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Motion M-241 : M. Yvon Godin (Acadie-Bathurst, NPD)
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37e Législature, 1ère Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 037
Le mardi 27 mars 2001
LES ACADIENS
M. Yvon Godin (Acadie-Bathurst, NPD): Madame la Présidente, je joins ma voix à celle de mon collègue du Bloc québécois de Verchères-Les-Patriotes pour débattre la motion M-241 qui demande à Son Excellence d'intervenir auprès de Sa Majesté «afin que la Couronne britannique présente des excuses officielles pour les préjudices causés en son nom au peuple acadien de 1755 à 1763».
J'aimerais aussi expliquer que c'est une motion émanant des députés. C'est une motion d'initiatives parlementaires. C'est-à-dire que des représentants de tous les partis, assis autour d'une table, sont normalement obligés de décider unanimement si cette motion fera l'objet d'un vote.
S'il y a de l'opposition parmi les partis, par exemple, si les libéraux et l'Alliance canadienne qui assistaient à cette réunion avaient dit non, on ne pourrait même pas débattre de la motion pendant trois heures et elle ne ferait pas l'objet d'un vote. Cela veut donc dire qu'il y a des députés qui étaient d'accord avec cette motion. Il faut reconnaître que c'est une motion émanant des députés et non du Bloc québécois. Je veux faire cela. C'est pour cette raison que j'appuie mon collègue du Bloc québécois, qui est un député à moitié Acadien, qui veut représenter cette moitié et demander des excuses.
Vous comprendrez qu'étant moi-même un Acadien «pure laine», comme on dit chez nous, cette période historique est connue de tous les Acadiens et Acadiennes. Cette période que l'on appelle la déportation des Acadiens est sûrement la plus triste de l'histoire de l'Acadie.
Comme je suis Acadien, et ici à la Chambre parmi vous, c'est signe que cela n'a pas eu l'effet désiré. On leur a donc demandé de prêter le serment d'allégeance à la Couronne britannique en espérant ainsi éviter que ces neutres prennent les armes contres les Anglais.
Or, tout bon Acadien est de religion catholique et croyez-moi, ce sont de vrais pratiquants. Devant cette requête, les Acadiens ont refusé de prêter serment pour deux raisons: ils craignaient de perdre leur droit de pratiquer librement leur religion catholique ou d'être forcés de prendre les armes contre leur mère patrie, la France ou leurs cousins du Canada. Tout ce qu'ils voulaient, c'était de rester neutres dans ce débat.
Malheureusement, les autorités de Londres de l'époque ont décidé, suite aux correspondances du lieutenant-gouverneur, de les laisser partir, comme ils ne faisaient pas serment d'allégeance, et ainsi acquérir leurs terres, qui étaient considérées les meilleures de la région.
Cependant, une décision fut prise par un juge de la Nouvelle-Écosse, indiquant que si un Acadien refusait de prêter serment d'allégeance, cela annulait son droit de propriété.
Malheureusement, les Acadiens ne furent jamais invités à comparaître devant le juge afin de plaider leur cause, et la décision fut fatale.
C'est donc après cette décision que l'on décida de faire déporter les Acadiens hors de la province de la Nouvelle-Écosse.
Il ne faut pas oublier que l'on est en 1755. Les saisons sont parfois difficiles et les ressources quelquefois très rares. À l'été de cette année, soit en 1755, on prépare la déportation de ces neutres. Depuis la question du serment d'allégeance, plusieurs milliers d'Acadiens avaient déjà quitté les lieux, car les relations étaient devenues très tendues entre ces deux groupes.
Dans cette Acadie de l'époque, il existait une population de près de 180 000 Acadiens. C'est impressionnant, n'est-ce pas? On donna donc l'ordre d'envoyer un nombre suffisant de bateaux afin de les transporter aux lieux indiqués.
Le tout fut bien organisé! Le plan consistait à arrêter tous les Acadiens qui leur tomberaient sous la main dans les régions les plus populeuses de l'Acadie, de les embarquer sur des bateaux et de les disperser dans les colonies anglo-américaines, sur le littoral de l'Atlantique, du Massachusetts à la Georgie.
On convoqua une réunion importante dans chaque église locale où on emprisonna les chefs de famille, les jeunes hommes de 10 ans et plus ainsi que les vieillards. Plusieurs Acadiens avaient senti le danger et avaient fui par la forêt.
Cependant, plusieurs milliers d'Acadiens furent prisonniers. On sépara à jamais des familles entières dont les femmes n'ont jamais revu leurs maris et des centaines d'enfants sont devenus orphelins.
Le drame fut tragique. On peut imaginer la souffrance de ces personnes et la détresse de ces familles. On poursuivit donc cette opération dans plusieurs villages acadiens au cours de l'année 1755.
