PROPOSITION D'UN LIBELLÉ POUR UNE PROCLAMATION ROYALE

RADIO-CANADA (Moncton) - Le 7 octobre 2003

CE SOIR

ABBÉ LANTEIGNE - Un nouveau pas est franchi dans le dossier de la reconnaissance des torts pour la Déportation des Acadiens.

EUCLIDE CHIASSON - La réaction de Londres a mis la balle dans le camp du gouvernement canadien. Il faut que le gouvernement canadien prenne position.

ABBÉ LANTEIGNE - Depuis le temps qu'on en parle, et bien, la reconnaissance par la Couronne britannique des torts causés aux Acadiens lors de la Déportation, pourrait bien connaître son aboutissement. La ministre de Patrimoine canadien , Sheila Copps, défendra une proposition de proclamation royale au Cabinet fédéral. Ce sont les dirigeants de la SNA qui ont soumis cette proposition qui ferait du 28 juillet une journée commémorative du Grand Dérangement. J'en discute tout de suite avec Rosaire L'Italien. Bonsoir Rosaire.

ROSAIRE L'ITALIEN - Bonsoir Abbé.

ABBÉ LANTEIGNE - Qu'est-ce qui s'est passé aujourd'hui Rosaire.

ROSAIRE L'ITALIEN - En fait, il s'est passé un pas important dans une longe marche que tout le monde prévoyait très longue, mais ça risque d'être plus court que prévu. En fait, les dirigeants de la Société nationale de l'Acadie étaient à Ottawa depuis dimanche avec en main une proposition de proclamation royale. Le texte de cette proclamation, lui avait déjà été circulé parmi les associations régionales de la SNA, c'est à dire la SAANB, la FANE et la SSTA de l'Île-du-Prince-Édouard. Même les historiens du Centre d'études acadiennes de l'Université de Moncton s'étaient penchés sur le texte. Inutile de vous dire que ce texte va être révisé par une pléiade d'avocats, parce que veut éviter le gouvernement fédéral, c'est d'ouvrir la porte à de possible, à de multiples poursuites financières en compensation pour la Déportation.

ABBÉ LANTEIGNE - Mais, qu'est-ce qu'on sait exactement de cette proposition, Rosaire.

ROSAIRE L'ITALIEN - Ce qu'on sait, c'est que c'est un texte très court, très concis et qui peut entrer sur une page. En fait, ce qu'on dit, c'est que le texte contiendrait dans un préambule, une reconnaissance des torts causés au nom de la Couronne britannique au peuple acadien au moment de la Déportation. C'est un préambule suivi de plusieurs attendus. Une proclamation royale signée par Sa Majesté Elizabeth II, nous viendrait éventuellement si ça se continue. Dans un des paragraphes la Couronne britannique souhaite de permettre au peuple acadien de tourner la page sur ce qu'on appelle, cette période sombre de son histoire. Cette proclamation royale ferait du 28 juillet de chaque année le jour commémoratif du Grand Dérangement.

ABBÉ LANTEIGNE - Pourquoi le 28 juillet exactement ?

ROSAIRE L'ITALIEN - En fait, c'est le 28 juillet 1755 qu'a été signé l'ordre de Déportation des Acadiens.

ABBÉ LANTEIGNE - Bon, j'ai parlé de Mme Copps dans la présentation, Rosaire, quel a été son rôle ou quel est son rôle ?

ROSAIRE L'ITALIEN - Mme Copps accepte d'être le pilot politique, le leader politique de tout ce dossier là auprès du Cabinet. Elle se charge de convaincre les autres membres du Cabinet. Sauf qu'aujourd'hui, Mme Copps, elle n'était pas à la réunion du Cabinet, elle n'était pas non plus à la période de questions. Donc, on n'a pas pu savoir exactement qu'elle va être son rôle. Elle nous dit qu'elle veut faire vite, que le temps presse. Le temps presse pour plusieurs raisons. C'est qu'elle voudrait soit réglé avant la fin de novembre. Pourquoi la fin de novembre ? C'est très simple. C'est qu'il y a deux raisons. D'abord Mme Copps, vous savez, elle nous dit depuis des années, elle a une grand-mère qui est acadienne. La deuxième raison, c'est que Mme Copps, elle est politique cette raison là, Mme Copps elle fait la lutte à un nommé Paul Martin, qui va probablement devenir le chef du parti libéral et le prochain premier ministre du Canada. Donc, elle s'attend peut-être de perdre son poste de ministre responsable de Patrimoine Canada.

ABBÉ LANTEIGNE - Voilà donc. Quelles sont les réactions de nos députés, Rosaire ?

ROSAIRE L'ITALIEN - En fait, il y a de la bonne volonté politique partout. La principale député, c'est la ministre de Moncton, Mme Bradshaw. Mme Bradshaw, et, tout de suite on a un extrait d'entrevue qui nous arrive d'Ottawa.

