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Motion M-241 : M. Scott Reid (Lanark--Carleton, Alliance canadienne)
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37e Législature, 1ère Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 091
Le mercredi 3 octobre 2001
LES ACADIENS
M. Scott Reid (Lanark--Carleton, Alliance canadienne): Monsieur le Président, c'est avec regret que je voterai contre la motion M-241. J'agis ainsi pour deux raisons.
Premièrement, j'estime que cette motion s'appuie sur un principe douteux, à savoir que la culpabilité puisse être collective et se transmettre d'une génération à l'autre.
La deuxième raison de mon opposition est que, malgré les bonnes intentions de ceux qui l'ont rédigée, elle semble attribuer la responsabilité ultime de l'expulsion des Acadiens à la Couronne, ce qui n'est pas une lecture exacte des événements de 1755. Une lecture plus conforme à l'histoire accuserait plutôt les gouverneurs coloniaux de la Nouvelle-Angleterre et les pionniers qu'ils représentaient.
Je commencerai par l'argument historique et je reviendrai plus tard au raisonnement philosophique.
Beaucoup des faits entourant la déportation des Acadiens ne font aucun doute. En 1755, les autorités coloniales ont amorcé un processus de déracinement et de déportation de la partie de la population acadienne qui était établie sur le territoire britannique, en commençant par le centre de la colonie acadienne le long de la côte est de la baie de Fundy.
Le gouverneur Lawrence, de la Nouvelle-Écosse, et le gouverneur Shirley, commandant en chef des forces britanniques en Nouvelle-Angleterre, ont commencé par saisir les armes à feu des colons pour les empêcher de résister par la force. Puis, ils ont pris en otage un grand nombre d'hommes adultes afin de garantir la docilité de leurs familles au moment de la déportation.
Au cours de années qui ont suivi, ce fut environ les trois quarts de la population acadienne totale, soit 13 000 personnes qui ont été déportées. Certains de ces gens ont été expédiés en Nouvelle-Angleterre, d'autres en Louisianne, tandis que d'autres encore étaient rapatriés en France.
Toutefois, si l'on connaît avec certitude l'ampleur des souffrances causées par les déportations de 1755 à 1763, il est beaucoup plus difficile d'en attribuer précisément la responsabilité historique. Chose certaine, les gouverneurs Lawrence et Shirley ont été au coeur des prises de décision et ils doivent en porter la responsabilité ultime. Mais rien ne prouve qu'ils aient agi avec l'aval du Parlement de Westminster.
Selon la version historique la plus couramment acceptée, Lawrence aurait agi avec l'autorisation du conseil local de la Nouvelle-Écosse, tandis que le Parlement et le roi George n'auraient pas participé à la planification des déportations.
Plus récemment, Roger Paradis, professeur d'histoire à l'Université du Maine, a apporté des preuves documentaires permettant de croire que les autorités de Londres auraient été impliquées. Il cite une facture, envoyée à Londres en 1758 par le gouverneur Lawrence, détaillant les dépenses engagées pour la déportation. Il révèle également une lettre circulaire que Lawrence avait envoyée aux gouverneurs des colonies de Nouvelle-Angleterre, ce qui permet de supposer que, à tout le moins, ces gouverneurs étaient au courant des événements qui se déroulaient en Acadie.
Ce qui me frappe toutefois, c'est que, même selon cette lecture révisionniste de l'histoire, les autorités coloniales en place en Acadie et en Nouvelle-Angleterre portent la responsabilité première des actes qui ont été commis, tandis que la Couronne n'est que secondairement responsable. De plus, il est manifeste que les premiers à profiter de la sécurité militaire accrue découlant du nettoyage ethnique des Acadiens étaient les pionniers de la Nouvelle-Angleterre, et plus particulièrement ceux qui habitaient cette partie de la colonie du Massachusetts alors appelée «District of Maine».
J'insiste sur le fait que je rejette la notion d'une culpabilité collective ou héréditaire. Mais même si je l'acceptais, les premières excuses collectives aux Acadiens devraient venir du gouvernement du Maine.
Aussi est-il intéressant de savoir que le 13 avril 1994, l'assemblée législative de cet État a adopté une résolution concernant la déportation des Acadiens. Le texte en est soigneusement rédigé de manière à ce que les reproches s'adressent exclusivement aux Britanniques, en évitant d'insinuer que l'État souverain du Maine ou son prédécesseur, la colonie anglaise de Massachusetts Bay, ait jamais été sa complice. Selon moi, le mieux que l'on puisse dire de cette affirmation, c'est qu'elle découle d'une lecture fort inexacte de l'histoire.
