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Motion M-382 : M. Stéphane Bergeron (Verchères-Les-Patriotes, BQ)
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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 022
Le mardi 9 mars 2004
M. Stéphane Bergeron (Verchères-Les-Patriotes, BQ): Madame la Présidente, d'entrée de jeu, j'aimerais remercier mon collègue de Kamouraska-Rivière-du-Loup-Témiscouata-Les Basques, à qui je dois de pouvoir débattre aujourd'hui de la motion M-382. Il s'agit assurément de la dernière intervention en cette Chambre, dans le cadre de la présente législature, au sujet de la Déportation des Acadiens, puisque le Parlement sera, selon toute vraisemblance, incessamment dissout.
Cela dit, il est fort probable que cela ne soit pas la dernière fois que nous ayons l'occasion de débattre de ce sujet ici, puisque j'ai la ferme intention d'être réélu et, qui sait, de soulever de nouveau cette question, de telle sorte que la Couronne britannique reconnaisse enfin les préjudices causés, en son nom, au peuple acadien.
Ce serait cependant me faire injure que de prétendre, comme certains n'ont pas hésité à le faire, que le présent débat découle de mon seul entêtement, se traduisant cette fois par une nouvelle démarche de ma part, subséquente à la proclamation royale de décembre dernier.
Le processus parlementaire étant théoriquement indépendant des décisions du gouverneur en conseil, la motion M-382 n'a pu disparaître du Feuilleton de la Chambre des communes par le seul fait de la proclamation royale. S'il nous faut aujourd'hui débattre de la motion M-382 et la mettre ultérieurement aux voix, c'est essentiellement en raison de la désinvolture des instigateurs de la proclamation qui, en voulant à tout prix me tenir à l'écart, ont bêtement omis de s'interroger sur ce qui allait advenir de cette motion.
À ce stade, le sort de la motion, qui est tout simplement revenue à l'ordre du jour des travaux parlementaires, ne dépend plus de la seule volonté du député qui en est l'auteur, mais de celle de l'ensemble de la Chambre. Elle n'aurait donc pu être retirée du Feuilleton que par le consentement unanime de la Chambre, ce qui, au demeurant, peut toujours être fait aujourd'hui. Je n'entends donc pas accepter qu'on tente malicieusement de me faire porter le blâme d'une situation qui semble embêter mes collègues libéraux au plus haut point, en cette année sacrée du 400e anniversaire de fondation de l'Acadie et, surtout, à la toute veille d'un déclenchement d'élections.
Il est bien dommage que nous ayons aujourd'hui à forcer un vote sur la motion M-382, ce que j'ai pourtant essayé d'éviter à tout prix.
J'ai bien voulu discuter de la question avec mes collègues libéraux acadiens, mais ce fut peine perdue. La ministre du Travail a même inopinément annulé, à la dernière minute, la rencontre qui avait été prévue à cet effet, elle qui n'avait de cesse de me répéter, pendant le débat entourant la motion M-241, que j'aurais dû me donner la peine de lui parler.
Pourtant, tout ce que je désirais, c'était ou bien de faire retirer purement et simplement la motion M-382, ou de faire en sorte que la Chambre des communes endosse carrément l'heureuse initiative du gouvernement, le tout dans la foulée des démarches informelles annoncées par l'ex-ministre du Patrimoine, afin qu'une invitation formelle soit acheminée à Sa Majesté pour que celle-ci vienne faire lecture du texte de la proclamation royale.
J'entrevoyais la conclusion de ce débat avec un certain optimisme. Non seulement le gouvernement avait-il décidé de rendre publique la proclamation royale, mais le nouveau premier ministre, qui s'était montré favorable à ma démarche l'été dernier, disait vouloir établir un nouveau climat de collaboration avec le Parlement, et tout particulièrement avec les partis d'opposition.
Avec la proclamation royale dans le paysage, je réalisais bien que la motion M-382, telle que formulée initialement, apparaissait désormais quelque peu anachronique. J'étais donc disposé à la modifier. Mes espoirs auront été cruellement déçus.
Les collègues libéraux qui se sont jusqu'ici prononcés sur la question se sont enferrés dans une attitude étroitement partisane, dogmatique et manichéenne, par laquelle ils ne pouvaient se résoudre à l'idée d'avoir l'air de négocier quoi que ce soit avec le vulgaire séparatiste que je suis à leurs yeux, risquant même, de ce fait, de provoquer la défaite de la motion M-382. Ils ont ressorti les veilles rengaines usées à la corde, rabâché les mêmes discours polarisés et hargneux, qui n'ont pourtant rien à voir avec le fond de la question.
On semble avoir inféodé les intérêts du peuple acadien à ceux du Parti libéral du Canada. Manifestement, ces collègues ont bien du mal à se défaire de la culture d'affrontement que semblait vouloir entretenir l'ancien premier ministre. Leur attitude intransigeante et même hostile à l'égard des séparatistes, laquelle sous-tend leur position fondamentale à l'égard de toute démarche pouvant émaner de moi sur cette question, n'est pas porteuse d'un message d'unité et a plutôt tendance à valider le sentiment selon lequel les souverainistes n'ont pas ou n'ont plus leur place au Canada.
Ils devront pourtant se rendre un jour à l'évidence; près de la moitié des Québécoises et des Québécois, à un moment donné ou à un autre, a épousé l'idée selon laquelle le Québec devrait accéder au statut d'État souverain. Ou bien ils acceptent de composer avec la moitié de la population du Québec, ou bien ils continuent de traiter des millions de Québécoises et de Québécois comme des pestiférés qu'il vaut mieux éviter, entretenant par le fait même ce dialogue de sourds qui, lentement, mais sûrement, conduit inexorablement le Canada à sa perte.
Le point de vue défendu par certains collègues conservateurs n'est guère plus reluisant. Après avoir démontré beaucoup d'ouverture en appuyant massivement la proposition d'amendement à la motion M-241, voilà que ceux-ci invoquent des arguments qui n'ont rien à voir avec le libellé même de la motion M-382, qui correspond pourtant, mot pour mot, à celui de ladite proposition d'amendement.
Qu'on se le dise une fois pour toutes, la présente motion n'a pas pour objet de demander aux générations actuelles de porter la responsabilité de gestes posés il y a de cela 250 ans. En fait, il n'est même pas question de responsabilité dans cette motion. Il est simplement question d'une reconnaissance officielle, par la Couronne britannique, des préjudices qui ont été causés, en son nom, au peuple acadien.
Il n'est pas question de réécrire l'histoire, ni même de la réinterpréter. Il est simplement question d'en reconnaître les faits indéniables.
J'ose espérer que mes collègues voteront en faveur de cette motion.
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