La Société nationale de l'Acadie ne se fait pas d'illusions

Steve Hachey - 30 août 2002

DIEPPE - La Société nationale de l'Acadie souhaite que la reine d'Angleterre, Elizabeth II, profite de son passage à Dieppe, au mois d'octobre, pour reconnaître les torts causés aux Acadiens lors de la Déportation. Cependant, la SNA ne prévoit prendre aucune action pour que cela se produise.

Steve Hachey L'Acadie NOUVELLE

shachey@acadienouvelle.com

La reine sera de passage à Dieppe, le 12 octobre, son seul arrêt dans une communauté acadienne. Le président Euclide Chiasson a indiqué qu'il avait été surpris et heureux de voir que, finalement, la reine s'arrêterait dans une communauté acadienne. «Je suis content parce que l'itinéraire initial n'en incluait aucune», a-t-il confié à L'Acadie NOUVELLE. Il ajoute qu'effectivement, il s'agirait d'une très belle occasion pour la reine de reconnaître les torts causés au peuple acadien par les Déportations, qui se sont déroulées de 1755 à 1763, mais il ne se fait pas d'illusions. La SNA a envoyé une lettre au palais de Buckingham demandant à la Couronne britannique de reconnaître les torts causés aux Acadiens au cours du 18e siècle. «Il faut dire que ça laisse très peu de temps à la Couronne britannique de réagir. La lettre a été envoyée au mois de juin seulement, rapporte le président. Si la reine ne le fait pas à Dieppe, on s'attend à ce qu'elle le fasse plus tard.» Peut-être en 2005, lors du 250e anniversaire de la Déportation. «Même si ça prend quelques mois de plus, ce n'est pas un problème. Il ne faut pas accorder trop d'importance à la visite actuelle, parce qu'elle avait été déterminée longtemps à l'avance.» Pour ce qui est du passage de la reine à Dieppe, il indique que la SNA n'a rien prévu, sinon se rendre la rencontrer s'ils en reçoivent l'invitation. «Je pense que comme institution qui représente le peuple acadien, ce serait de mise qu'on nous invite. Si on nous invite, on va certainement y être. On sait comment se comporter dans des situations comme celle-là. On va être très accueillant à la Couronne britannique, rassure-t-il, même si d'un point de vue personnel, on n'est pas d'accord avec la monarchie.» Et il n'y a pas que la SNA qui souhaiterait voir la reine reconnaître les torts. Le chef de l'Opposition Shawn Graham, qui a récemment fait savoir qu'il appuyait les démarches de la société acadienne, est du même avis. «Ce serait un geste d'une grande compassion de la reine alors qu'elle célèbre son Jubilé d'or», a-t-il mentionné. Outre les libéraux provinciaux, la SNA a recueilli l'appui d'à peu près tout le milieu associatif francophone du pays. «S'il y a une démarche qui a créé l'unanimité du côté de la francophonie canadienne, c'est bien celle-là», est d'avis M. Chiasson. Depuis le tout début, la SNA a reçu l'appui de l'ensemble de ses associations membres, de même que de la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada et de l'Assemblée législative du Québec. Le premier ministre québécois, Bernard Landry, lui-même de descendance acadienne, est sans doute l'un des élus qui a été le plus loin dans ses propos, qualifiant la Déportation de «crime contre l'humanité», ce que la communauté acadienne se répète depuis les événements tragiques. Au Nouveau-Brunswick, le gouvernement de Bernard Lord refuse de s'impliquer dans le dossier, prétextant qu'il préfère mettre ses énergies ailleurs. Les experts croient qu'environ 11 000 Acadiens ont été déportés du territoire de ce qui forme aujourd'hui les provinces de l'Atlantique, entre 1755 et 1758. Plusieurs pensent qu'environ 3000 d'entre eux se seraient cachés dans les forêts, tant en Atlantique qu'au Québec. D'autres personnes déplacées se sont rendues par bateau jusqu'en Louisiane où, au cours des siècles, elles ont perdu leur langue en s'assimilant dans le gigantesque melting pot américain. Selon les estimations modernes, il y aurait 245 000 francophones, la plupart de descendance acadienne, au Nouveau-Brunswick. Les Acadiens de la Nouvelle-Écosse seraient au nombre de 34 000 tandis que 5500 habitants de l'Île-du-Prince-Édouard se réclament de cette descendance.

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