Motion M-238 :
: M. Yvon Godin (Acadie-Bathurst, NPD)

37e Législature, 2e Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 054
Le jeudi 6 février 2003

La déportation des Acadiens

Yvon Godin

M. Yvon Godin (Acadie-Bathurst, NPD): Madame la Présidente, j'aimerais tout d'abord féliciter le député de Verchères-Les-Patriotes d'avoir présenté la motion M-238 à la Chambre. Connaissant le courage de ce député, je pense qu'il mérite des félicitations.

Je n'ai pas l'intention de faire l'historique de ce qui est arrivé aux Acadiens. Il suffit de lire le hansard car le député de Verchères-Les-Patriotes l'a bien expliqué, sûrement mieux que la députée de Laval-Est.

Cette dernière a décrit les Acadiens comme ayant appris à récolter des patates, à bûcher le bois, à se lever à cinq heures du matin, à aller pêcher et à prendre du poisson. On est «smarts», nous les Acadiens! On a appris à travailler dans des emplois saisonniers. Les gens travaillent seulement dix semaines par année. Il n'y a rien pour eux, les Acadiens.

Oui, on a appris bien des choses. Le gouvernement fédéral a appris à venir chez nous pour couper les prestations d'assurance-emploi aux gens, les mettre dans l'esclavage et à faire mal à des familles.

Je ne veux pas faire dévier le problème des demandes au Parlement de reconnaître les torts faits aux Acadiens en évoquant ce que le gouvernement fédéral a fait aux Acadiens. J'entends la députée de Laval-Est faire les louanges des Acadiens et parler des beaux chanteurs et des chanteuses qui sont chez nous. On est smarts!

Mais la politicaillerie qui existe dans ce Parlement est totalement inacceptable. Le député de Verchères-Les-Patriotes a présenté sa motion parce que les députés libéraux n'ont pas pu reconnaître qu'une personne a le droit d'avoir des sentiments à l'endroit des Acadiens même si elle veut avoir la souveraineté de sa province.

Pour votre information, avec le député de Verchères-Les-Patriotes, si on retrouve ses racines et qu'on remonte aux années 1700, on voit que lui et moi sommes petits-cousins. Sa grand, grand, grand, grand-mère s'est mariée avec mon grand, grand, grand, grand-père, ou dans la parenté de mes cousins.

Arriver ici et dire qu'il y a de la politicaillerie, que cela vient d'un député du Bloc québécois, c'est inacceptable de faire cela à la Chambre des communes si on a du respect envers les peuples. On appelle cela une «cheap shot» des libéraux.

On avait discuté d'une motion du député de Verchères-Les-Patriotes, qui pouvait faire l'objet d'un vote. Ce sont des anglophones de la Chambre des communes qui ont voté en faveur de demander des excuses à la Couronne britannique. Ce sont des supposés Acadiens d'origine qui se sont battus pour voter contre et pour protéger le gouvernement fédéral.

Je lève mon chapeau aux libéraux qui ont voté pour que la Couronne britannique fasse des excuses. Je leur lève mon chapeau car je leur ai parlé. Ils m'ont dit qu'ils s'étaient fait tordre les bras pour ne pas voter en faveur de la motion du député de Verchères-Les-Patriotes.

Le député de Verchères-Les-Patriotes est venu à l'assemblée annuelle de la Société nationale des Acadiens. Il a été reçu avec honneur. Quand il a rencontré la Société des Acadiens et des Acadiennes du Nouveau-Brunswick, qui représente le peuple acadien au Nouveau-Brunswick, il a reçu leur appui.

Quand la députée de Laval-Est dit qu'elle parle pour tous les Acadiens, que les Acadiens ne veulent pas avoir ces excuses, c'est inacceptable et c'est regrettable. Ce n'est pas ce que les Acadiens voulaient. Ils voulaient au moins une reconnaissance.

C'est honteux. Quand la reine est venue au Canada, elle était de passage au Nouveau-Brunswick et n'a même pas eu le droit de s'adresser aux Néo-Brunswickois et aux Néo-Brunswickoises. Elle n'aurait même pas eu le droit de dire bonjour aux Acadiens et aux Acadiennes à l'hôtel Beauséjour, à Moncton. Quand elle est arrivée, elle est entrée à l'hôtel Beauséjour et a été escortée à une table. Elle a mangé et est repartie. Cela a coûté des millions de dollars pour son séjour au Canada. Une personne reconnue mondialement est venue dans une province et n'a même pas eu le droit de s'adresser au peuple. C'est honteux.

