Motion M-382 :
: M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ)

37e Législature, 2e Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 123
Le vendredi 19 septembre 2003

Les préjudices causés au peuple acadien

[Français]

Benoit Sauvageau

M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Madame la Présidente, j'aimerais d'entrée de jeu féliciter mon ami et collègue de Verchères-Les-Patriotes pour nous avoir donner encore une fois le privilège de discuter de cette tragédie historique, mais aussi pour son travail acharné et constant dans ce dossier relatif à la déportation des Acadiens et sur la reconnaissance d'un fait historique.

Qu'on soit d'accord ou non avec la motion, nous allons tous et toutes être d'accord pour dire que c'est une démonstration exemplaire du travail qu'un député peut accomplir lorsqu'il croit à un dossier et qu'il y travaille de façon professionnelle. Je suis convaincu que si je demandais le consentement unanime de la Chambre pour reconnaître ce fait, je l'obtiendrais sans aucun doute.

En effet, depuis plus de trois ans maintenant, le député de Verchères-Les-Patriotes a su démontrer que le député ou la députée qui est ici à la Chambre des communes peut, avec ses pouvoirs, avec ses possibilités et avec les responsabilités qui lui sont propres, mettre en vigueur, proposer et débattre d'un projet de loi ou d'une motion qui peut changer quelque chose dans la société. C'est tout en son honneur et je tiens à l'en féliciter.

Pour mon ami et collègue du Parti de l'Alliance canadienne, qui a fait un discours en disant qu'il était contre le fait qu'on demande des excuses, je suis d'accord avec lui jusqu'à un certain point. Toutefois, ce n'est pas ce que la motion demande. Il est peut-être intervenu avec une mauvaise interprétation de la lecture de la motion. Le député de Verchères-Les-Patriotes ne demande en aucun temps que des excuses soient présentées.

C'est à notre grande surprise que nous avons entendu des commentaires du député de l'Alliance canadienne, car la dernière fois, sur une motion tout à fait similaire, l'ensemble des députés de ce parti avait voté en faveur. Pourtant, sur une motion qui est assez semblable, on nous présente aujourd'hui des arguments tout à fait contraires. Peut-être auront-ils l'occasion de s'exprimer et de s'expliquer à cet égard lors de la prochaine heure de débat.

Là où je suis moins heureux, c'est quand j'entends la députée de Laval-Est démontrer par des arguments, que je qualifierais de fallacieux et de partisans, son opposition à une motion comme celle-là. Je trouve cela triste. Je me dis que si un aspect doit nous unir, nous les députés de tous les partis de cette Chambre, ce sont des affaires émanant des députés.

Pour les projets de loi émanant du gouvernement, il est normal que les députés du parti gouvernemental se sentent liés pour appuyer ces projets de loi.

Mais lorsqu'on arrive aux affaires émanant des députés, et que des députés ressassent de la petite politique en disant que ce sont des séparatistes et qu'on ne les aime pas, il me semble qu'à l'occasion, on devrait être capables de s'élever au-dessus de cela.

Il me semble que si on continue comme cela, on va permettre de perpétuer le manque de confiance que les gens ont à notre égard. Lorsqu'on parle d'une motion ou d'un sujet qui mériterait la non-partisanerie, le fait d'entendre des choses comme celles-là me semble inacceptable. Qu'on soit d'accord ou pas avec l'Alliance canadienne, il faut dire qu'elle a présenté des arguments qui étaient élevés, qui étaient sensés, qui étaient rigoureux.

Quand on demande aux gens qui décrient la politique et qui s'abstiennent de voter les raisons pour lesquelles ils adoptent un telle position, ce qu'on entend, c'est exactement à cause d'exemples comme ceux que nous a donnés la députée libérale de Laval-Est. On est capables et on se doit de faire autrement. Surtout lorsqu'elle nous a dit, lors d'un précédent discours, que traditionnellement, les trois piliers de l'économie acadienne ont été la pêche, l'agriculture et la forêt.

Elle disait que l'agriculture était toujours présente en Acadie et que les gens se levaient de bonne heure et allaient cueillir des pommes de terre. De dire cela, c'est une insulte pour un peuple et, deuxièmement, je dirais même que de tels propos sont une insulte envers le Parlement.

Mais lorsqu'elle dit qu'elle ne peut pas appuyer une motion comme celle-là car le Canada est un pays souverain, je rappelle bien humblement à la députée que le chef d'État du Canada, c'est la Reine d'Angleterre.

Je rappelle aussi que nous avons une gouverneure générale et que nous avons des lieutenants-gouverneurs. Oui, en 1931, nous avons signé le Statut de Westminster, si je ne me trompe pas dans mes dates. Et oui aussi, nous avons encore un lien qui nous unit à la Grande-Bretagne.

