Motion M-241 :
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD)

37e Législature, 1ère Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 117
Le jeudi 22 novembre 2001

LES ACADIENS

[Traduction]

Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Monsieur le Président, je suis vraiment très satisfaite de la manière dont se déroule la journée. J'ai l'occasion d'exprimer mon opinion sur la motion proposée par le député bloquiste. Ayant pu présenter à la Chambre trois motions d'initiative parlementaire, dont deux faisant l'objet d'un vote, je suis heureuse de pouvoir intervenir sur cette motion et de souligner que les simples députés proposent des motions et des projets de loi sur des sujets que ne traite jamais le gouvernement, à moins d'y être forcé. Les députés du gouvernement le font aussi parce qu'ils savent que c'est uniquement comme cela que certains sujets peuvent être traités.

Bev Desjarlais

Pendant toutes mes études, j'ai eu d'excellentes notes en histoire parce que j'aimais en apprendre sur le Canada et la Grande-Bretagne. Je dois avouer que j'ai surtout appris l'histoire de la Grande-Bretagne et un peu de l'histoire des États-Unis. Nos manuels parlaient peu de l'histoire du Canada. Nos cours portaient surtout sur les gouvernements coloniaux.

Même s'il était un peu question de l'histoire du Canada, j'ai constaté, en tant qu'adulte ayant des enfants d'âge scolaire, que ces notions d'histoire du Canada n'étaient pas exactes. Mes enfants ont appris comme il faut l'histoire, parce qu'on leur a notamment parlé de la rébellion du Nord-Ouest et de Louis Riel. On ne m'avait jamais enseigné que Louis Riel était un représentant élu à titre de législateur qui avait simplement déplu au gouvernement du Canada.

Après avoir échangé avec le député d'Acadie-Bathurst, je sais qu'on a enlevé les terres des Acadiens à peu près comme on a dépossédé de leurs terres les habitants de la vallée de la rivière Rouge et de certaines parties de la Saskatchewan. Le gouvernement voulait mettre la main sur les meilleures terres. Je ne pense pas qu'il soit possible de douter qu'il y ait eu une motivation raciale. C'était une culture différente, des langues différentes et la confrontation entre anglophones et francophones existait déjà. Mais l'essentiel est que le gouvernement voulait les terres et ce qu'il voulait, il le prenait. Il pensait pouvoir maltraiter un groupe de citoyens, parce qu'il pouvait agir à sa guise.

Toutefois, nous ne pouvons pas changer l'histoire, même en dépit de tous les efforts de mon honorable collègue d'en face. Le député qui a présenté la motion veut que le gouvernement reconnaisse que Louis Riel a été maltraité, injustement jugé et reconnu coupable de trahison, et il veut que Louis Riel soit innocenté.

Je sais que nous ne pouvons pas changer l'histoire, mais nous pouvons reconnaître que des préjudices ont été causés et les reconnaître officiellement en tant que tels, de manière à ce que les gens qui ont été touchés puissent s'en remettre. Quand une famille ou un groupe est maltraité et gravement blessé, comme l'ont été les Acadiens, cela se transmet de génération en génération. De nombreux Acadiens sont morts et beaucoup n'ont jamais revu leur famille. Nous n'en entendons peut-être pas parler tous les jours, tous les mois ou toutes les semaines, mais c'est transmis de génération en génération. Les blessures ne peuvent jamais se refermer et on ne peut pas pardonner.

Quand le gouvernement du Canada refuse de reconnaître officiellement que le peuple acadien a subi des préjudices, quel message nous envoie-t-il? Mon collègue d'en face sait qu'il est important que Louis Riel soit innocenté. Il le sait.

Comment ne voit-il pas qu'il est extrêmement important que le peuple acadien soit officiellement reconnu comme ayant été victime de préjudices? Est-il possible que quiconque puisse avoir des doutes?

Nous n'avons pas tous le temps de tout lire, de tout voir sur Internet ou d'étudier toutes les matières. Nous essayons d'apprendre autant que nous pouvons et nous pouvons toujours apprendre tout au long de notre vie. En quelques minutes aujourd'hui, de nombreux renseignements ont été glanés sur Internet pour apporter de l'information complémentaire sur le sujet. J'exhorte les Canadiens à prendre le temps de se brancher et de trouver en ligne des renseignements sur le grand dérangement, l'expulsion et la déportation des Acadiens.

Un des journaux de l'époque a rapporté ceci:

Nous sommes maintenant prêts à exécuter un grand et noble projet: expulser de la province les Français neutres qui ont toujours été nos ennemis secrets et qui ont encouragé nos sauvages à nous trancher la gorge. Si nous menons notre plan à bonne fin, ce sera l'une des choses les plus grandioses jamais accomplies par les Anglais en Amérique.

L'article continue de la sorte: «car, au dire de tous, cette région du pays qu'ils possèdent compte parmi les meilleures terres au monde. Nous pourrions en faire cadeau à quelques bons fermiers anglais».

Personne n'a-t-il honte de l'autre côté de la Chambre que tout un groupe de citoyens canadiens aient été si maltraités? Ces députés n'ont-ils aucune honte? Ce qu'ils devraient faire, c'est reconnaître officiellement qu'ils ont eu tort.

Je reviendrai brièvement sur les remarques qui ont été faites la semaine dernière ou ces derniers jours par les ministres. Certaines personnes ont interprété ces remarques comme signifiant que l'Église était peut-être responsable ou n'avait pas fait grand chose et aurait dû faire plus. À leur avis, si les familles avaient vraiment voulu conserver leur culture acadienne, ç'aurait dû être à elles d'y veiller.

Je représente une circonscription abritant 32 premières nations et j'ai visité chacune d'entre elles. À part les intéressés eux-mêmes, personne ne sait mieux que moi les souffrances qu'ont connues les peuples autochtones à cause de la façon dont le gouvernement du Canada les a traités.

Je fais en particulier référence aux Dénés. Le gouvernement a décidé, non pas en 1745 mais en 1955, de déplacer tout un groupe de gens pour les installer à proximité d'une décharge publique à Churchill, au Manitoba. Le gouvernement a-t-il honte de cela? Pas du tout. Ces gens luttent aujourd'hui pour s'en sortir.

Le gouvernement a toujours fait les choses de travers. Nous ne pouvons pas changer l'histoire mais nous pouvons reconnaître nos torts et nous en excuser. Nous devons reconnaître officiellement que le peuple acadien a été maltraité. Que nous avons eu tort de traiter les Dénés comme nous l'avons fait. Que nous avons eu tort de traiter les peuples autochtones comme nous l'avons fait.

Il s'agit d'une initiative parlementaire, non pas d'une mesure législative du gouvernement qui pourrait lui coûter le pouvoir si elle était adoptée. J'encourage les députés à prendre position et à dire que nous devons reconnaître nos torts. Il est absolument inacceptable que le gouvernement fasse pression sur les députés afin qu'ils votent contre cette motion simplement parce le gouvernement a une dent contre le Québec et le Bloc. Il ne s'agit pas d'une question bloquiste. C'est une question de justice pour un groupe de citoyens au Canada. Il est totalement inacceptable d'en faire un différend entre bloquistes et libéraux. J'espère que les députés à la Chambre ne se laisseront pas prendre au piège.

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