C'est le gouvernement fédéral libéral qui a agi ainsi. Les gens qui avaient été invités pensaient que la reine allait s'adresser à eux; ils pensaient qu'elle venait peut-être pour la dernière fois. La seule raison pour laquelle le gouvernement a agi ainsi, c'est qu'il ne voulait pas qu'elle s'adresse au peuple acadien. Peut-être aurait-elle eu le courage de dire qu'au nom de la Couronne britannique, elle reconnaissait les torts faits au Acadiens, comme elle l'a fait aux Maoris en Nouvelle-Zélande.

En 1980, pourquoi a-t-elle reconnu les torts et pourquoi était-ce acceptable pour eux? Les événements sont arrivés dans les années 1700. Pourquoi était-ce bon pour eux et pas pour nous, les Acadiens? Nous sommes seulement des bons planteurs de pommes de terre, nous sommes capables de planter des fraises et des bleuets, nous sommes de bons pêcheurs et de bons bûcherons.

Quel discours a-t-on entendu de la députée de Laval-Est! C'est regrettable.

Vous savez, le gouvernement est allé assez loin et je vais vous le dire carrément, c'est écoeurant la manière dont on a été traités à la Chambre des communes.

Une bonne Acadienne, Sandra Lecouter, qui était allée au Vietnam, m'a demandé de l'argent pour l'aider à payer son voyage. Cette bonne chanteuse Acadienne a fait ses débuts dans la chanson après l'âge de 40 ans. J'avais rencontré la ministre du Patrimoine pour lui demander un peu d'argent pour aider cette dame à payer son voyage au Vietnam afin de représenter les Acadiens. La ministre du Patrimoine a accepté de donner les 1 200 $, et il n'y avait pas de problème. On n'a jamais reçu cet argent. En guise de réponse à ce refus, la ministre m'a dit: «Vas demander au Bloc québécois. Tu as voulu appuyer la motion du Bloc québécois sur les Acadiens, alors vas les voir pour les 1 200 $.» Vous allez me dire qu'il n'y a pas quelque chose de politique là-dedans? C'est honteux.

La seule raison, je pense, pour laquelle les libéraux du gouvernement fédéral ont défait cette motion, c'est parce que c'était quelqu'un du Bloc québécois qui l'avait proposée.

Moi, j'ai levé mon chapeau au député de Verchères-Les-Patriotes pour le courage qu'il a eu de présenter cette motion, parce qu'il l'a fait en considérant le côté humain. Depuis que je connais ce député, il porte toujours son épinglette acadienne sur lui. Il est venu en Acadie et il a toujours été le bienvenu, il est bien reçu et respecté. Ce n'est pas comme des députés qui se lèvent à la Chambre, qui font croire qu'ils sont Acadiens et qui disent qu'on n'a pas besoin de reconnaître les torts faits aux Acadiens.

Le député de Verchères-Les-Patriotes ne demandait même plus à la Couronne britannique de le reconnaître, mais au moins, que le Parlement canadien le fasse. Il faudrait au moins reconnaître ici, au Canada, ce qui est arrivé aux Acadiens.

Vous savez, en Acadie, on vit cette réalité. Je suis certain qu'à Laval-Est, ils ne la vivent pas comme on la vit en Acadie. Je suis un Acadien pure laine, je l'entends tous les jours, on la vit. Ce serait un passage de l'histoire, une reconnaissance de ce qui s'est passé. Mais notre pays, notre propre gouvernement n'est pas capable de reconnaître.

On parle de déportation, mais la déportation aujourd'hui existe seulement au plan économique. Personne n'a d'emploi chez nous. Les emplois dans les petites et moyennes entreprises sont payés 6,50 $ de l'heure. Les gens sont encore obligés de s'en aller. Il y a une déportation tous les jours chez nous; les gens s'en vont à tous les jours.

Je ne peux accepter l'histoire comme la députée l'a expliquée. C'est inacceptable.

C'est pourquoi il est dommage que cette motion ne puisse faire l'objet d'une vote. On a plus de soutien de la part des anglophones de la Chambre des communes et du Bloc québécois. Les anglophones disaient qu'il était effectivement temps de tourner la page et dire qu'on reconnaît les torts faits aux Acadiens. Même lorsque j'ai causé un tort à l'un de mes enfants dans mon rôle de parent, je n'ai jamais eu peur de dire que j'avais fait une erreur et de m'excuser.

C'est une autre page de l'histoire qui passe ce soir.

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