MME BRADSHAW - Si c'est satisfaisant à monsieur Chiasson et à tous les Acadiens du Nouveau-Brunswick, ça va certainement être satisfaisant à moi aussi.

ROSAIRE L'ITALIEN - On a vu que Mme Bradshaw est d'accord, mais elle est prudente.

ABBÉ LANTEIGNE - Et puis Stéphane Bergeron, lui qui a lancé toute cette affaire, Rosaire ?

ROSAIRE L'ITALIEN - Stéphane Bergeron, on se rappellera que c'était lui le député du Bloc Québécois qui au départ avait demandé des excuses à la Couronne britannique. Les excuses se sont vite transformées en une reconnaissance des torts et puis après bien des débats, la SNA avait fait parvenir une lettre à la reine, et puis là, maintenant, la reine avait relancé la balle à Ottawa. Maintenant le député Bergeron, lui ce qu'il dit, c'est qu'il est d'accord. Il dit : Attention, moi je suis prêt à une reconnaissance des torts, mais c'est plus important qu'une date comme le 28 juillet, comme jour commémoratif. Je vous invite à l'écouter.

STÉPHANE BERGERON - Pour moi, si la reconnaissance officielle s'accompagne de la reconnaissance ou de la proclamation d'une journée du Grand Dérangement au mois de juillet, j'ai pas de problème. C'est évident que l'on nous fera pas prendre des vessies pour des lanternes, puis que l'on ne va pas faire le coup que l'on a fait avec la reconnaissance de la fête nationale des Acadiens en instituant simplement une journée, comme pour faire avaler la pilule, en instituant simplement une journée du Grand Dérangement.

ROSAIRE L'ITALIEN - Comme vous voyez Abbé, on a pas fini d'en parler. On est en route vers 2004-2005, et là à ce moment-là, au moment des grandes fêtes, bien je pense qu'il y a une signature qui peut arriver.

ABBÉ LANTEIGNE - Voilà. Merci beaucoup Rosaire.

ROSAIRE L'ITALIEN - Pour le moment, elle est possible.

ABBÉ LANTEIGNE - D'ailleurs en entrevue, je vous présenterais un entrevue avec le président de la SNA, Euclide Chiasson à ce sujet.

ABBÉ LANTEIGNE - Déblocage dans la reconnaissance des torts causés aux Acadiens. On vient maintenant à ces nouveaux développement dans le dossier de la reconnaissance par la Couronne britannique des torts causés aux Acadiens lors de la Déportation. Le président de la Société nationale de l'Acadie a proposé un libellé pour une proclamation royale à la ministre de Patrimoine canadien, Sheila Copps, qui accepte de prendre le dossier en main. Pour en connaître d'avantage sur ce déblocage, j'en ai discuté un peu plus tôt avec Euclide Chiasson qui revenait tout juste d'Ottawa. Bonsoir monsieur Chiasson.

EUCLIDE CHIASSON - Oui, bonsoir.

ABBÉ LANTEIGNE - Bon, expliquez-nous exactement la démarche là, à laquelle on va avoir droit maintenant.

EUCLIDE CHIASSON - Bon, disons, il y a deux semaines, j'avais parlé avec madame Copps. Pis, dans la conversation elle avait mentionné, peut-être une proclamation royale serait une solution au dilemme là, et puis au dénouement, disant de cette saga. Pis, alors, on a sauté sur l'occasion et puisque je montais à Ottawa pour autre chose, on a réussi à la rencontrer. Mais , on est arrivé avec un libellé, avec une proclamation qu'on a rédigé nous même. On l'a fait vérifier auprès de nos membres à travers les quatre provinces de l'Atlantique, et puis, on lui a soumis ça ce matin. Ce qui est intéressant, je ne dis pas que ça va être le texte final de la proclamation, mais c'est qu'elle a accepté d'être la championne auprès du Cabinet pour essayer d'avoir l'approbation du Cabinet, puis ensuite ça fait son cheminement, puis ça s'en irait en Angleterre pour la proclamation de Sa Majesté.

ABBÉ LANTEIGNE - C'est quoi votre proposition exactement ? Je sais qu'il y a des Attendus que. Pouvez-vous nous expliquer un peu tout ça ?

EUCLIDE CHIASSON - D'accord. On essaie de faire une pierre deux coups, puis je crois que l'on réussirait, si on réussi à garder le même libellé là. Dans le premier

Attendu que, on parle que le 28 juillet 1755, en temps de paix officielle, les autorités de colonie britannique de la Nouvelle-Écosse, ont pris la décision de Déporter de cette région les Acadiens. Donc, ça c'est la date que l'ordre de la Déportation a été signé.

Attendu que plusieurs milliers d'Acadiens périrent en mer en raison de maladies et de naufrages dans leur milieu de refuge, etc., etc., ça c'est le deuxième.

