Éditorial : Notre seule présence

Bruno Godin - 11 octobre 2002

Bruno Godin

brunog@acadienouvelle.com

La reine Elizabeth II d'Angleterre, et du Canada lorsqu'elle foule le sol de notre pays, comme c'est le cas actuellement, sera de passage au Nouveau-Brunswick aujourd'hui et demain. Elle passera la journée de samedi à Moncton et à Dieppe, notamment. Lors de la visite de son fils, le prince Charles, au Village historique acadien à Caraquet, en 1996, la sempiternelle question des excuses au peuple acadien, pour la Déportation de 1755, avait été soulevée. Mais il n'en fut rien. Doit-on s'attendre à un geste symbolique de la part de Sa Majesté lors de son arrêt à Monkton ou encore à Dieppe? Il n'y a rien de moins certain. Plusieurs s'entendent pour dire que l'occasion serait belle pour la reine de poser un tel geste lors des Fêtes du 400e anniversaire de l'Arcadie, qui auront lieu en 2004. Encore là, les spéculations vont bon train. Il va de soi que ce geste réparateur est attendu par nombre d'Acadiens et d'Acadiennes, mais, il faut également le mentionner, ce dossier en laisse d'autres sceptiques et perplexes. Le passé, c'est le passé comme dirait le député de Beauséjour, Dominic LeBlanc. Il reste que le dernier chapitre de la Déportation n'a jamais été écrit. Une page de notre mémoire collective et de celle de l'humanité est toujours vierge. Les livres d'histoire ne parlent pas de génocide, mais bien d'une déportation, parce que le mot génocide n'existait pas ou encore n'était pas utilisé régulièrement au 17e siècle. Mais pour les Acadiens et les Acadiennes, les deux mots ont la même signification. Demander des excuses, ce n'est point quêter. Nous avons survécu à des temps bien plus difficiles qu'aujourd'hui. Nous n'en exigeons pas, même si nous sommes en droit d'en attendre, mais c'est bien connu que nous ne sommes pas belliqueux, notre histoire en fait foi. Et puis, notre seule présence suffit à perpétuer la mémoire de nos ancêtres. Nous avons défié l'histoire, il y a des siècles, et nous continuons de le faire de façon quotidienne. Certains ont tenté, comme le député bloquiste acadien Stéphane Bergeron, d'utiliser le sentier de la politique pour sensibiliser la reine à cette autre tache de l'histoire de son pays. Mais en vain. Rien de surprenant puisque ce n'est pas de politique comme on la connaît aujourd'hui dont il est question, mais bien d'un geste, quoique symbolique, qui a une signification au-delà des mots et des promesses. Ceux et celles qui craignent que des excuses soient suivies d'une demande de réparation pécuniaire peuvent dormir en paix. Ce n'est pas de l'argent que nous voulons. Il y a plus dans la vie: le respect, la dignité, la persévérance et notre seule présence. Des excuses seraient les bienvenues. Nous savons si bien recevoir, nous, les Acadiens et les Acadiennes. C'est l'une de nos qualités les plus appréciées de par le monde. Mais si elles ne viennent pas, nous serons encore là, dimanche matin, pour regarder le soleil se lever! Nous n'exigeons rien, nous ne quémandons rien. Mais nous serons attentifs pendant quelques heures, samedi, question de savoir si nous passerons encore une fois à l'histoire. Si ce n'est pas le cas, le dernier chapitre attendra encore un temps. Nous sommes patients et persévérants, notre présence en fait foi.

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