Motion M-382 :
: M. Yvon Godin (Acadie-Bathurst, NPD

37e Législature, 3e Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 008
Le mercredi 11 février 2004

Les préjudices causés au peuple acadien

Yvon Godin

[Français]

M. Yvon Godin (Acadie-Bathurst, NPD): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole sur la motion M-382.

Pour commencer, je tiens à dire que le député de Verchères-Les-Patriotes a à coeur ce débat qu'il soulève à la Chambre des communes pour la troisième fois. Il n'a jamais lâché prise.

Pendant un certain temps, le gouvernement libéral disait que c'était de la partisanerie, qu'il faisait cela à cause de son parti. Toutefois, à plusieurs reprises, j'ai eu la chance de dire que ce n'était pas à cause de cela.

En effet, au début de l'histoire des Acadiens, les Bergeron étaient de la Rivière-Saint-Jean. Mme Bergeron, qui avait rencontré Jean-Baptiste Godin et qui l'avait épousé, avait déménagé à Caraquet. C'est pour cela que lorsque le député de Verchères-Les-Patriotes et moi nous nous rencontrons aujourd'hui, nous nous appelons les petits cousins.

Cela n'a rien à faire avec le NPD et le Bloc québécois. Cela a à voir avec une histoire qui vient de loin. Il l'a démontré, et il est à souhaiter qu'il ait pu gagner cette réputation ici à la Chambre des communes et à l'extérieur de la Chambre des communes, à savoir que c'est une histoire qui remonte à ses racines. C'est pour cela que cette motion lui tient tant à coeur.

Je suis fier aujourd'hui de voir que le gouvernement a fait un bon bout de chemin. En effet, il a reconnu la déportation. Il n'a cependant pas voulu utiliser les mots «torts faits aux Acadiens». Il n'a pas voulu utiliser «les excuses» qui devraient être faites, mais il a reconnu qu'il y a eu une déportation. Toutefois, toutes les demandes du député de Verchères-Les-Patriotes ont été diluées à partir du commencement jusqu'à la fin.

Néanmoins, il y a quelque chose qui m'intéresse dans tout cela. À la Chambre des communes, les libéraux ont voté contre les excuses de la Couronne britannique. Ils ont aussi voté contre les torts reconnus aux Acadiens. Cependant, quand est venu le temps de reconnaître la déportation, ils étaient tous là pour la photo de famille. J'étais chez moi et je regardais la télévision. J'ai syntonisé RDI quand la députée de Hamilton-Est a fait la déclaration ici à Ottawa où était présente la SANB. On pouvait voir le portrait de famille des libéraux qui voulaient avoir le crédit de tout cela.

Cela, je ne peux pas faire autrement que de le mentionner. Je trouvais cela drôle. Ils ne sont pas capables de voter en faveur d'une motion, mais quand vient le temps de reconnaître la déportation et d'aller chercher du crédit, ils sont dans le portrait de famille.

J'aimerais aujourd'hui revenir un peu sur l'histoire des Acadiens.

La déportation du peuple acadien a eu lieu de 1755 à 1763. Les Acadiens parlent du Grand Dérangement. Je trouve que cette expression est bien trop modeste pour décrire la tragédie vécue par le peuple acadien et reflète en fait leur grande force d'âme. D'ailleurs, le récit popularisé par Longfellow, Évangéline, représente la réalité historique douloureuse du peuple acadien et nous peint le portrait d'une déportation brutale et cruelle. Voilà en gros comment cela s'est produit.

Avant l'arrivée de l'armée britannique, la région de l'Acadie recouvrait l'actuel Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard et s'étendait le long d'un chapelet de communautés rurales et maritimes vivant du commerce, du produit de la pêche et de l'agriculture et de la forêt. Les familles acadiennes étaient les premières familles européennes à peupler le Canada, il y a 400 ans. Ces communautés vivaient en parfaite harmonie avec les peuples autochtones.

En arrivant en terre acadienne, l'armée anglaise se comporta en armée d'occupation et somma le peuple acadien de porter allégeance à la Reine sans réserve et sans égard à leur spécificité culturelle et religieuse.

Devant le refus des communautés acadiennes, l'armée britannique est brutalement intervenue, brûlant les maisons, prenant possession des riches terres, forçant les familles acadiennes à se séparer et forçant les femmes, les enfants et les hommes à embarquer sur des navires différents pour les déporter en Louisiane-ce sont les Cajuns d'aujourd'hui-et un peu partout sur la côte américaine. Certains ont fini dans les prisons d'Angleterre, d'autre furent forcés à rentrer en France.

