|
|
GESTE EMANANT DU GOUVERNEMENT CANADIEN ET NON DE LA COURONNE BRITANNIQUE
|
RADIO-CANADA (Moncton) - Le 10 octobre 2003
Le Reveil - vers 8h20
MICHEL DOUCET - La (continuance?) de la Société nationale de l'Acadie afin d'obtenir une reconnaissance des torts de la reine Elizabeth II pour le Grand Dérangement suscite quelques questionnements quant à la méthode. On sait, on parle maintenant d'atteindre l'objectif d'une proclamation royale qui serait adoptée par le Cabinet fédéral et soumise à la reine pour signature. L'historien Maurice Basque, directeur du Centre d'études acadiennes de l'Université de Moncton estime que cela équivaut à un geste émanant du gouvernement canadien et non à une reconnaissance de la reine en tant que Souveraine de Grande-Bretagne. Le député Bloquiste, Stéphane Bergeron, dont on connaît bien le rôle dans ce dossier avec ses multiples motions à la Chambre des communes, se pose certaines questions également et Marc Poirier a recueilli ses propos.
STÉPHANE BERGERON - Si la proclamation est une proclamation qui émane de la Couronne du Canada, à ce moment là il y a un double problème. Le premier, c'est que ç'a contrevient à l'argumentaire qui a été mis de l'avant par les Libéraux ces derniers temps, à savoir que le Canada est un pays indépendant de la Couronne britannique et du Royaume-Uni et qu'il n'y a plus de liens avec la Couronne britannique elle-même. Je voie mal le Canada reconnaître des faits au nom d'une couronne étrangère. Le gouvernement du Canada n'a absolument rien à voir avec les événements qui ont eu lieu il y a près de 250 ans. Ceci dit, le deuxième argument, c'est justement le fait que la question demeure entière, parce que l'autorité qui doit en assumer la responsabilité morale ne l'aura pas encore fait. D'autre part, je trouverais, pour reprendre les paroles de Carole-Marie Allard, la secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine, se serait pour le moins humiliant pour le Canada de reconnaître des faits pour lequel, il n'a absolument rien à voir. Donc, je m'attends, je fais confiance à la bonne foi, à la sincérité de la ministre dans cette affaire.
MARC POIRIER - Qu'est-ce que vous pensez de cette idée à laquelle souscrit la Société nationale de l'Acadie et la ministre du Patrimoine canadien, Sheila Copps, d'une proclamation royale, avec comme but premier de reconnaître le 28 juillet comme jour commémoratif du Grand Dérangement, parce que c'est la date de la signature de l'ordre de la Déportation et avec dans le préambule la reconnaissance de torts comme tel.
STÉPHANE BERGERON - Encore une fois, comme je vous le signalais, je n'ai pas vu le texte, et il est difficile pour moi de me prononcer, mais je tiens à préciser qu'on ne nous fera pas prendre des vessies pour des lanternes. Il est clair que ce qui est demandé par la Société nationale de l'Acadie, par le peuple acadien en général, c'est une reconnaissance des faits, une reconnaissance des préjudices causés au peuple acadien par la Couronne britannique. S'il y a cette reconnaissance, je ne puis qu'applaudir au fait qu'il y ait instigation d'une instauration d'une journée du Grand Dérangement.
MICHEL DOUCET - Le député Stéphane Bergeron du Bloc québécois. Marc Poirier a également voulu savoir ce que pense de cette nuance le président de la Société nationale de l'Acadie, Euclide Chiasson.
EUCLIDE CHIASSON - La signature à mon avis, elle va venir de la reine du Canada, pis elle ne signera rien sans l'avale du gouvernement canadien. Et c'est pour ça qu'on est rendu au Cabinet avec, ça ça prend, d'ailleurs c'était clair, la lettre que l'on a reçu de son secrétaire particulier, pis moi, je me dit si elle le signe au nom de la reine du Canada, parce que aujourd'hui c'est ça, alors qu'avant c'était autre chose, je n'ai pas de problème avec ça.
MARC POIRIER - Alors vous ne craignez pas que ce soit en fait le gouvernement du Canada qui pose ce geste et que la reine entérine en tant que reine d'une monarchie constitutionnelle du Canada plutôt que la Couronne britannique comme tel qui reconnaisse sa responsabilité morale pour la Déportation ?
EUCLIDE CHIASSON - Ben, je pense que c'est de la sémantique, parce que dans le fond la reine ne reconnaîtra rien sans l'avale du gouvernement canadien. La reine ne se prononcerait pas sur une question comme celle-là tant (sic), la seule voie, c'est celle que l'on a prise, c'est à dire qu'il faut que le gouvernement canadien prenne une position qui demande ensuite à la Couronne britannique. Si c'est la cas, disons si c'est une proclamation, qu'elle signe la proclamation tel que le Cabinet va l'avoir accepté.
MARC POIRIER - Donc, c'est un faux débat selon vous ?
EUCLIDE CHIASSON - Moi, je le crois.
MARC POIRIER - Pensez-vous que c'est parce que votre requête a été envoyée par l'entremise du bureau de la gouverneure générale du Canada que le bureau de la reine, le cabinet de la reine vous a répondu en faisant allusion aux besoins d'obtenir l'opinion de ses ministres canadiens avant de prendre une décision?
EUCLIDE CHIASSON - Ben, je ne crois pas. C'est tout simplement…, nous autres on a utilisé cette voie là parce que c'était la voie tout indiquée là. Mais moi je pense, c'est eh-eh-eh. Disons, si vous écrivez demain matin à la reine d'Angleterre pour une question comme celle-là, pensez-vous quelle va vous répondre en tant…(sic), sans faire une consultation, sans avoir l'avale du gouvernement, en parle, on est dans une monarchie constitutionnelle. Toutes les décisions sont, au niveau du Cabinet, au niveau du gouvernement. Le reste c'est-c'est-c'est vraiment du protocole. Pis, c'est ça qu'on veut, on veut une reconnaissance officielle de la couronne. Sinon, imaginez-vous s'il fallait que la Couronne britannique commence à faire des déclarations ici et là sur des questions qui touchent la souveraineté des pays. Ça ne marcherait pas.
MICHEL DOUCET - C'était le président de la SNA, Euclide Chiasson.
|