De la scène au Sénat

Sylvie Mousseau - 11 janvier 2002

De la scène à la chambre haute, Viola Léger incarne depuis trois mois, le personnage probablement le plus complexe de toute sa carrière.

Sylvie Mousseau L'Accent Acadien

Pour cette comédienne chevronnée et reconnue, qui a célébré les 30 ans de la Sagouine en 2001 et qui a joué entre autres les rôles de Grace dans la pièce Grace et Gloria et Mme Lévesque dans l'émission télévisée Bouscotte, ses premiers mois au Parlement ont été plutôt éprouvants. «À partir de demain, je n'existe que comme comédienne et j'ai bien hâte», déclare la nouvelle sénatrice visiblement soulagée au lendemain de la suspension des travaux du sénat. Même si la chambre haute a cessé ses activités, Viola Léger n'a pas vraiment de vacances puisqu'elle a consacré la plus grande partie de son congé à préparer et à répéter un spectacle pour le Théâtre de l'Île à Hull. Le public pourra donc la revoir sur les planches à partir du 15 janvier dans son spectacle Veillée avec Viola, qu'elle a déjà joué à quelques reprises à Montréal et en Acadie. Bien que le passage du théâtre à la politique ne paraît pas évident à première vue, la comédienne acadienne y voit quand même quelques similitudes entre les deux domaines. «La partie semblable, c'est la réflexion. Comme comédienne, on est obligé de rentrer dans des personnages et de les décortiquer. On travaille des semaines pour aller au fond d'un personnage. Il y a absolument ce même travail-là au sénat, excepté qu'il est multiplié. C'est plus juste un personnage, c'est plusieurs à la fois. Au sénat, on a tous les dossiers en même temps. On passe de la santé à l'antiterrorisme, et ça c'est pas facile», confie-t-elle au cours d'une entrevue téléphonique depuis sa résidence à Ottawa. De plus, l'automne 2001 a été exceptionnellement bouleversant et occupé au Parlement à la suite des événements du 11 septembre. «Je pense que cet automne-ci a été chargé émotionnellement pour le monde entier», souligne-t-elle. Dans des dossiers comme celui sur l'antiterrorisme, les choix n'ont pas toujours été faciles à faire, constate la sénatrice acadienne. C'est à travers la Sagouine, une personne avec le gros bon sens, qu'elle a trouvé son inspiration. «Tout être humain quand on est face à de grosses épreuves, il faut vivre ça ces moments-là dans toutes les vies, il reste une chose à faire; de s'accrocher, de se tenir par la main et de se dire on va faire une journée à la fois», affirme-t-elle. La sénatrice de 71 ans s'estime encore trop jeune au Parlement pour se lever en chambre et faire des discours. Elle observe, étudie et se familiarise avec l'ensemble du processus. L'Acadie a fait beaucoup parler d'elle cet automne avec des dossiers comme celui de la demande d'excuses à la Couronne britannique et la reconnaissance de la fête nationale de l'Acadie. En ce qui concerne, la motion sur la demande d'excuses, Mme Léger a préféré ne pas se prononcer parce qu'elle ne se sentait pas prête. «J'avais pas le temps de vraiment peser le pour et le contre. Même si j'ai pas été élevée à tous les jours en disant qu'on avait été déporté, je comprends ceux qui veulent des excuses comme l'avocat louisianais Warren Perrin qui fait ça depuis dix ans. Si lui il a pu travailler dix ans, moi tout d'un coup dans une semaine ou deux, c'est vite. Je ne veux pas réinventer la roue, mais j'ai l'intention, petit à petit dans mon coin, tranquillement avec mon intelligence, de faire le travail que je dois faire avec ce sujet-là, mais rien de public. Je le veux à double titre, à titre de Viola Léger comme simple citoyenne, puis maintenant, à titre de sénatrice», explique-t-elle. Avec tout ça, la sénatrice a tout juste eu le temps de penser à sa carrière de comédienne. Toutefois, avant d'être nommée au sénat, elle avait signé un contrat avec le Théâtre de l'Île. Et, heureusement, c'est à Hull juste l'autre côté de la rivière Outaouais. «La providence est de mon côté, c'est ma mère qui m'a dit qu'il y avait une providence pour les innocents. Ç'a été signé un an passé et ça tombe entre le 15 janvier et le 2 février, justement quand le sénat est fermé», mentionne-t-elle. Veillée avec Viola est un spectacle dans lequel la comédienne se raconte. C'est un peu comme une soirée causerie. Elle est seule sur scène et elle parle entre autres un peu de sa vie, de son père, qui était conteur, et elle raconte des histoires comme la version acadienne de Cendrillon et Tableau de backyard de Guy Arsenault. Elle a aussi une invitée, Micheline Scott, qui propose une partie un peu différente avec des chansons. Elle a créé ce spectacle il y a deux ans. «J'avais participé à un festival de conte à Montréal et je voulais commencer à faire des contes chez nous. J'ai pensé avant d'aller voir les conteurs, je vais le faire moi-même. Mais, moi, avec ma vie casaque et que je sais jamais qu'est-ce qui arrive, j'ai pas fait de festival, mais une soirée où j'interprète mes contes favoris.» Elle aime le Théâtre de l'Île, une scène qu'elle connaît bien puisqu'elle y a joué trois fois dans des pièces. Elle prévoit aussi retourner au Pays de la Sagouine l'été prochain. Quant aux nouveaux rôles qui pourraient s'offrir, elle n'y songe pas trop parce que sa priorité pour les quatre prochaines années sera le sénat. «Ma carrière de comédienne c'est très important, mais s'il faut que je choisisse dans le moment, s'il y a un problème, ce sera le sénat qui passera en premier. Si c'est si majeur que ça, ils m'attendront. J'ai 71 ans et il faut que je décolle du sénat à 75. Alors, je peux seulement jouer des personnages âgés et avoir 71 ou 75, c'est pas mal pareil», ajoute-t-elle avec humour.

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