de Paris, signé en 1763. Les appels ultérieurs lancés aux Acadiens, les invitant à rentrer au pays, sont eux aussi des expressions tacites de regret pour ce qui leur est arrivé. Sa Majesté la Reine ne peut faire plus que reconnaître les faits historiques notoires de l'époque, y compris les excuses tacites. Au lieu d'insister sur la présentation d'excuses de la part du Canada, nous devrions célébrer les origines royales du Canada. Grâce au Traité de Paris, les monarchies européennes, qui avaient imaginé une société biculturelle dans le nouveau monde, ont donné forme à leur vision éclairée et ont permis la naissance du Canada multiculturel que nous connaissons aujourd'hui, une nation ayant deux langues officielles et des centaines de langues vernaculaires.
Célébrons nos débuts sous le signe de la royauté. Célébrons notre présence royale et réjouissons-nous de savoir que cela nous guidera aussi dans l'avenir. Ne nions pas notre passé, mais n'ayons pas non plus de regrets à son sujet.
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