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Perspectives sur la visite royale
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Janice Babineau - 8 octobre 2002
Janice Babineau j_babineau@hotmail.com
Sa présence a fait avaler les paroles de l'un des soldats les plus fidèles de Jean Chrétien. Les plus grands journalistes du pays en sont à décrire la qualité de la couleur rose crème de son ensemble et sa bonne humeur. Tous sortent leurs plus beaux costumes, fourrures et plumages. Le God Save The Queen résonne aux quatre coins du pays, en pas moins de trois langues. Et la presse britannique ne trouve pas tout à fait royal qu'Elizabeth II participe à une mise en jeu lors d'un match de hockey à Vancouver. S'ils avaient entendu la réaction des amateurs de hockey à l'idée qu'un commentateur sportif vénéré ne renouvelle pas son contrat, ils verraient bien que s'associer à notre sport national est au contraire tout un honneur et une garantie de bonnes cotes d'écoute. Les floristes font des bonnes affaires ces jours-ci. Jeunes et moins jeunes attendent pendant des heures le long d'une rue ou à proximité d'une cérémonie officielle dans l'espoir de lui offrir un bouquet et de s'entretenir de la pluie et du beau temps pendant un instant. Bonne nouvelle: toutes ces fleurs ne passeront leurs derniers jours dans un coin perdu de Buckingham. Elles sont distribuées aux patients dans les hôpitaux de la région. Cette visite me rappelle vaguement avoir assisté à une quelconque cérémonie en présence de la reine pendant mon enfance. Toute la classe s'y était rendue, si je ne m'abuse. On enseigne aux enfants que frôler la royauté, c'est un événement marquant. À l'époque, c'était sûrement l'occasion de parler de l'histoire du Canada et de ses liens avec l'Angleterre. Je ne pourrais en être certaine. Ça ne semble pas m'avoir beaucoup marquée. Ce n'est que bien plus tard que je me suis intéressée à l'histoire et aux institutions politiques de ce pays. À cet âge-là, la reine est une star. Le seul personnage historique dans l'univers d'un enfant prend la forme d'Astérix. Ironiquement, cette perception n'a pas tellement changé. On découvre notre histoire et celle du monde dans des romans, à la télévision et au cinéma. Pas tout à fait exacte et sans la rigueur scientifique certes, mais cette façon d'y présenter le passé est juste assez sexy pour capter notre attention. Mais passons... La reine Elizabeth II, bien que toujours vivante, a déjà sa place dans l'histoire, mais ce n'est pas ce qui attire les foules. Son passage est marqué par des réactions normalement réservées à des vedettes du cinéma ou de la musique. Il n'y a plus aucun doute, elle est véritablement une star. Pourtant, à part sa richesse et son statut, elle n'a rien d'une vedette. Elle n'a pas un look de mannequin ou ni le charme de certaines célébrités. Malgré son titre, ses pouvoirs sont honorifiques et cérémonials. À part ses petits-fils en ligne vers le trône qui font palpiter le coeur des adolescentes de la planète, je ne comprends pas très bien ce traitement hollywoodien réservé aux membres de la famille royale à la tête du Commonwealth britannique. La reine du Canada? Cette phrase m'a frappée lorsque je l'ai entendue à quelques reprises dans la couverture médiatique entourant la visite royale. Elle est bien le chef d'État officiel, représentée au quotidien par la gouverneure-générale, mais pas plus. D'ailleurs, à chaque fois qu'elle effectue une visite officielle, ce débat refait surface. Ses visites augmentent à la fois sa popularité et enflamment ceux qui s'opposent à la monarchie. Au moins elle ne passe pas inaperçue… Le ministre Manley qui accompagne la reine lors de sa visite dans la capitale fait désormais partie de ceux qui regrettent avoir montré son petit côté anti-monarchie en public. Il a été critiqué après avoir suggéré que la reine Elizabeth II serait peut-être le dernier membre de la famille royale à jouir du titre de chef d'État du Canada. Il avoue avoir mal choisi le moment de faire connaître sa position. Mais sa liberté d'expression n'est-elle pas protégée par une charte et des lois portant le sceau de l'État? Les défenseurs de la reine diront que c'est justement notre tradition monarchique qui nous distingue des États-Unis. Ouf! Si c'était la seule différence entre ces deux pays, il me semble qu'il y aurait des problèmes plus pressants à régler au Canada que de débattre de la monarchie. Autre qu'une question de tradition, je ne vois pas trop les bénéfices du statu quo. Par contre, en 2002, je ne vois pas non plus en quoi cela peut nuire au Canada de continuer d'entretenir des relations avec cette célèbre famille, dysfonctionnelle comme tant d'autres. Les atrocités commises au nom de ses ancêtres contre les Acadiens, il y a des siècles, n'ont rien à voir avec son rôle honorifique d'aujourd'hui. Des excuses seraient sans doute un geste fort apprécié, mais vite oublié.
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