Éditorial : Malgré les autres

Michel Doucet - 14 août 2002

Michel Doucet

micheld@acadienouvelle.com

Le dossier des excuses dues aux Acadiens en raison de la Déportation de 1755 avance au rythme que veulent bien lui donner les autorités fédérales, c'est-à-dire très lentement. Fort heureusement, il n'y a pas que des libéraux à Ottawa. Le député de Verchères-Les-Patriotes aux Communes, Stéphane Bergeron, du Bloc québécois, est actuellement en Acadie. Normal pour un Acadien d'origine dans les environs du 15 août. La visite de M. Bergeron n'est toutefois pas attribuable qu'aux célébrations entourant notre Fête nationale. Il y a plus qu'une adonnance. Il appert aujourd'hui que de nombreux députés fédéraux auraient conclu que M. Bergeron a «brûlé les étapes», l'année dernière, en faisant part de ses démarches auprès de la Couronne britannique. «On t'aurait bien appuyé, mais...» Vous savez comment sont plusieurs de nos politiciens à Ottawa: quand on croit qu'ils ont atteint le fond, ils sortent une pelle. Voilà donc que ces gens-là étaient pour la motion M-241, mais qu'ils ne pouvaient y adhérer publiquement, en leur âme et conscience. Qu'à cela ne tienne, le député acadien tente de faire évoluer le dossier (et peut-être aussi certaines mentalités), en demandant à la Chambre des communes de reconnaître les torts infligés aux Acadiens entre 1755 et 1763. La motion M-495 a été déposée au printemps et devrait être débattue quelque part à la rentrée, dans le meilleur des scénarios. À Ottawa, il serait surprenant que les choses aillent aussi rondement, remarquez. Parallèlement aux efforts entrepris par la Société nationale de l'Acadie, qui demande à la Couronne de reconnaître officiellement un drame historique dont personne n'ose plus nier l'existence et l'ignoble perfidie, Stéphane Bergeron croit lui aussi qu'il est temps de passer à autre chose. Et pour tourner la page, chacun doit prendre ses responsabilités, malgré les «arguments» de ceux et celles qui estiment qu'il n'y a plus à revenir là-dessus. M. Bergeron ne semble pas se faire d'illusions, et il est facile de le comprendre dans le contexte. Après tout, avec du «gros calibre» du genre de Dominic LeBlanc, Sheila Copps et autres très fidèles lieutenants, pareille entreprise est implicitement hasardeuse. Chose certaine, ses efforts ne doivent pas s'arrêter pour si peu. Chez les libéraux fédéraux, on nous a habitués à rabaisser toute démarche qui n'est pas issue de la «famille». Les réactions de panique totale de l'année dernière nous l'ont rappelé de triste et ridicule façon. Il est grand temps de montrer à ces gens qu'ils n'ont pas le monopole des idées. S'ils ont pour deux sous d'honnêteté intellectuelle, les libéraux d'Ottawa considéreront la motion M-495 avec le sérieux et la diligence qu'elle mérite. Et ils réaliseront qu'il faut bien davantage que venir saupoudrer de l'argent, très en retard, sur un événement comme le 400e anniversaire de la fondation de l'Acadie, pour assumer pleinement le rôle qui devrait aujourd'hui être le leur.

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