Du paternalisme méprisant

Rino Morin Rossignol - 19 décembre 2001

Rino Morin Rossignol Chroniqueur morinrossignol@sympatico.ca

Oui, c'est une affaire de coeur qui me zigonne les méninges aujourd'hui et qui me sert d'entrée en matière pour cette chronique «du retour». Avec le coeur, faut toujours y aller mollo, han, madame? On sait jamais quand la bonne vieille patate va se tanner de pomper du vide! Anyway, coucou, chu pas mort! Pis je me sens d'attaque! Grrrrrrrrr. L'histoire de coeur qui m'asticote aujourd'hui, il y a longtemps qu'elle me trotte dans la tête puisque j'en ai déjà parlé à deux reprises ici. La dernière fois, c'était dans ma dernière chronique. Dans cette chronique, je parlais des fameuses excuses royales pour la Déportation et je disais que je pensais avoir trouvé une solution qui ferait l'affaire de tout le monde, de Zabeth à Dominic, en passant par les bleus, pis les rouges, pis les bleus-blancs-rouges. Bon, la fameuse résolution du député bloquiste Stéphane Bergeron visant à demander des excuses royales a provoqué des situations qui auraient pu être loufoques n'eurent-elles été si pathétiques. Et puis elle a été rejetée par l'équipe gouvernementale. C'est là qu'on a vraiment vu à quelle enseigne loge le gouvernement libéral fédéral. C'est un gouvernement qui aime bien s'approprier les succès et l'honneur de l'Acadie et des Acadiens, surtout devant la visite, quand ça redore son propre blason. C'est aussi un gouvernement qui aime bien se servir de l'Acadie et des Acadiens d'une manière éhontée dans sa chicane avec les méchants souverainistes du Québec. On a donc droit à du gros lichage d'Acadiens par le gouvernement Chrétien quand ça sert ses intérêts, pis à du gros lâchage d'Acadiens quand ça rapporte rien au gouvernement fédéral. Inutile de chercher des explications métaphysiques au refus du gouvernement Chrétien d'appuyer la résolution du député Bergeron. Pour ce gouvernement, l'Acadie est une grosse troupe de danse folklorique. De temps en temps, quand la troupe commence à faire des steppettes de côté, ou quand la troupe a envie de s'affirmer en frappant du talon, ce gouvernement opportuniste envoie en Acadie un porteur de chéquier pour saupoudrer dans les hameaux locaux quelques subventions censées calmer les nerfs de la troupe. C'est ce qui explique qu'en plein coeur de cette affaire, Madame Copps est venue annoncer, en argent sonnant, la centième «survie» du Monument Lefebvre, tout en profitant de l'occasion pour nous annoncer sa parenté avec Évangéline. Sheila et la Sagouine: même combat! Moi, j'appelle ça de la condescendance malsaine, du paternalisme méprisant. C'est une infantilisation humiliante de l'Acadie et des Acadiens. C'est rire du monde. Pis vous allez tous les voir rappliquer, aux prochaines élections fédérales, et là ils vont sortir la litanie: les Acadiens ont eu un gouverneur général, des juges à la Cour suprême, blablabla, toutes sortes d'affaires présentées comme des cadeaux, alors que ce n'est que la manifestation la plus élémentaire du droit des Acadiens et des Acadiennes à occuper de telles hautes fonctions, comme n'importe lequel autre membre de n'importe laquelle autre communauté ethnique ou culturelle au Canada. Point final.

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Cela étant, si j'ai bien compris, le député Dominic LeBlanc aurait joué un rôle déterminant pour torpiller l'adoption de cette résolution. S'il n'était pas Acadien, fils de gouverneur général en plus!, ce serait moins gênant. Mais à cause de ses origines, son geste est d'une tristesse inouïe. Souhaitons au moins que cette histoire l'incite à se poser des questions sur ses aptitudes et sa compétence à représenter ses compatriotes et à défendre leurs intérêts avec efficacité et équité. Donc, Sa Gracieuse Majesté n'aura pas à s'excuser pour les exactions commises par les Anglais à l'égard des Acadiens, en 1755. Je l'ai déjà dit: je ne suis pas un fanatique des excuses royales. Je trouve qu'il y a quelque chose de gênant quand on est presque obligé de supplier quelqu'un pour qu'il s'excuse. Me semble que si la reine avait le coeur assez sensible pour comprendre la nécessité quasi thérapeutique de ces excuses, elle les aurait présentées de bonne grâce. Mais ça fait longtemps qu'elle est sur le trône; sa provision de bonne grâce est peut-être épuisée... So be it. Pis let it be! * * * * *

Pour en finir avec cette affaire, je propose à ceux qui tiennent toujours aux excuses d'oublier la reine et de se tourner plutôt vers le gouvernement britannique. Il n'y avait pas que les rois d'Angleterre et de France qui se battaient… il y avait aussi leur «gouvernement» respectif qui prenait des décisions. C'est même ce qui fait dire à certains historiens que le roi d'Angleterre ne savait même pas que Lawrence avait ordonné la déportation des colons francophones. (L'historien Jean Daigle écrit, dans L'Acadie des Maritimes, que «le Conseil législatif [de la colonie] prend la décision de déporter les Acadiens.») C'est moi qui souligne. Dans un tel contexte, il me semble que le gouvernement fédéral pourrait demander au gouvernement de Tony Blair de présenter des excuses pour ce geste horrible que le gouvernement britannique du temps a toléré sans dire un mot. Et a encouragé, par le fait même, en n'y mettant pas un terme. Me semble que Tony Blair serait le genre à accepter un tel compromis. Pour un travailliste, quelle heureuse façon d'usurper encore un peu l'autorité morale de la monarchie… Ainsi, la Déportation serait bel et bien reconnue, avec excuses officielles britanniques et tout le tralala. L'honneur serait sauf: l'honneur de la reine, l'honneur du gouvernement fédéral, l'honneur de l'Acadie. Que demander de mieux à l'aube du 400e anniversaire de la présence acadienne en terre d'Amérique? Voilà donc mon humble et possiblement ultime contribution à ce débat qui n'aurait pas dû avoir lieu pour la bonne raison que tout cela aurait dû être réglé il y a des siècles. Mais, pour de nombreux Acadiens et Acadiennes, cette affaire est une affaire de coeur. Et comme toute affaire de coeur, elle se fout du temps qui passe. Faut y voir, jusqu'à ce que le tort ait été réparé.

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Parlant de coeur, vous me permettrez de remercier très chaleureusement toutes les gentilles personnes qui m'ont envoyé des courriels de prompt rétablissement après mon infarctus et mes pontages. Votre encouragement et vos bons voeux m'ont beaucoup aidé à passer au travers de cette bizarre aventure. Vous me donnez du coeur au ventre, mes snoros! Ça doit être pour ça que je vous aime. Je vous souhaite un merveilleux Noël plein de magie, de rires et de bonheur partagé. Un Noël tout en lumière. C'est si beau quand il fait clair dans le coeur!

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