Motion M-241 :
M. Jeannot Castonguay (Madawaska-Restigouche, Lib.)

37e Législature, 1ère Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 037
Le mardi 27 mars 2001

LES ACADIENS

Jeannot Castonguay

M. Jeannot Castonguay (Madawaska-Restigouche, Lib.): Madame la Présidente, je vous remercie de me donner la possibilité de répondre au député de Verchères-Les-Patriotes et à sa motion, dans laquelle il demande à la Gouverneure générale d'intercéder auprès de Sa Majesté la reine d'Angleterre, afin que des excuses officielles soient présentées aux Acadiens et Acadiennes, à qui des torts ont été causés entre 1755 et 1763.

L'histoire du Canada, comme celle de tous les pays, comporte des passages douloureux dont il n'y a pas lieu d'être fier, nous en convenons tous. Ces passages sont des événements qui remontent parfois à des centaines d'années. C'est le cas de la déportation des Acadiens. L'histoire est parfois cruelle. Celle du Canada ne se résume cependant pas à des injustices seulement. C'est en grande partie une histoire de progrès, d'avancement et de croissance. Aujourd'hui, nous devons nous tourner vers l'avenir.

Le moins que l'on puisse dire aujourd'hui, c'est que l'intérêt soudain du député de Verchères-Les-Patriotes est surprenant. Oui, c'est surprenant, parce que si on retourne un peu dans le passé, il est très évident que cette démarche vient à l'encontre de la logique bloquiste. Je sais que la logique bloquiste peut parfois ressembler à un épisode de Au delà du réel, mais il n'en demeure pas moins que les collègues du député de Verchères-Les-Patriotes, et même le chef de son parti, ont rarement démontré une réelle et honnête ouverture d'esprit en ce qui concerne le sort des Acadiens et des francophones hors Québec.

Il n'y a pas si longtemps, en octobre 1997, le chef du Bloc québécois expliquait dans une entrevue au Telegraph Journal de Fredericton, que le salut des artistes acadiens et acadiennes passait essentiellement par un exil à Montréal: un exil.

M. Stéphane Bergeron: C'est incroyable, comme ce débat-là n'est pas partisan!

M. Jeannot Castonguay: Pour être reconnus, pour atteindre les sommets, enfin pour réussir, tout artiste acadien doit absolument faire ses valises, «paqueter ses p'tits» comme on dit chez nous, et déménager à Montréal. C'est un raisonnement simpliste mais pas nouveau n'est-ce pas? Hors du Québec, point de salut! Nous l'avons déjà entendue celle-là.

Mais ce que nous n'avions jamais entendu, c'est ce qu'ajoutait à l'époque le chef du Bloc. Il disait, en parlant des artistes acadiens: «Ils sont eux-mêmes la preuve que ça ne fonctionne tout simplement pas à l'extérieur du Québec.» Permettez-moi d'être aujourd'hui sceptique en ce qui concerne les réelles intentions du Bloc québécois avec le dépôt de cette motion à la Chambre.

Les députés du Bloc québécois sont intéressés à notre histoire, ou à notre existence, en autant que cela serve leurs intérêts et leur objectif. Ils veulent faire croire qu'ils veulent aujourd'hui corriger les erreurs du passé, apporter un éclairage sur un coin sombre de notre histoire. Le premier venu serait porté à penser que cette démarche se ferait en consultation avec les personnes concernées, soit les Acadiens et les Acadiennes. Ce serait la moindre des choses. La logique bloquiste ne fonctionne pas ainsi.

La logique bloquiste s'inspire d'un paternalisme dépassé et irrespectueux des communautés francophones et acadienne du Canada. Encore une fois, ce n'est pas nouveau. En 1994, la député de Rimouski-Neigette-et-la Mitis, pourtant voisine géographique des Acadiens, disait à la Fédération des communautés francophones et acadienne de se mêler de ses affaires parce que cet organisme avait eu le malheur de se prononcer dans le débat sur la souveraineté. Aujourd'hui, ils ne nous disent pas seulement de nous mêler de nos affaires, mais en plus, ils nous disent qu'ils vont s'occuper de nos affaires et ce, avant ou sans, et surtout, sans notre accord. Je veux qu'une chose soit bien claire: les Acadiennes et les Acadiens ne sont pas sous la tutelle du Bloc québécois. Les Acadiennes et les Acadiens forment une communauté dynamique, fière de ses racines et ouverte sur l'avenir. Nous n'avons pas besoin d'un tuteur autoproclamé.

