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Motion M-382 : M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.)
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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 022
Le mardi 9 mars 2004
Préjudices causés au peuple acadien
La Chambre reprend l'étude, interrompue le 11 février, de la motion.
L'hon. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de répondre aujourd'hui au député de Verchères-Les-Patriotes à propos de sa motion M-382.
Comme nous le savons tous maintenant puisque cette question a été portée à l'attention de la Chambre à plusieurs reprises, la motion M-382 demande, dans le cadre des procédures engagées par la Société nationale des Acadiens:
Qu'une humble Adresse soit présentée à Son Excellence, [...] la priant d'intervenir auprès de Sa Majesté afin que la Couronne britannique reconnaisse officiellement les préjudices causés en son nom au peuple acadien, de 1755 à 1763.
Je suis un de ceux qui croyaient que cette question était résolue, et à la satisfaction des parties le plus directement touchées. Nous avons maintenant, et je suis fier de le dire, une proclamation royale qui reconnaît le fait historique ainsi que les épreuves et les souffrances subies par les Acadiens au cours de la Déportation de 1755.
L'honorable député qui propose cette motion était présent, avec moi, le 10 décembre 2003 lorsque le gouvernement du Canada a annoncé la proclamation royale désignant le 28 juillet de chaque année, à compter de 2005, Journée de commémoration du Grand Dérangement. «C'est le Canada tout entier qui reconnaît le lieu de naissance des Acadiens», avait reconnu la ministre du Patrimoine canadien de l'époque, l'honorable députée de Hamilton-Est. Nous devons assumer une responsabilité à l'égard de toute notre histoire, tant de ses moments de gloire que de ses tragédies. Nous aurons l'occasion de réfléchir sur cette dimension une fois l'an, le 28 juillet.
À cette occasion, le 10 décembre dernier, le président de la Société nationale de l'Acadie soulignait que la proclamation montrait la maturité à laquelle était parvenue la société canadienne en fait de respect de sa diversité. Le président voyait dans ce geste plus qu'un simple signe de respect envers les Acadiens; il percevait une reconnaissance de l'importance de la diversité culturelle de notre pays comme fondement de sa force et de sa prospérité.
«Les Acadiens sont fiers de leur culture et de leur identité», ajoutait le président. Ils ont appris qu'il est possible d'évoluer en tant que peuple au sein d'un grand pays tel que le Canada, tout comme il est possible de faire partie de la Francophonie canadienne et de la grande famille de la Francophonie internationale.
Tous ceux qui étaient là avaient la larme à l'oeil devant les témoignages que nous avons entendus le 10 décembre dernier. Je suis un fan d'histoire, et j'apprends toujours en lisant sur la Déportation des Acadiens. Il s'agit là d'un événement triste, un événement affligeant à nos yeux et à nos oreilles. Ce qu'ont subi les Acadiens ne peut et ne doit jamais être oublié. Pour plusieurs Canadiens dans le passé, c'était peut-être oublié, malheureusement.
Leur histoire ne se transformera pas en simple récit folklorique raconté seulement par les gens âgés, mais elle restera à jamais un élément tragique d'une réalité que leurs ancêtres ont connue. J'espère que dans les livres d'histoire, dans nos salles de classe, dans nos musées grands et petits, la tragédie de la Déportation et surtout la renaissance héroïque du peuple acadien seront enseignées aux jeunes Canadiens d'aujourd'hui et des générations à venir.
Certains députés, au cours des débats sur ce sujet l'an dernier dans cette Chambre, ont affirmé qu'il ne suffisait pas de dire que cet événement était historique pour en faire saisir la terrible réalité à nos jeunes. Ils disaient que nous devrions consulter les références historiques de nos livres d'histoire et nous assurer que l'information donnée à nos enfants est suffisante pour leur permettre de comprendre l'énormité de la situation vécue par les Acadiens entre 1755 et 1763 et, bien sûr, pendant plusieurs années subséquentes.
De plus, on doit se demander si ces événements sont inscrits correctement dans nos livres d'histoire canadienne. Est-ce que d'autres événements historiques sont également expliqués aussi clairement qu'ils le devraient?