Le troisième : Attendu que la Déportation des Acadiens du peuple communément appelée le Grand Dérangement, s'est poursuivi jusqu'en 1764 et est reconnu comme un événement tragique ayant causé des milliers de morts, et ayant eu pour lui des répercussions socio-économiques catastrophiques.

Le prochain Attendu que est central dans tout ça ; et Attendu que la Couronne britannique reconnaît officiellement les torts historiques infligés en son nom au peuple acadien au moment du Grand Dérangement, et qu'elle souhaite permettre au peuple acadien de tourner la page sur cette période sombre de son histoire.

Et EN CONSÉQUENCE, Sa Majesté, la reine Elizabeth II, sur avis de ses ministres canadiens, c'est ce qu'on est en train de faire actuellement, proclame le 28 juillet de chaque année comme jour de commémoration du Grand Dérangement.

Alors, là, évidemment, la présente proclamation va être signée, on espère bien avant 2004.

ABBÉ LANTEIGNE - Mais, est-ce que là, il y a une reconnaissance des torts causés aux Acadiens ?

EUCLIDE CHIASSON - Bien oui, c'est le quatrième paragraphe dit " Attendu que la Couronne britannique reconnaît officiellement les torts historiques infligés en son nom au peuple acadien au moment du Grand Dérangement ", ça ne peut pas être plus claire que ça. Pis, l'avantage d'une proclamation, ce n'est pas une petite note écrit sur une serviette dans un restaurant, c'est vraiment un document officiel qui va après faire partie de l'histoire. C'est plus qu'un lettre aussi, c'est vraiment un document historique. Alors nous, je pense que on a devancé un peu la chose en proposant le libellé, puis ensuite avec un texte qui est très concis, et puis sur lequel, maintenant, faut que les ministres canadiens se proposent.

ABBÉ LANTEIGNE - Là, vous parlez des ministres canadiens, donc, c'est uniquement le Cabinet, ce n'est pas le Parlement en entier ?

EUCLIDE CHIASSON - C'est ça, c'est ça. Parce que dans le fond, ce n'est pas nécessaire que ç'aille au Parlement, parce que quand elle parle de ses ministres canadiens, elle parle du gouvernement du Canada. Et puis, on a l'appui de certains ministres qu'on a rencontré. Madame Bradshaw par exemple, appuie très fortement toute la démarche actuellement. Il y a des changements de cap un peu qui sont très intéressants.

ABBÉ LANTEIGNE - Si l'on parle de Dominic LeBlanc, si on parle de Robert Thibault qui s'est toujours opposé, quel est leur position. Quel est leur position ? Est-ce que vous avez pris connaissance de ça.

EUCLIDE CHIASSON - Oui, je suis presque certain que monsieur Thibault. Bien, monsieur LeBlanc, on l'a entendu dernièrement. On semble aussi y voir beaucoup d'ouverture. Je pense que monsieur Thibault va se ranger aussi.

ABBÉ LANTEIGNE - Bien, qu'est-ce qui s'est passé exactement ? Pourquoi finalement, on décide finalement d'appuyer la cause des Acadiens, alors qu'on s'était toujours opposé jusqu'à maintenant. Est-ce que c'est la réaction de Londres finalement, qui a fait débloquer tout ça ?

EUCLIDE CHIASSON - Bien, disons que la réaction de Londres a mis la balle dans le camp du gouvernement canadien. Il faut que le gouvernement canadien prenne position. Ça c'est une chose. Et pis, autre chose aussi, je pense que les gens savent que les Acadiens sont très persévérants, très persistants, on ne lâchera pas. Et puis là, il y a de grands événements qui s'en viennent. Il y a le 400e anniversaire de l'Acadie et puis le 250e anniversaire de la Déportation. On va revenir à la charge. Il y a aussi un changement de gouvernement qui s'en vient et puis on pense que peut-être que la conjoncture est propice à bouger là-dessus. Pis, on l'a senti de la part de madame Copps, madame Bradshaw et d'autres ministres qu'on a rencontré aussi. Je veux dire que monsieur Dion, Stéphane Dion, avait fait beaucoup de travail. Parce que la première chose, on est allé au conseil privé. Puis là, après ça on nous a dit, c'est peut-être plus du côté du protocole entre le gouvernement canadien et la Couronne britannique. Et puis ça, ça tombait sous le ministère de madame Copps, de Patrimoine canadien.

ABBÉ LANTEIGNE - Donc, ça augure bien pour 2004 ?

EUCLIDE CHIASSON - On sent beaucoup de bonne volonté et puis, moi je me dis, si on manque notre chance cet automne, ça peut prendre du temps avant qu'une question comme celle-là revienne à l'ordre du jour du Cabinet.

ABBÉ LANTEIGNE - Voilà. Je vous remercie beaucoup monsieur Chiasson.

EUCLIDE CHIASSON - Ça m'a fait plaisir.

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