Carol Doucet - 8 décembre 2003

http://www.capacadie.com/chroniquedumonde/detail.cfm?id=79644

La semaine dernière, le gouvernement du Canada a adopté une Proclamation royale sur laquelle il est écrit que la Reine Élizabeth II reconnaît les torts qui ont été causés au peuple acadien lors de la Déportation. Dans les médias acadiens, cette affaire a été relativement bien couverte, avec un ton relativement positif, mais dans les médias nationaux, la manchette quasi unanime parlait d'une très grande victoire pour le peuple acadien.

Quelle belle visibilité pour l'Acadie que cette Proclamation ! Combien de gens d'ici et d'ailleurs connaissent maintenant beaucoup mieux notre histoire ? Le président de la Société Nationale de l'Acadie (SNA), Euclide Chiasson, qui parle de la signature de cette Proclamation comme étant une grande victoire, a accordé des entrevues à de nombreux médias au sujet de cette résolution du Cabinet fédéral. Même un journaliste du London Daily Telegraph, posté à New York, qui a entendu parler de cette invitation faite à la Reine de venir à Grand-Pré en 2005, a décidé de se rendre dans ce coin du monde dont il n'avait jamais entendu parler auparavant ! Le président de la SNA lui a parlé, tout comme il a donné des entrevues à plusieurs grands médias de nombreux pays du monde, dont la BBC !

C'est après-demain, soit le mercredi 10 décembre 2003, que la Gouverneure Générale Adrienne Clarkson, la représentante de la Reine au Canada, signera cette Proclamation qui désigne le 28 juillet, date de la signature officielle de la Déportation, comme journée commémorative annuelle du Grand Dérangement. Dans le préambule de la Proclamation, il est clairement indiqué que la Reine reconnaît les torts causés aux Acadiennes et aux Acadiens lors de la Déportation.

La SNA voit surtout l'importance de cette Proclamation pour les générations à venir. Comme l'a souvent souligné Euclide Chiasson, c'est important que nous n'oubliions pas les événements de notre histoire. La signature de cette Proclamation sera dans tous les prochains livres d'histoire de l'Acadie et du Canada. Il faut avouer que certaines personnes nient encore l'ampleur de la Déportation des Acadiens, tout comme certaines personnes nient l'existence même de l'holocauste !

On ne peut pas plaire à tout le monde

Il est clair que tous et toutes ne se réjouissent pas de cette nouvelle. Pourquoi ? Surtout parce que l'on considère qu'elle ne va pas assez loin. Certaines personnes auraient voulu des excuses officielles venant de la Reine, voire même une compensation financière ! Comme si la Couronne britannique, ou encore le gouvernement britannique, allaient donner de l'argent aux Acadiens et aux Acadiennes pour ce qui s'est passé il y a 250 ans ! Voyons ! Faut pas rêver en couleurs tout de même ! Et de toute façon, est-ce qu'une personne peut vraiment s'excuser pour ce qu'ont fait ses prédécesseurs ou ses ancêtres ? Est-ce que je pourrais m'excuser pour un crime que mon grand-père aurait commis ? Pas sûre…

Souvenons-nous tout de même qu'un comité consultatif a été mis sur pied il y a plus de deux ans en vue de tâter le pouls du peuple acadien à ce sujet. Nous savions tous et toutes que nous pouvions nous prononcer sur la chose. Comment voulions-nous que la SNA traite ce dossier ? Quelles sortes d'excuses désirait-on ? Devrait-il y avoir réparation ? Ce Comité avait comme mandat de recueillir toute l'information pertinente au niveau historique relié à la Déportation des Acadiens. De nombreuses personnes, groupes et organismes ont répondu à l'appel de la SNA et 96 % d'entre eux et elles ont demandé exactement ce qui a été accepté par le Cabinet.

La Déportation a certes été le moment le plus triste de l'histoire de notre peuple et ce fait sera maintenant mieux connu de par le monde. Aujourd'hui, j'ai le sentiment qu'une page d'histoire a été tournée et que je peux penser aux aspects plus positifs de cette période sombre. Lesquels vous vous demandez ? Quand je suis allée à Belle-Île-en-Mer pour la première fois il y a quelques années, j'ai été très touchée de voir les drapeaux acadiens flotter un peu partout. C'est dans un moment comme celui-là que nous réalisons que la Déportation a bel et bien eu lieu, que ses effets sont concrets ! Là-bas, on connaît l'histoire de l'Acadie !

Reste à voir si la Reine acceptera l'invitation de se rendre à Grand-Pré en 2005, année du 250e anniversaire de la Déportation, afin d'y lire elle-même le texte de cette Proclamation. Disons que ce serait rien de moins que la cerise sur le sundae !