La reine Elizabeth ignore l'Acadie et la Déportation

Steve Hachey et Philippe Ricard - 14 octobre 2002

MONCTON - Comme il fallait s'y attendre, la reine Elizabeth II n'a pas reconnu les torts causés par le Grand dérangement de 1755, lors de sa visite au Nouveau-Brunswick en fin de semaine. Les représentants des Acadiens sont toutefois confiants que Sa Majesté donnera suite à la requête de la société civile d'ici 2005, l'année de la commémoration du 250e anniversaire de la Déportation.

Philippe Ricard et Steve Hachey L'Acadie NOUVELLE

Comme le frappeur au baseball, la souveraine aura deux autres chances de se reprendre après avoir fendu l'air, lors de son passage dans la province en fin de semaine. La souveraine pourra satisfaire la société civile acadienne et la Société nationale de l'Acadie en 2004, lors du 400e anniversaire de la fondation de l'Acadie, ou en 2005, pour la commémoration du Grand dérangement entrepris en 1755. Le président de la SNA, Euclide Chiasson, affirme ne pas être surpris que la reine n'ait pas profité de son passage parmi nous pour reconnaître les torts causés par la Déportation. «On n'a pas été réellement surpris qu'elle ne fasse pas mention des Acadiens lors de sa visite. Ce qui nous a surpris, c'est que la communauté acadienne n'ait pas été officiellement invitée aux célébrations. Ni la SNA ni la SAANB n'a été invitée. Dans les 500 invités, il me semble que les organismes acadiens avaient leur place», soutient M. Chiasson. Selon le président de la SNA, il est possible que le gouvernement fédéral, qui est responsable de la visite royale, ait intentionnellement refusé d'inviter les représentants des organismes acadiens, de peur qu'ils soulèvent la controverse. «C'est possible qu'ils (les dirigeants fédéraux) aient eu peur. C'est comme si on nous disait que l'on n'est pas capables de recevoir des gens. Du début, on avait dit qu'il n'y aurait pas de manifestation de notre part. On a une démarche d'entamée, elle est officielle et on s'attend à une réponse officielle», argue Euclide Chiasson. Il précise que la SNA a reçu un accusé de réception du Bureau du gouverneur général pour dire que la requête avait bien été livrée à Londres. Cependant, la SNA n'a rien reçu de la Couronne britannique. La requête a été envoyée à la fin du mois de juillet.

Processus bloqué? Selon M. Chiasson, la décision de reconnaître les torts faits aux Acadiens lors de la Déportation ne se fera pas sans l'accord du Canada, ce qui pourrait être ardu étant donné les prises de position antérieures du gouvernement libéral dans le dossier. «J'ai l'impression qu'une décision dans ce dossier va se prendre avec l'accord du Canada. Est-ce que c'est possible que ça bloque là (au gouvernement fédéral)? Je ne le sais pas. Tout ce que je sais, c'est que Stéphane Dion avait dit qu'il ne s'objecterait pas à notre requête si elle venait de la société civile», explique-t-il. De son côté, le député bloquiste de Verchères-Les-Patriotes, Stéphane Bergeron, s'est dit déçu de l'attitude de la reine face au peuple acadien. «Ça me déçoit, bien sûr. J'ai peine à croire qu'elle vienne au Nouveau-Brunswick sans même aborder la question. On s'est soigneusement assuré qu'elle ne prenne pas la parole. Ça laisse un goût amer», a-t-il affirmé.

Un message indirect Le maire de Dieppe, Yvon Lapierre, est le seul représentant de la communauté acadienne qui ait eu l'occasion de s'adresser à Elizabeth II. Lui non plus ne s'attendait guère à ce que la reine s'adresse aux Acadiens dans le dossier. Il indique toutefois que la Ville de Dieppe a tenu à rappeler «la longue présence des Acadiens», question de la sensibiliser. «Avec une saveur totalement francophone, on a voulu directement ou indirectement faire passer un certain message. On sait que le dossier va faire son chemin au palais de Buckingham, nous avons voulu la sensibiliser à notre présence», révèle le maire. M. Lapierre ne perd pas espoir de voir un jour la reine faire amende honorable. Coïncidence ou non, les Jeunes chanteurs d'Acadie ont entonné au début de la cérémonie la chanson L'Hymne à l'espoir, d'Édith Butler, contenant les inspirantes paroles Un jour, un jour peut-être... «Ce n'est pas nous qui avons fait la sélection; mais si c'était un adon, c'était un bel adon», a expliqué le maire de Dieppe.

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