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ÉDITORIAL (L'ACADIE NOUVELLE) : POUR EN FINIR AVEC LA DÉPORTATION
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Janice Babineau (Chroniqueuse) - [L'Acadie Nouvelle], 29 mai 2001
Événement peu commun, les députés ont débattu ce printemps d'une question qui touche uniquement les Acadiens à la Chambre des communes. Plus surprenant encore, un député du Québec, membre du Bloc québécois, a fait la motion qui se trouve au coeur du débat. Si le contenu de la motion n'a pas fait trop de vagues, rien n'est aussi simple en politique. Le député Stéphane Bergeron tente depuis déjà quelque temps de faire adopter une motion afin de réclamer des excuses officielles à la Couronne britannique pour les torts causés par la Déportation des Acadiens et de lever formellement l'ordre de déportation. Sa première tentative avait échoué en 1999 parce que morte au feuilleton. En principe, une telle démarche ne devrait-elle pas faire l'unanimité? Il est bien temps qu'un pareil geste soit posé. En fait, pourquoi avoir attendu des siècles? Mais voilà que la réaction n'a pas été très positive en Acadie. Va-t-on rater une autre occasion de mettre définitivement derrière nous cette période noire de notre histoire? Il y a de ceux qui estiment que cette insistance pour obtenir des excuses est inutile parce la Déportation est bien loin de notre quotidien. Il est vrai, les Acadiens ont réussi à surmonter les obstacles et continuent de le faire sans la moindre reconnaissance de la Couronne britannique. Ils ont sans doute aussi raison, ceux qui croient que vivre dans le passé ne permet pas à une société de progresser. Un peuple pardonne, mais n'oublie rien des atrocités commises contre lui. Pour bien des Acadiens, il est évident que tout n'est pas encore pardonné. Les effets concrets de la Déportation sont présents partout. Il faut lutter pour chaque école française en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard. Trop souvent, c'est par leur absence que les services en français se font remarquer. L'attitude de certains anglophones envers la population francophone nous rappelle qu'il y a fort à faire pour atteindre l'égalité entre les deux communautés. Bien que ce soit souvent le fruit de frustration personnelle ou d'ignorance, c'est symptomatique d'un plus grand malaise. Des excuses, la levée de l'ordre de déportation et pourquoi pas, des réparations seraient un pas dans la bonne direction. Pourtant, un changement dans les mentalités serait beaucoup plus puissant et productif.
Débat politisé Pour revenir à la question du jour, faut-il ou non appuyer le projet du député bloquiste Stéphane Bergeron? À la Chambre des communes, le député d'Acadie-Bathurst, le néo-démocrate Yvon Godin, a indiqué son intention de soutenir la motion. L'Alliance canadienne et le Parti conservateur ont également semblé plutôt favorables à une telle demande. Seul le Parti libéral, par le biais du député de Madawaska-Restigouche, Jeannot Castonguay s'y est opposé. Essentiellement, il doute des intentions du Bloc québécois qui n'a pas toujours été des plus respectueux à l'endroit des francophones hors Québec. La Société nationale de l'Acadie, pour sa part, a mal pris que l'on vienne jouer dans ses plates-bandes. L'idée de demander des excuses n'est pas nouvelle. En fait, un avocat louisianais dénommé Warren Perrin y travaille depuis déjà dix ans. De plus, la SNA aurait voulu préparer un dossier afin que les excuses soient présentées pour coïncider avec les anniversaires de 2004 et 2005. Personne n'est trop chaud à la possibilité que ce soit un Québécois, de surcroît un bloquiste, bien que de souche acadienne, qui fasse ces démarches. C'est une question de fierté. D'accord, monsieur Bergeron a peut-être des intérêts qui sont davantage du ressort de la politique que de l'histoire. Admettons également que le député n'a clairement rien compris des Acadiens. S'il pensait être accueilli en sauveur par l'Acadie entière, qu'il se détrompe. Il arrive comme un cheveu sur la soupe, sans consulter les associations acadiennes, puis il ne comprend pas la réaction quelque peu hostile à sa motion. Et dire qu'il pourrait avoir joué un rôle de premier plan dans l'obtention de ces excuses… Néanmoins, il faut saisir cette occasion pour tourner la page. Stéphane Bergeron a mal jugé la réaction des Acadiens. Il aura probablement encore plus de difficulté à convaincre les trois ou quatre personnes qui sont les plus influentes dans tout ce débat. Les députés LeBlanc, Bradshaw et même Thibault de la Nouvelle-Écosse peuvent faire pencher la balance. Le caucus libéral accorde certainement une grande importance aux points de vue de ces députés acadiens sur une pareille question. Ces députés se sont faits plutôt discrets jusqu'à présent, mais la sortie de monsieur Castonguay en chambre laisse présager un blocus libéral. Dommage… On peut accuser le député Bergeron d'avoir négligé de consulter, d'être insensible au désir des Acadiens, etc., mais au moins, il a le mérite d'avoir agi. Qu'ont fait les députés acadiens à Ottawa pour obtenir des excuses? Pourquoi la SNA a-t-elle attendu aussi longtemps? Qu'on en finisse avec ce débat de société qui s'éternise. L'important, c'est de travailler pour construire l'avenir. Si les députés acadiens sentent dans leur coeur et auprès des électeurs que cette motion est juste, qu'ils fassent avancer le dossier sans politicaillerie.
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