Comme on peut l'imaginer, les souffrances et les injustices ont continué bien après la fin du voyage. Cette souffrance et cette intolérance peuvent être comparées à celles qu'ont historiquement subies et que, à bien des égards, continuent de subir en termes de conséquences les premières nations, les métis et tous les peuples autochtones.

Nous voyons encore aujourd'hui les droits humains piétinés dans de nombreux pays. Un peu partout, nous voyons des minorités religieuses, linguistiques ou culturelles persécutées et leurs droits bafoués, souvent avec une grande violence.

Le Canada est lui-même loin d'être parfait. Nous-mêmes, au Canada, avons bien du mal à réparer les conséquences des abus des droits de nos peuples autochtones qui vivent aujourd'hui dans des conditions déplorables. Nous avons souvent du mal à maintenir une société démocratique, ouverte et égalitaire. Rien n'est jamais acquis.

Cependant, la bonne nouvelle est que le Canada a été bâti après cette tragédie. Le Canada moderne s'est construit sur les bases d'une dualité linguistique, d'une tolérance et d'une ouverture à la différence. L'élément clé du Canada moderne, que l'on retrouve dans la section 15 de la Charte des droits, est bâti autour d'un principe d'égalité des droits, du refus de la majorité d'imposer sa volonté sur une minorité, quand il s'agit d'une question des droits humains. C'est sur ce refus positif que s'est construit le Canada moderne. C'est ce refus de la raison du plus fort qui a permis au Canada de devenir un exemple de diversité dans l'unité.

C'est pourquoi aujourd'hui nous pouvons en toute liberté débattre cette motion qui est un reflet du désir non seulement du député de Verchères-Les-Patriotes, mais de la population acadienne, qui porte toujours en elle les marques profondes de cette cruelle tentative d'extermination, d'une dignité bafouée.

[Traduction]

Les Acadiens sont fiers d'avoir survécu au Grand Dérangement. Ils sont aujourd'hui des membres fiers et forts de la famille canadienne.

En tant qu'Acadien, j'appuie cette motion. La déportation des Acadiens fut un geste insensé. À ceux qui croient que c'était la façon de faire à l'époque, je rappelle un événement plus récent: la loi de 1923 visant à restreindre l'immigration chinoise, qui a aussi séparé des familles en rendant impossible à une femme de venir rejoindre son mari. Le Parlement a abrogé la loi visant à restreindre l'immigration chinoise et on a présenté des excuses officielles à la communauté sino-canadienne,

[Français]

Le 9 décembre dernier, la proclamation royale est venue changer complètement la dynamique des démarches pour une reconnaissance officielle des préjudices causés aux Acadiens lors de la Déportation.

Bien qu'elle soit quelque peu diluée, la proclamation royale de décembre dernier a été un pas dans la bonne direction. Le peuple acadien est maintenant reconnu officiellement et son histoire tourmentée ne peut être considérée comme une simple légende, mais bien comme un fait historique établi.

Toutefois, pour que cette proclamation ait réellement un impact sur le peuple acadien, Sa Majesté la reine Elizabeth II devrait faire la chose honorable et attendue des Acadiens et Acadiennes et lire la proclamation royale en Acadie et même, plus spécifiquement, à Grand-Pré, où le Grand Dérangement s'est produit. Ce geste d'une importance symbolique serait, à mon avis, une des meilleures façons de reconnaître les préjudices causés aux Acadiens.

Pour terminer, j'aimerais souligner qu'il y a plein d'occasions qui s'offrent à Sa Majesté la reine pour venir en terre acadienne et lire la proclamation. Nous n'avons qu'à penser au 400e anniversaire de l'Acadie, cette année, ou même en 2005, lors du 250e anniversaire du Grand Dérangement.

Même la députée de Hamilton-Est dit qu'il ne devrait pas y avoir de problème pour lancer l'invitation à la reine et qu'elle se ferait un plaisir de venir lire la proclamation.

J'invite donc tous les députés à prendre connaissance de la motion et j'invite le Parlement à demander à la reine de venir en Acadie pour souligner l'importance du peuple acadien, qui a tant contribué au fondement de notre pays. En même temps, en passant, elle pourrait fêter avec nous.

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