Éditorial : Savoir s’arrêter

Robert Pichette (Collaboration spéciale) - 17 février 2004

Robert Pichette dauphin@nbnet.nb.ca

Pendant que les Canadiens d’un bout à l’autre du pays sont sidérés par l’ampleur du scandale des commandites et qu’il n’y a pas d’autres sujets de conversation au Parlement où ailleurs, le député du Bloc québécois, M. Stéphane Bergeron, reste fidèle à sa marotte: il insiste pour que la Chambre des communes endosse la proclamation royale qui reconnaît les faits historiques et les tribulations vécus par les Acadiens. Pour bonne mesure, il souhaite que la reine lise elle-même la proclamation émise en son nom. Sans que cela surprenne, le député de Verchères-Les-Patriotes accuse les libéraux de refuser le consentement unanime de la Chambre qui lui permettrait d’amender sa motion originale. Plaidant sa bonne foi, il prétend avoir été tenu hors du processus d’élaboration de la proclamation. Or, cette proclamation est le fruit d’un long et patient travail entrepris par la Société Nationale de l’Acadie (SNA). Qu’il ait abouti est tout à l’honneur de son président, M. Euclide Chiasson. On comprend parfaitement l’exaspération de celui-ci devant la plus récente sortie de M. Bergeron. «Il faut savoir quand s’arrêter», a-t-il déclaré à un journal de Moncton. C’est le message qu’ont compris la ministre Claudette Bradshaw, l’ancien ministre Robert Thibault et le député de Beauséjour, Dominic LeBlanc. On aurait tort d’accuser ceux-ci de se livrer à un jeu de basse politique partisane alors qu’ils s’inscrivent dans la ligne tracée par la SNA. Ce ne sera évidemment pas l’opinion de la minuscule coterie acadienne qui entoure M. Bergeron et qui, pour la plupart, sont des nostalgiques du Parti Acadien ayant le culte des reliques des martyrs mais qui ne rétabliraient pas celui de l’indulgence. Pavlovisés comme ils le sont, nous entendrons certainement l’expression de leur indignation. Ceux-là ne seraient satisfaits, et encore, que si la reine se présentait devant la pseudo-église de Grand-Pré, nu-pieds, en robe de bure, le crâne rasé, les bras en croix, pour faire amende honorable au nom de George II exécré. M. Bergeron, qui s’est opportunément rappelé son ascendance acadienne, ravive un débat inutile et faux puisque la question a été réglée par la SNA qui, elle, représente effectivement l’Acadie. Sa démarche tourne au baroque alors que l’Acadie entame son quadricentenaire qu’elle veut une célébration de sa maturité. Il faut, en effet, savoir quand et où s’arrêter. Au reste, il y a gros à parier que les libéraux seront si affairés, et pendant longtemps, à la tâche herculéenne de limitation des dégâts à la suite du confondant scandale des commandites pour que les pinaillages de M. Bergeron passent à la trappe, comme il se doit. M. Bergeron est un ami qui nous veut du bien. Nous aussi. Qu’il vienne célébrer avec nous quatre cents ans couronnés de succès, avec ou sans la reine. Nous lui ferons bon accueil. Et si, par hasard, il devait s’ennuyer, nous lui montrerons pour le divertir l’endroit où repose l’infâme Lawrence. Qui sait? Ce pourrait être le point de départ d’une nouvelle cause..

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