Malheureusement, la motion dont la Chambre est saisie aujourd'hui reprend cette erreur. Elle demande à la Couronne de présenter «des excuses officielles pour les préjudices causés en son nom au peuple acadien». Or, le fait que les déportations aient été ordonnées au nom de la Couronne ne signifie pas que la Couronne elle-même ait été, même en 1755, la grande coupable.
De la même façon, l'histoire est pleine d'actions scandaleuses commises au nom de diverses religions, ou au nom du peuple de tel ou tel territoire, alors que l'autorité invoquée n'a eu rien ou peu à faire avec le mal qui a été perpétré en son nom. Une motion plus exacte sur le plan historique pourrait réclamer des excuses officielles de la part des assemblées législatives de chacun des États de la Nouvelle-Angleterre pour les torts causés dans leur intérêt et avec leur complicité.
[Traduction]
Je devrais dire clairement que je suis contre cette motion, moi aussi. C'est que je n'accepte pas l'idée qu'une institution puisse préserver le sentiment d'une culpabilité collective hérité des générations successives de ceux qui sont devenus membres de cette institution ou qui sont placés sous sa protection.
Il me semble que certains députés qui ont participé au débat sur cette motion et à des débats similaires dans le passé ont tenu compte de deux principe entièrement différents. Le premier, que je considère légitime, est que tous ceux qui participent à la vie publique d'une société civilisée devraient adopter une attitude exemplaire à l'égard du passé. Cette attitude suppose l'acceptation d'actes passés qui sont jugés bons et le rejet de ceux qui sont considérés injustes ou monstrueux.
Le deuxième principe veut que la culpabilité pour une injustice passée puisse être transmise, au sein d'une institution ou d'une collectivité, exactement comme les effets secondaires de cet acte mauvais continuent de se répercuter sur les descendants des victimes directes. Ce principe est tout simplement faux.
L'adoption d'une attitude exemplaire par un acteur de la vie politique nous permet, en tant qu'éventuels électeurs ou alliés politiques, d'imaginer comment il agirait si jamais il devait prendre une décision dans des circonstances similaires. Un tel calcul est nécessaire dans une démocratie représentative parce qu'il est toujours possible qu'une personne gagne une élection en temps de paix, mais que des difficultés ou une guerre surviennent pendant son mandat. Après les événements du 11 septembre, on peut voir l'utilité de cette réflexion.
Par contraste, une attitude de culpabilité ou de responsabilité collective, ou pire encore, selon laquelle on s'attend à ce que d'autres assument la culpabilité ou la responsabilité d'actes auxquels ils n'ont pas participé, m'apparaît tout à fait futile.
Un débat comme celui que nous tenons aujourd'hui a eu lieu à la Chambre, il y a 17 ans, le dernier jour où Pierre Trudeau occupait le poste de premier ministre. Au cours de la période des questions, Brian Mulroney lui avait demandé de présenter des excuses pour l'internement de Canadiens d'ascendance japonaise pendant la guerre. La réponse de Trudeau révèle une compréhension subtile de la distinction que j'essaie aujourd'hui de faire valoir.
M. Trudeau avait dit:
Je ne vois pas comment je pourrais m'excuser pour un événement historique auquel personne ici n'a pris part. Nous ne pouvons que regretter ce qui est arrivé. Mais pourquoi se lancer dans de grands discours pour dire que des excuses valent mieux que de simples regrets? Je ne comprends pas très bien.
Je ne pense pas que le gouvernement ait pour rôle de corriger les erreurs commises par le passé. Il ne peut pas réécrire l'histoire. Nous sommes là pour nous occuper de ce qui se passe actuellement...
Nous avons tout de même l'obligation morale de condamner ces erreurs tout autant que celle de ne pas rester neutres devant les préjudices monstrueux des temps plus récents. En tant qu'acteurs moraux, nous avons le devoir de reconnaître les erreurs du passé, de les faire connaître à nos concitoyens et de faire tout en notre pouvoir pour qu'elles ne puissent se répéter sous quelque forme que ce soit.
Voilà pourquoi j'invite les députés à voter contre cette motion dans sa forme actuelle, mais à voter en sa faveur si elle est présentée de nouveau à la Chambre dans une formulation nous permettant d'exprimer nos regrets, dénués d'excuses, à l'égard des préjudices qui ont été commis dans le passé et d'indiquer, sans porter de condamnation, notre détermination à faire en sorte que des erreurs semblables ne soient plus jamais tolérées sur le sol canadien.
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