Je rappelle donc à la députée de Laval-Est que l'étude de nos lois se termine par la sanction royale. J'espère ne rien lui apprendre, parce qu'elle est ici depuis un certain temps.

On a fait des commentaires à mon ami, le député de Verchères-Les-Patriotes, à savoir que de présenter des excuses, c'était vivre dans le passé, ce n'était pas correct.

Je vous fais un historique de la motion 382, pour voir de quelle façon non partisane, on a voulu faire preuve de bonne volonté afin de répondre aux arguments, faisant en sorte de présenter une motion qui soit acceptable et acceptée par le plus grand nombre possible de députés.

Je vous lis donc la première motion, si on fait l'historique de ces motions visant à reconnaître un fait historique qui me semble indéniable.

Le 27 mars 2001, il y a plus de deux ans, la motion 241 se lisait comme suit:

Qu'une humble adresse soit présentée à Son Excellence la priant d'intervenir auprès de Sa Majesté afin que la Couronne britannique présente des excuses officielles pour les préjudices causés en son nom au peuple acadien de 1755 à 1763.

À cet égard, on a entendu des arguments venant des libéraux surtout, et de l'Alliance canadienne, nous disant: «Nous ne sommes pas d'accord pour demander des excuses.» On a dit: «C'est très bien. On va l'amender. On va la modifier. On va tenter de plaire à votre demande.» On a même tenté de trouver un autre proposeur pour que l'argument du méchant séparatiste ne tienne plus, mais on l'a à tout le moins amendée, de sorte qu'on a enlevé les mots «présente des excuses officielles» pour les remplacer par: «[...] une humble adresse soit présentée à Son Excellence la priant d'intervenir auprès de Sa Majesté afin que la Couronne britannique reconnaisse officiellement les préjudices causés en son nom au peuple acadien».

On ne demande ni argent ni excuses. On ne veut pas identifier des coupables. On veut un rappel, une reconnaissance d'un fait historique. À ce moment-là, pour des arguments qui ne nous semblent pas très sérieux, la motion a été rejetée.

Toutefois, s'il y a deux qualités qu'on peut attribuer au député de Verchères-Les-Patriotes, ce sont la ténacité et la persévérance.

Il est donc revenu le 6 février 2003 avec la motion 238 pour demander:

Que la Chambre reconnaisse officiellement [...]

Parce qu'à ce moment-là on a avait dit que ce n'était pas à la gouverneure générale d'intervenir.

Que la Chambre reconnaisse officiellement les préjudices dont a souffert le peuple acadien de 1755 à 1763.

On ne demandait pas d'excuses. On ne reconnaissait pas de coupables. On voulait une reconnaissance officielle. On a eu droit aux mêmes arguments, par exemple: il faut cesser de ressasser le passé; il faut se tourner vers l'avenir; c'est présenté par des séparatistes. Cette motion a donc été rejetée.

À ce moment-là, un groupe d'experts a été formé par la Société Nationale de l'Acadie pour travailler sur ce sujet.

La députée de Laval-Est disait que le député de Verchères-Les-Patriotes allait se promener sur le territoire. Je m'excuse, mais lorsqu'un député va consulter et travailler, et que par son travail il incite une société à créer un comité d'experts pour étudier une motion, il ne fait pas du tourisme.

Quand on parle d'arguments qui ne sont pas très élevés, c'est lorsqu'on dit: «Le député qui va se promener.» C'est un peu méchant. On peut en convenir.

Après consultation, la dernière motion nous est présentée, à savoir:

Qu'une humble Adresse soit présentée à Son Excellence,- la Gouverneure générale- dans la foulée des démarches entreprises par la Société Nationale de l'Acadie [...]

Ce n'est pas par les séparatistes.

[...] la priant d'intervenir auprès de Sa Majesté afin que la Couronne britannique reconnaisse officiellement les préjudices [...]

Tous les intervenants ici en cette Chambre ont rappelé, et c'est pour cela que je n'ai pas fait cela dans mon discours, l'événement de la Déportation, et je crois que tout le monde va le reconnaître.

Est-ce qu'on doit vivre dans le passé? On dit qu'il ne le faut pas. Mais afin qu'une personne, un groupe de personnes ou des individus qui sont victimes d'une injustice ou d'une tragédie puissent guérir-si je peux utiliser l'expression-, puissent passer outre leurs souffrances, la reconnaissance officielle par le peuple qui a commis cette injustice leur permet de passer à l'acte, de tourner la page et de continuer à grandir, comme ce peuple sait si bien le faire.

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