Robert Pichette (Collaboration spéciale) - 6 janvier 2004

Robert Pichette dauphin@nbnet.nb.ca

Lors de la traditionnelle réception du Jour de l'An en la résidence historique des gouverneurs, à Fredericton, le lieutenant-gouverneur Herménégilde Chiasson a posé un geste hautement symbolique qui, malheureusement, s'est quelque peu perdu dans le tohu-bohu des Fêtes. Puisque ce geste inaugure au Nouveau-Brunswick le quadricentenaire de la fondation de l'Acadie, il faut lui donner l'éclat qu'il mérite. C'est par le truchement d'une proclamation, c'est-à-dire l'instrument le plus majestueux dont dispose un gouvernement, que le 29e lieutenant-gouverneur de la province a proclamé 2004 comme étant une année de célébration et de réflexion. Cette juxtaposition est judicieuse si on veut que l'année qui débute ait une dimension autre qu'une momerie carnavalesque. Après avoir évoqué les raisons qui nous incitent à marquer le 400e anniversaire de fondation de l'Acadie à l'Île Sainte-Croix par le sieur de Monts, la proclamation évoque les Premières Nations qui ont accueilli généreusement les pionniers de ce premier établissement permanent de la France en Amérique du Nord. C'est dire clairement «et il faut que cela se sache», que les peuples autochtones des Maritimes et les Acadiens ont partie liée depuis ces temps anciens. Ce sont elles qui ont nourri les pionniers et qui leur ont montré comment faire face aux intempéries comme aux milliers d'autres inconnus auxquels les pionniers faisaient face. L'oublier serait trahir notre âme nationale, d'où l'à-propos d'un appel à la réflexion. La proclamation du lieutenant-gouverneur Chiasson fait appel à notre sens de l'histoire en rappelant que, depuis l'aventure de l'Île Sainte-Croix, la culture acadienne s'est non seulement développée mais qu'elle a prospéré au point où le peuple acadien forme désormais partie intégrante des forces vives de la nation et qu'il tient honorablement sa place dans tous les domaines d'activités humaines. Bref, il y a amplement de causes à célébration et c'est pourquoi la proclamation du 1er janvier 2004 n'hésite pas à affirmer que «le Nouveau-Brunswick est un modèle, au Canada et à travers le monde, de tolérance, d'harmonie, de bilinguisme et de multiculturalisme.» C'est rigoureusement vrai, même si nous avons parfois tendance dans le feu de nos revendications particulières à oublier les succès fulgurants de la société acadienne. En 2004, le détail compte moins que l'ensemble tant il est vrai que nous sommes venus de loin mais que c'était pour y rester et pour y prospérer. Il existe bel et bien une culture distinctement acadienne. En laissant aux spécialistes le soin de la définir, manie bien française, nous nous contenterons en cette année jubilatoire de l'afficher et de la savourer. Finalement, la proclamation nous invite à réfléchir sur ce que nous sommes devenus 400 ans après l'audacieux geste à l'Île Sainte-Croix; à nous «souvenir non seulement de nos peines mais aussi de nos succès; à réfléchir sur nos relations avec les Premières Nations et les autres cultures, et à oeuvrer afin d'améliorer ces liens culturels qui nous renforcent.» Cet appel solennel à célébrer et à réfléchir vient à point nommé, inaugurant ainsi une nouvelle étape dans l'évolution de notre société car si la nôtre ne s'était pas adaptée elle ne serait plus, aujourd'hui, que le triste souvenir d'une aventure ratée. Or, la société acadienne, où qu'elle se trouve, a toutes les raisons de célébrer et de profiter de l'année pour réfléchir à notre avenir qui passe nécessairement par le respect des autres cultures qui nous entourent et dont nous avons su profiter.