L'observateur moyen de la scène politique canadienne sera facilement porté à confondre la logique bloquiste et la logique péquiste. C'est tout à fait normal, l'une est le complément parfait de l'autre. Et c'est particulièrement facile à illustrer. Encore une fois, il n'y a pas si longtemps, le gouvernement du Parti québécois a refusé de participer à l'Année de la francophonie canadienne. Il n'y a pas longtemps de cela, c'était en avril 1999.

Le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes du Québec, M. Joseph Facal, expliquait le refus de son gouvernement en soulignant que «le Québec ne peut être assimilé à la francophonie canadienne au même titre que les communautés francophones minoritaires ailleurs au Canada.» On en revient donc aux déclarations du chef du Bloc: il y a les sauvés, qui vivent au Québec, et les perdus, qui vivent à l'extérieur de la terre promise.

Il n'est pas facile pour les Acadiennes et les Acadiens d'entendre de tels propos. Des propos inspirés, je le répète, par une attitude paternaliste offensante, insultante et blessante de la part des séparatistes du Bloc québécois. Qui ne se souvient pas du désormais célèbre «ils sont assimilés... Pouf! Les francophones» de la députée de Rimouski-Neigette-et-La Mitis.

Les Acadiens et les Acadiennes ont contribué à bâtir ce pays. Ils ont travaillé avec acharnement et détermination à la conservation et à la protection de leur culture et de leur identité. Les Acadiennes et les Acadiens ont fondé des écoles, des collèges et des universités. Ils ont créé des théâtres, des journaux et des maisons d'édition. Ils ont fait des percées exceptionnelles dans le domaine de la culture, comme le théâtre, le cinéma, les arts visuels, la musique et la littérature. Ils ont donné au monde des écrivains, des poètes, des artistes, des danseurs, des musiciens et des chanteurs. Ils ont mis sur pied un réseau impressionnant d'entreprises et ont créé des emplois. Ils n'ont pas attendu qu'on leur prenne la main et qu'on décide pour eux.

La communauté acadienne du Canada n'est pas une, mais bien plusieurs communautés disséminées sur tout le territoire des provinces atlantiques et ailleurs. Au Nouveau-Brunswick, les Acadiens sont concentrés dans le sud-est, le nord-est et le nord-ouest de la province, et il y a également des groupes acadiens à Fredericton et à Saint-Jean.

En Nouvelle-Écosse, il existe des communautés acadiennes dynamiques à Baie-Sainte-Marie, sur la côte sud-ouest, à l'Île Madame et dans la région de Chéticamp, au Cap-Breton.

À l'Île-du-Prince-Édouard, les Acadiens vivent dans la région de l'Évangéline. À Terre-Neuve, ils sont regroupés près du cap Saint-Georges, à Saint-Jean et à Labrador City. Bon nombre d'entre eux habitent également aux Îles-de-la-Madeleine, à Gaspé, dans la région de Montréal et dans l'Ouest canadien. Toutes ces communautés, certaines nombreuses et d'autres moins, témoignent de la vitalité du peuple canadien et de celle de ses deux langues officielles.

Les Acadiens et les Acadiennes participent à la réussite et à la prospérité de notre pays. Le gouvernement du Canada reconnaît leur dynamisme et leur contribution essentielle à la société canadienne. Ils font partie des sept millions de personnes au Canada qui parlent, chantent, écrivent, travaillent et vivent en français. Ces francophones sont la preuve de la vitalité et de l'extraordinaire détermination à progresser et à se développer sur un continent à majorité anglophone.

Les langues anglaise et française et les gens qui les parlent ont façonné le Canada et l'ont aidé à définir son identité. La dualité linguistique du Canada tire ses origines des racines mêmes de notre pays. Il est impossible de s'intéresser au Canada d'aujourd'hui sans reconnaître l'importance de ces deux langues et de ces deux communautés linguistiques dans la société canadienne.

J'en reviens au coeur du débat qui nous concerne. Bien que les députés du Bloc québécois nous affirment le contraire, l'histoire récente nous enseigne que l'intérêt que porte ce parti aux communautés francophones et acadienne du Canada est toujours guidé par des motifs politiques cachés. Cette motion masque les véritables intentions de son proposeur et nous ne pouvons l'accepter. En ce sens, l'honnêteté intellectuelle nous dicte de refuser notre appui à cette motion et c'est pourquoi j'invite les députés de cette Chambre à s'y opposer.

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