De l'amour et de l'engrais

Rino Morin Rossignol - 26 juin 2002

Rino Morin Rossignol Chroniqueur morinrossignol@sympatico.ca

Un lecteur de la présente chronique m'a envoyé un courriel dans lequel il s'indigne des déclarations gauches et malheureuses de Dominic LeBlanc, député libéral fédéral de Beauséjour-Petitcodiac, dans le dossier de la demande des excuses royales pour l'infamie de 1755. Même si je ne suis pas le plus fervent défenseur de cette cause, je trouve que la demande formulée par la SNA est bien fondée, légitime et appropriée. La réserve que j'ai par rapport à cette démarche, c'est que je crains qu'elle ne soit vouée à l'échec, un échec qui serait perçu comme une gifle par le peuple acadien, et ce, juste au moment où il s'apprête à célébrer, en 2004, le 400e anniversaire de son implantation en Amérique; et au moment où il s'apprête à commémorer, l'année suivante, le 250e anniversaire de la Déportation. Bref, je crains un refus silencieux aussi royal qu'auraient pu l'être les excuses souhaitées, et cela assombrira indûment l'atmosphère au moment précis où la commémoration du chemin parcouru devrait inciter l'Acadie à regarder droit devant avec une confiance renouvelée en elle-même.

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Cela étant dit, je ne sais expliquer mieux que mon correspondant l'attitude méprisante et la démarche rétrograde du député Dominic LeBlanc. Quand le député fédéral du Bloc québécois Stéphane Bergeron a sollicité l'appui des Communes pour acheminer cette demande, M. LeBlanc s'est insurgé de la présence d'un souverainiste dans ce dossier. M. Bergeron a beau «s'escouer» les racines acadiennes à bout de bras, ce n'est pas suffisant pour M. LeBlanc. J'en conclus que pour le député de Beauséjour-Petitcodiac, il y a les bons Acadiens (ceux qui seraient libéraux et fédéralistes) et les mauvais Acadiens (ceux qui ne seraient pas libéraux et fédéralistes). À quand les prises de sang politique? Venant d'un député d'un parti qui se gargarise d'inclusion, de tolérance, d'ouverture et de générosité multiculturelles, cette attitude étonne. Elle est affligeante aussi quand on pense que le père de ce député acadien a été un journaliste acadien de grande classe, pour devenir ensuite un député et ministre fédéral acadien influent, puis le premier Acadien élu à la présidence du Sénat canadien et le premier Acadien nommé gouverneur général du Canada. C'est un homme intègre, que je respecte beaucoup, comme tous les Acadiens de bonne foi. C'est pour cela que l'attitude de fiston est vraiment attristante. Je ne m'explique tout simplement pas ce qui cloche ici. Par ses racines, par sa filiation prestigieuse, le député LeBlanc devrait avoir en main tous les éléments nécessaires pour comprendre les aspirations de ses compatriotes acadiens. Qu'est-ce qu'il lui faut de plus?

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Je crois qu'il faut regarder ailleurs pour expliquer la position qu'adopte Dominic LeBlanc dans ce dossier. Le mépris qu'il affiche à l'égard de la demande de la SNA et, surtout, à l'égard de l'appui unanime de l'Assemblée nationale du Québec envers cette demande, reflète surtout une fermeture à l'égard du Québec. C'est une forme d'exclusion ethnique plus proche de la tyrannie que de la démocratie. On peut comprendre que M. LeBlanc abhorre les velléités souverainistes d'un fort pourcentage de Québécois. Il n'aime pas les souverainistes et c'est son droit. J'imagine qu'il travaille fort pour faire triompher le fédéralisme et le Parti libéral au Canada. Il en a le droit aussi. Toutefois, il ne devrait pas confondre les intérêts de son parti et ceux de sa patrie. Et sa patrie, c'est l'Acadie. Si même les députés acadiens sont incapables de défendre les droits des Acadiens ou refusent de le faire, où allons-nous? Maintenant qu'il est député de Beauséjour-Petitcodiac, le respect politique le plus élémentaire exige qu'il prenne fait et cause pour les dossiers que les Acadiens ont à coeur et qu'il agisse en convergence, plutôt qu'en dissidence. À moins, bien sûr, qu'il ne trouve ses commettants trop insignifiants pour faire confiance à leur jugement.

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Je trouve honteux que les ténors du fédéralisme canadien pur et dur témoignent de tant de condescendance à l'égard de l'Acadie. Le premier ministre Jean Chrétien, qui a déjà été député de Beauséjour, n'a pas voulu appuyer la demande pour des excuses royales. Stéphane Dion, ministre des Affaires intergouvernementales, et chargé du dossier des langues officielles, nous a déjà dit de marier des anglaises pour les assimiler. Ou quelque chose d'aussi édifiant. Et maintenant, Dominic LeBlanc envoie promener l'Assemblée nationale du Québec qui a eu le malheur d'appuyer à l'unanimité une démarche visant à soutenir la dignité du peuple acadien! Conclusion: Pour ces bonnes personnes, l'Acadie n'est qu'un pion dans une partie d'échecs politique. Et c'est une partie d'échecs dont personne ne sortira gagnant si les joueurs des deux camps ne font pas plus preuve d'ouverture d'esprit, quoi qu'en pensent les tenants d'un fédéralisme pur et dur pétrifié dans son intransigeance, ou ceux d'un souverainisme qui commence à sentir le renfermé. En attendant le dénouement de cette joute inamicale, c'est l'Acadie qui en fait les frais. Mais il faut garder espoir. Quoi qu'il advienne de la chicane entre le Québec et le gouvernement fédéral, je suis persuadé que l'Acadie continuera d'exister dans l'orbite fédérale tout en conservant ses liens privilégiés avec l'autre rameau français en Amérique, un rameau frère qui s'appelle le Québec.

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Cela étant dit, c'est l'été, il fait beau et plusieurs me demandent des nouvelles de mes fleurs!!!! Que dire? Elles ont le coton un peu magané, because le temps maussade des dernières semaines. Mais bon, je les aime. Avec un peu d'amour et pas mal d'engrais, elles vont s'en tirer. Tiens, j'y pense: un peu d'amour et d'engrais, ce serait peut-être une bonne recette aussi pour les forces fédéralistes et souverainistes!

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