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Motion M-241 : Mme
Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ)
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37e Législature, 1ère Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 117
Le jeudi 22 novembre 2001
LES ACADIENS
[Français]
La Chambre reprend l'étude, interrompue le 3
octobre, de la motion.
Mme
Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le Président, nous
voilà rendus dans le dernier droit d'un débat passionné suscité par le dépôt de
la motion M-241.
Mon collègue de Verchères--Les Patriotes a
expliqué que sa propre réélection, pas plus que celle des autres députés du
Bloc québécois, n'est tributaire de l'adoption ou de la défaite de cette motion
à la Chambre. De la même façon, on doit reconnaître que le sort de cette motion
n'influencera en rien le destin du Québec, État souverain. Est-il nécessaire de
rappeler que le Bloc québécois n'a présenté aucun candidat au Nouveau-Brunswick
lors des dernières élections fédérales. Ce n'est donc pas de ce côté qu'il faut
chercher les motivations de mon collègue de Verchères--Les Patriotes.
Pour éliminer la moindre impression que cette
motion recèle un quelconque caractère partisan, le député de Verchères--Les
Patriotes a indiqué qu'il était disposé à accepter que soit changé le nom du
proposeur. Il s'est même montré ouvert à l'idée que la motion soit amendée par
des collègues d'autres formations politiques et devienne ainsi une motion
multipartite. Il a même déclaré publiquement qu'il souhaitait que le
gouvernement s'associe à cette démarche, qu'il en soit partie prenante, qu'il
pouvait même en assumer le leadership, s'il le voulait. Après tous ces gestes
concrets, je peux difficilement m'imaginer que devant toutes ces preuves de la
bonne foi du député de Verchères--Les Patriotes, il y ait encore des gens de
jugement dans cette Chambre qui s'entêtent à dénoncer le caractère partisan de
la motion M-241.
Le 26 septembre dernier, dans La Voie
Acadienne, la journaliste Annie Racine écrivait, au sujet de la motion
M-241: «Je pensais naïvement que les différents partis travaillaient ensemble
pour le bien de la nation. Selon moi, il y a des idées qui n'ont pas
d'allégeances et que tous les partis peuvent soutenir». Je crois que nous
devons travailler au mieux-être et au développement de toutes les communautés,
sans égard à la langue ou à la couleur politique.
Un autre élément a retenu l'intérêt des parlementaires:
que pensait donc les gens directement concernés par cette motion? Nous avons
depuis la réponse à cette question puisque, le 2 octobre dernier, la Société
nationale de l'Acadie déposait le rapport du comité consultatif sur la motion
M-241. Voilà ce qu'attendaient bon nombre de parlementaires pour prendre
position. Sagement, ils voulaient connaître la position des Acadiens et
Acadiennes et certains exigeaient un fort consensus en échange de leur appui.
Cette Chambre sera heureuse d'apprendre que le
rapport révèle que sur 140 avis venant autant de l'Acadie, des Maritimes, du
Québec, de l'Ontario que des États-Unis et de la France, seulement trois se
sont montrés défavorables à la motion, alors que 129, c'est-à-dire 92 p. 100,
l'ont appuyée et que huit avis n'ont pu être classés. C'est un incontournable
et indiscutable consensus en faveur de la motion qui est devant nous.
D'ailleurs, le comité consultatif a présenté à la Société nationale de l'Acadie
une recommandation qui ne laisse planer aucun doute, et j'en fait la lecture:
[...] que la motion soit parrainée par l'ensemble de la députation
acadienne à la Chambre des communes, abstraction faite des affiliations
politiques.
C'est donc en connaissance de cause que les
parlementaires de cette Chambre pourront se prononcer. L'opinion des Acadiennes
et des Acadiens est claire et leur recommandation est sans équivoque.
En appuyant la motion M-241, le Parlement fera
sienne la grandeur et la noblesse de qui sait reconnaître ses erreurs. Demander
à la Couronne britannique de reconnaître officiellement les préjudices causés
au peuple acadien, c'est affirmer une volonté de renforcer les liens pour
améliorer les rapports entre deux peuples, au-delà des traumatismes collectifs
historiques.
L'histoire récente offre plusieurs exemples
d'excuses officielles ou de regrets exprimés qui reconnaissent ainsi des torts
commis dans le passé. Entre autres, le gouvernement canadien, et c'est tout à
son honneur, a présenté des excuses aux communautés italo et nippo-canadiennes;
la Grande-Bretagne au peuple maori, les États-Unis aux Américains d'origine
japonaise. En somme, ce geste honorable n'établirait pas de précédent dans
l'histoire canadienne et encore moins dans l'histoire internationale. Appuyer
la motion M-241, c'est contribuer à une prise de conscience historique.
Cette requête présentée au Parlement canadien
rejoint d'autres mesures législatives de nature similaire adoptées récemment
ailleurs sur le continent. Ainsi, les états du Maine et de la Louisiane n'ont
pas craint d'adopter des résolutions sur cette question et le sénateur
démocrate, John Breaux, s'apprêterait à en saisir le Congrès américain. Comment
comprendre, dès lors, que le Parlement canadien, instance démocratique où
l'Acadie se trouve représentée, refuse de reconnaître la réalité historique et
les conséquences qu'elle a engendrées.
Comme l'écrivait Rosella Melanson, dans le New
Brunswick Telegraph Journal du 19 juin dernier, et je cite:
[Traduction]
On ne peut s'empêcher de considérer ceux qui refuseraient de présenter des excuses comme des défenseurs
de la décision de déporter les Acadiens ainsi que des responsables comme
Charles Lawrence qui, peu après avoir été nommé gouverneur de la
Nouvelle-Écosse, écrivit ceci à Londres à propos des Acadiens: «Comme ils
possèdent les terres les plus fertiles et les plus vastes de la province, on ne
peut pas la coloniser vraiment tant qu'ils demeurent dans cette situation.
[...] Il serait bien préférable qu'ils se trouvent ailleurs.»
[Français]
La société acadienne voudra aller de l'avant
avec cette motion et elle aura certainement plus d'impact que l'on ne pourrait
penser.
En terminant, je voudrais reprendre les écrits
suivants du député de Verchères--Les-Patriotes qui disent ceci:
En fait, seul le peuple acadien peut sortir davantage meurtri d'un rejet
de cette motion, que d'aucuns sauront certainement interpréter comme une
nouvelle rebuffade et qui ne fera qu'entretenir des sentiments de désillusion,
de méfiance et d'amertume.
À ce stade-ci, il me fait plaisir de proposer un
amendement, appuyé par mon collègue de Acadie--Bathurst.
Je propose:
Que le texte de la motion M-241 soit modifié en retranchant les mots
«présente des excuses officielles pour les préjudices» et en les remplaçant par
«reconnaisse officiellement les préjudices».
La motion se lirait donc ainsi:
Qu'une humble adresse soit présentée à Son Excellence la priant
d'intervenir auprès de Sa Majesté afin que la Couronne britannique reconnaisse
officiellement les préjudices causés en son nom au peuple acadien de 1755 à
1763.
Cette Chambre n'a plus aucune raison valable de
ne pas appuyer la motion M-241.
Le
vice-président: L'amendement étant recevable, le débat se poursuit sur
l'amendement.
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