Le couple royal n'a pas fait déplacer les foules à Dieppe

Steve Hachey et Philippe Ricard - 14 octobre 2002

DIEPPE - Les Acadiens de la région du Grand Moncton ont accueilli la reine d'Angleterre plutôt froidement et avec un brin d'indifférence, samedi, lors de l'avant-dernière étape de sa tournée pancanadienne.

Steve Hachey et Philippe Ricard L'Acadie NOUVELLE

La journée avait pourtant bien commencé. À Sussex, une ville anglophone du Sud de la province, des milliers de personnes ont bordé la route de la reine Elizabeth II et du prince Philip. À l'inauguration d'une nouvelle aile de l'école primaire locale, des écoliers excités attendaient leur souveraine. Le maire de Sussex, Ralph Carr, s'est dit honoré que la reine choisisse de rendre visite à sa communauté. Peu après, quelques milliers de personnes - majoritairement anglophones - se sont massées le long de la rue Main, à Moncton, pour saluer le couple royal lors d'un bref bain de foule près de l'hôtel Delta Beauséjour. Renée Grignon-Boutet, de Riverview, qui avait déjà vu la reine en 1984 au parc Victoria de Moncton, tenait absolument à revenir. Elle a attendu patiemment pendant plus de deux heures avant de pouvoir apercevoir brièvement la souveraine. «J'aime beaucoup la reine parce que je trouve qu'elle fait beaucoup pour le Canada. Sa présence, toute la dynastie et la beauté de la reine mère... c'est fantastique d'être ici! C'est une appartenance à la royauté. On est chanceux au Canada», a-t-elle lancé, visiblement émue. Mais tous n'affichaient pas la même affection envers Elizabeth II et le prince Philip. Marie-Claire Dugas, de Moncton, a attendu jusqu'au moment où la reine passait devant elle pour brandir son drapeau acadien et lui crier: «Rendez-moi les terres que vous avez volées à mes ancêtres en 1755!» Pressée de questions par les journalistes, Mme Dugas a expliqué que la Déportation des Acadiens constituait un génocide et qu'il fallait une reconnaissance accompagnée d'une quelconque compensation. «Je pense que les Acadiens devaient profiter de sa visite pour dire ce qu'ils avaient sur le coeur», a-t-elle expliqué. La reine, qui comprend et parle couramment le français, n'a cependant fait aucun cas des cris de Mme Dugas et du drapeau tricolore étoilé qui flottait à moins d'un mètre d'elle. «Je pense qu'elle doit m'avoir vue, même si elle a fait semblant de ne pas me remarquer.» Mme Dugas raconte qu'elle n'était pas seule à manifester en cette journée. Juste derrière elle, un groupe d'Acadiens avait entonné l'hymne national, Ave Maris Stella, au même moment. D'autres Acadiens étaient heureux de voir une des leurs affirmer ce que eux-mêmes pensent tout bas. «Je suis contente qu'il y ait une présence acadienne, quelqu'un avec un drapeau acadien. J'espère que la reine va s'excuser (pour les torts causés par la Déportation), mais j'en doute», a pour sa part commenté Brigitte Roy, de Moncton.

Indifférence à Dieppe Plus tard en après-midi, la souveraine s'est dirigée vers l'Aéroport international du Grand Moncton, situé à Dieppe, son seul arrêt dans une ville acadienne, pour l'inauguration de la nouvelle aérogare. Les organisateurs de l'événement attendaient entre 5000 et 10 000 personnes. Mais à peine 300 personnes, dont plusieurs scouts, cadets et leurs parents, se sont déplacées pour la voir. Quoique... «Je suis venue voir l'ouverture de l'aéroport (sic). Ma fille arrive la semaine prochaine et probablement qu'elle va atterrir ici. Je vais rester pour voir la reine quand même», a tout bonnement avoué Geneviève Mazerolle, de Dieppe. Selon l'historien Nicolas Landry, les Acadiens sont en majorité indifférents face à la monarchie. «Je ne suis pas certain qu'il s'agissait d'un geste conscient de manifestation de la part des Acadiens. J'ai l'impression que ça (la monarchie) ne les intéresse pas plus qu'il ne le faut», avance-t-il. «Il n'y a tellement pas d'intérêt que la plupart du temps, lorsqu'on entend parler de la reine, c'est en termes humoristiques», d'ajouter le professeur d'histoire à l'Université de Moncton, campus de Shippagan.

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