La déportation des Acadiens est un pan de notre histoire qui ne doit pas être oublié. Nous pouvons tous nous tourner vers cette époque et souhaiter que divers événements ne se soient pas produits ou se soient déroulés autrement. Toutefois, il n'y a certes rien à faire à cet égard. Sauf en rêve, on peut difficilement modifier le passé.
Il est donc temps, à mon avis, de tourner la page. Nous avons lue la page, et nous devons la garder en mémoire. Nous aurons besoin d'y revenir, de la relire pour nous rafraîchir la mémoire, mais cette page sera toujours là.
Les valeurs d'aujourd'hui sont enracinées dans l'expérience de notre passé commun. Cette expérience et les leçons que nous en tirons forgent l'identité actuelle des Canadiens qui sont respectés et respectueux, ouverts d'esprit, tolérants et dynamiques. Les Acadiens manifestent beaucoup d'ardeur au travail. L'esprit des entrepreneurs acadiens se reflète dans la force des institutions, leur université, l'Assomption-Vie, plusieurs entreprises commerciales et d'autres établissements d'enseignement de l'Acadie.
Ils font partie des forces vives qui permettent au Canada de réussir et de prospérer. Le gouvernement canadien reconnaît le dynamisme et la contribution vitale de ces forces à la vie de la société canadienne. Nous le reconnaissons tous en cette Chambre, du moins, je l'espère. Ils font partie des sept millions de personnes au Canada qui, comme moi, parlent, chantent, écrivent, travaillent-dans mon cas, je joue de la musique-, et vivent en français. Ces francophones font preuve d'une vitalité formidable et d'une détermination extraordinaire à croître et à s'entendre sur un continent à majorité anglophone.
Il y a de nombreuses questions urgentes à résoudre à l'heure actuelle dans le dossier des langues officielles. Je suis le président du comité parlementaire saisi de ces dossiers. Ces questions ont été clairement énoncées par les collectivités minoritaires, par la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, par la Société nationale de l'Acadie et bien d'autres. Mentionnons la création d'emplois, la prestation de services de santé en français, de services juridiques en français, l'éducation, le développement de la petite enfance, et j'en passe.
Je pense qu'on pourrait également se pencher sur le projet de loi du sénateur Jean-Robert Gauthier, le projet de loi S-4, qui sera présenté bientôt dans cette Chambre. À ce qu'on me dit, j'aurai l'honneur de piloter ce projet de loi en cette Chambre pour rendre exécutoire la partie 7 de la Loi sur les langues officielles. Voilà des initiatives tangibles auxquelles il faut s'adresser maintenant.
Bien sûr, le gouvernement s'intéresse vivement à l'avenir de la communauté acadienne. On s'y intéresse tous. Il y aura le Congrès mondial acadien très bientôt, lors du 400e anniversaire de l'arrivée de Samuel de Champlain. J'ai l'intention d'y participer, tout comme j'étais au dernier congrès, en Louisiane ou, comme les gens de cette partie du monde disent, en «Louisian». J'ai eu le grand plaisir de partager des moments avec eux.
Cependant, je ne partage pas l'avis que nous devrions adopter cette motion aujourd'hui. Il y a trois éléments expliquant pourquoi il me semble que c'est mal. Je ne suis pas le seul à le dire. Premièrement, nous avons adopté l'initiative de la proclamation royale.
Dans un deuxième temps, je pense que ce principe, par lequel on doit s'adresser au chef d'État d'un autre pays pour exiger des excuses, nous relègue en quelque sorte à une étape coloniale. Je ne participe pas à des activités semblables. Nous sommes un pays autonome et fier. Les francophones de ce pays sont fiers eux aussi. Je pense que c'est mal à cet égard.
Dans un troisième temps, on se demande où une initiative semblable pourrait nous mener.
Où une initiative semblable pourrait-elle nous mener? Est-ce qu'on va exiger la même chose pour la révocation de l'Édit de Nantes?
Dans ma circonscription électorale, on pourrait parler des loyalistes. Est-ce qu'on va exiger des excuses du gouvernement des États-Unis pour le traitement de mes commettants loyalistes?
Je vois un député du Bloc qui dit oui. Libre à lui de le penser, mais ce n'est pas ma façon de penser. Je demande à mes collègues de voter contre cette motion. Il s'agit d'affirmer notre fierté d'être francophone aujourd'hui et quand nous voterons sur cette motion, mais de ne pas adopter cette motion présentée à la Chambre.
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