Éditorial: À demi-faste

Bruno Godin - 13 décembre 2001

Bruno Godin brunog@acadienouvelle.com

De mémoire récente, on n'a jamais autant parlé de l'Acadie, de son histoire, de la réalité de tous les jours des Acadiens et des Acadiennes dans l'enceinte du Parlement à Ottawa ou encore à l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick. Au cours des dernières semaines, la motion M-241, du député bloquiste de Verchères-Les-Patriotes, Stéphane Bergeron, qui invitait le Parlement canadien à demander des excuses à la Couronne britannique pour la Déportation des Acadiens et des Acadiennes entre 1755 et 1763, a été battue par la députation libérale fédérale. Mais elle a fait couler beaucoup d'encre et a permis, à tout le moins, de faire connaître le triste sort de nos ancêtres aux gens du centre et de l'ouest du pays. Si l'on se fie aux propos de la sénatrice acadienne Rose-Marie Losier-Cool, c'est à l'unanimité ou presque que sa motion visant à faire reconnaître le 15 août comme notre fête nationale par le Parlement sera adoptée par le Sénat canadien d'ici quelques jours. Une reconnaissance du type symbolique, si l'on peut dire. À Fredericton, il y a au moins une décennie que le dossier des langues officielles a soulevé autant les passions. Certains diront que lors du passage - heureusement éphémère - des membres du Confederation of Regions, on parlait de langues mais de façon plutôt péjorative alors qu'actuellement, c'est à qui, des députés libéraux ou du premier ministre Bernard Lord, est le plus fervent défenseur des droits et acquis des Acadiens et Acadiennes de la province. Depuis que le gouvernement progressiste-conservateur a «osé» inscrire quelques lignes sur la Loi sur les langues officielles dans le récent discours du trône, on dénote une effervescence comme quoi une ouverture, aussi petite soit-elle, est perçue. Et cette porte a été entrouverte un peu plus lorsque les bonzes de la Société des loteries de l'Atlantique ont osé publier un appel d'offres en anglais seulement. On devrait presque remercier le coupable. Depuis, nous sommes informés quotidiennement de bourdes semblables au sein de la fonction publique. Le débat s'alimente de jour en jour. On dirait un mauvais feuilleton pour le gouvernement, mais une manne pour nous. Cela fait dix ans que la communauté acadienne et francophone se cherche un projet rassembleur, soit depuis l'adoption de la Loi 88 dans la Constitution canadienne. Or, il ne fait plus de doute qu'un projet concret, celui de la révision de la désuète Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick, est en train de gagner ses lettres de noblesses. Il est presque dommage que l'année 2001 en soit à ses derniers milles. Nous devrions demander un prolongement des sessions, autant à Ottawa qu'à Fredericton, pour continuer à battre le fer pendant qu'il est chaud. On sent presque un élan de patriotisme au sein de la collectivité acadienne. Au-delà de la politique proprement dite, de nombreux partenariats signés entre des organismes acadiens avec le Québec, les îles de Saint-Pierre-et-Miquelon ou encore avec des pays d'Europe ayant le français en commun ont marqué les derniers mois. L'Université de Moncton a même fait les frais d'un paragraphe dans le dernier budget de Paul Martin, avec l'annonce d'un institut de recherche qui étudiera sous tous ses angles les minorités francophones au pays, un institut doté d'un montant de 10 millions $. Certains diront que nous n'avons rien gagné de concret. Dans toutes les sphères de notre vie quotidienne, nous ne recevons pas les services dans la langue qui nous revient: en santé, en éducation et dans bien d'autres domaines. Sauf que nous sommes habitués aux longs combats, aux luttes incessantes. Et l'histoire se rappellera, encore une fois, que nous n'abandonnons pas. Finalement, si l'année 2001 ne passe pas à l'histoire, on pourra sans doute y réserver quelques paragraphes dans nos livres à nous, tant nous aurons fait parler de... nous. Une année à demi-faste, c'est mieux que l'ignorance.

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