Comme le mentionne le colonel Winslow, préposé à l'embarquement des Acadiens de Grand-Pré et de toute la région du bassin des Mines, cité par Bona Arsenault, écrivain de L'histoire de l'Acadie:
Les habitants, écrit Winslow en ce jour, abandonnèrent tristement et à regret leurs demeures. Les femmes, en proie à la détresse, portaient leurs nouveau-nés ou leurs plus jeunes enfants dans leurs bras. D'autres traînaient, au moyen de charrettes, leurs parents infirmes et leurs effets. Ce fut une scène où la confusion se mêlait au désespoir et à la désolation.
C'est avec émotion que je lis ces propos, et je suis sûr que tous ici présents peuvent partager la consternation qu'ont vécue mes ancêtres.
Une fois séparés, ces Acadiens furent entassés sur des bateaux et envoyés en colonies anglo-américaines. Quelque 7 000 Acadiens seront ainsi déportés dans ces colonies faisant seuls face à leur destin, alors que d'autres deviendront des esclaves. Plusieurs ont fui dans la forêt et ont ainsi trouvé la mort dans le froid de l'hiver, la maladie et la famine.
Cette déportation dura quelques années. Ces Acadiens furent impitoyablement chassés de leur patrie et plongés, du jour au lendemain, dans la plus grande pauvreté, séparés des êtres les plus chers de leur famille. Cependant, pour ceux qui connaissent bien les Acadiens, ils savent qu'un Acadien ne s'avoue jamais vaincu. Plusieurs sont retournés dans les Maritimes afin de retrouver leur tendre Acadie. Ils s'installèrent soit au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, à l'Île-du-Prince-Édouard, et même en Gaspésie, sans jamais revoir les membres de leur famille ou ceux de leur communauté antérieure séparés par la déportation.
J'invite les Canadiens et les Canadiennes à visiter un jour les Maritimes, afin de prendre davantage connaissance d'une partie de l'histoire qui a marqué un peuple, mais aussi le Canada. Je suis certain que plusieurs de mes collègues à la Chambre ont sûrement du sang acadien, comme mon collègue de Verchères-Les-Patriotes qui l'a finalement trouvé. Ils ont du sang acadien dans leurs veines et ne le savent pas.
Une voix: Pas moi.
M. Yvon Godin: Peut-être pas vous, mais on ne sait jamais, on peut faire des études. Ce serait une découverte et une richesse pour ces personnes si elles découvraient qu'elles ont du sang acadien.
Aujourd'hui, en appuyant la motion M-241, je témoigne au nom de tous les Acadiens et Acadiennes qui ont perdu leur vie, leur famille et leurs enfants dans cette partie de l'histoire acadienne qui aura façonné l'histoire du Canada et la mienne.
Le peuple acadien est toujours présent et se détache par ses particularités et sa culture qui lui est propre. Or, au fil de ces années, ce peuple n'a jamais été aussi vivant et fier de son entité.
Aujourd'hui, j'ai été déçu d'entendre le député de Madawaska-Restigouche. Cela m'a déçu de voir que l'on mettait de lapartisanerie dans ce débat. Cela m'a déçu parce que je crois que chaque député élu dans cette Chambre a le droit de venir ici et que, quelque soit son parti politique, présenter une motion d'initiatives parlementaires.
Je suis sûr que le député de Verchères-Les-Patriotes était sincère en présentant sa motion. J'ai du mal à accepter que l'on se lève à la Chambre pour s'attaquer les uns les autres pour dire que c'est le parti qui est en cause. On est des Canadiens et des Canadiennes. Comme Acadien pure laine, la seule chose que l'on demande, c'est que lorsqu'une erreur a été commise ou que des choses atroces ont été faites, ce n'est pas dur de dire: «Je m'excuse.»
J'ai des enfants moi aussi. Si je fais des erreurs comme père, si j'ai mal fait quelque chose, je prends mes responsabilités et je dis: «Je m'excuse, j'ai fait une erreur.» C'est ainsi que l'on gagne le respect des autres.
On ne peut peut-être pas oublier certaines mesures disciplinaires qui ont été prises mais, au moins, on peut les accepter. On peut voir le futur. Je suis obligé de faire ce commentaire parce que je suis déçu du discours de mon collègue de l'autre côté de la Chambre.
Je me demande si ce ne serait pas un ministre qui a écrit ce discours à sa place. Il se fait appeler le député acadien, mais je pense qu'ils vont toujours dire qu'ils sont des Brayons. Je ne veux pas commencer un nouveau débat.
La motion du Bloc québécois n'effacera pas ce drame. Cependant, elle rétablira une justice dans son fondement.
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