|
|
Éditorial : L'Acadie au calendrier
|
Robert Pichette (Collaboration spéciale) - 17 juin 2003
Robert Pichette
dauphin@nbnet.nb.ca
La reconnaissance par le Parlement du Canada du 15 août comme fête d'importance nationale est de conséquence pour l'Acadie car, à l'aube des fêtes qui commémoreront le 400e anniversaire de fondation de l'Acadie, et par conséquent de ce qui allait devenir le Canada, le geste posé par le Sénat et par la Chambre des communes homologue en quelque sorte l'évolution de l'Acadie du Canada. Loin d'être un quelconque «prix de consolation», c'est, au contraire, une attestation éclatante de la réussite et de la vitalité du peuple acadien, où qu'il se trouve. Les délégués à la première Convention nationale de l'Acadie, réunis à Memramcook en 1881, ne pouvaient prévoir que, 122 ans après avoir choisi le 15 août comme fête nationale, leur choix, entériné depuis longtemps par Acadiens et Acadiennes de toutes parts et de tous lieux, recevrait une consécration aussi spectaculaire. Le Canada, à l'époque, n'avait que... 14 ans! La loi adoptée à l'unanimité, ce qui, déjà, est digne de mention, et en un temps record - 15 minutes! - émanait du Sénat où elle avait été pilotée par le sénateur Gérald J. Comeau, de la Nouvelle-Écosse, membre du comité permanent des langues officielles au Sénat. M. Comeau s'était inspiré d'une motion qu'avait fait adopter auparavant la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool, de Tracadie, membre du comité mixte permanent des langues officielles. Que les sénateurs Comeau et Losier-Cool soient assurés des sentiments de vive reconnaissance de tous les Acadiens et Acadiennes, comme aussi M. Mauril Bélanger, député d'Ottawa-Vanier, franco-ontarien engagé qui a piloté le projet de loi à la Chambre des communes avec brio. Il n'était que juste que ce projet de loi émane du Sénat car ce fut Pascal Poirier, pas encore le premier Acadien à accéder au Sénat, qui avait incité les délégués de 1881 avec tout l'enthousiasme de ses 29 ans à adopter le 15 août comme fête nationale. Pour lui, l'enjeu était simple: «N'est-ce pas que nous voulons non seulement rester ce que nous sommes, mais qu'on sache qui nous sommes» avait-il déclaré aux délégués de cette première Convention nationale de l'Acadie. La nouvelle loi adoptée par le Sénat et la Chambre des communes accomplit précisément ce que Pascal Poirier et la majorité des délégués souhaitaient. C'est si vrai que la sénatrice Losier-Cool a pu dire, à la suite de l'adoption de la loi, que ce qu'elle avait apprécié le plus au cours de l'exercice, c'est que l'Acadie avait été étudiée sous toutes ses facettes au cours des débats, tant au Sénat qu'à la Chambre des communes. Même si les débats du Sénat ou de la Chambre des communes ne constituent pas la lecture de chevet de tout le monde, il n'empêche que ces débats ont été d'une haute tenue et qu'ils constitueront, désormais, un témoignage historique important et irréfutable de la vigueur de l'Acadie contemporaine. MM. Euclide Chiasson et Jean-Guy Rioux, respectivement présidents de la Société Nationale de l'Acadie et de la Société des Acadiens et des Acadiennes, se sont naturellement réjouis de l'adoption de la loi qui fait du 15 août une manifestation nationale officielle. Mais, toujours atteints par l'agaçant syndrome du «oui, mais», l'un et l'autre n'ont pu s'empêcher de mettre une sourdine à leur allégresse, le premier déclarant à un quotidien anglophone que cette reconnaissance est quelque peu tardive, et le second reprenant le thème d'une reconnaissance due aux torts causés par la Déportation et qui se fait attendre, comme si l'Acadie en avait eu besoin pour s'affirmer. Mais jouissez, Messieurs, jouissez à fond, c'est permis et c'est même sain; oubliez un moment la morosité de votre agenda et réjouissez-vous comme le fera la population acadienne le 15 août prochain avec toutes les raisons d'apprécier à sa juste valeur cette nouvelle preuve de sa maturité.
|