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L'Acadien, le 23 juin 1922, page 1
L'Évangéline est dans une impasse et elle semble conserver peu d'espoir d'en sortir. Mais passons et voyons comment notre confrère est parvenu dans les lieux ténébreux qu'il semble vouloir désormais habiter.
Et tout d'abord, notons que L'Évangéline aime bien mieux poser des questions que de répondre à celles que nous lui avons faites. Elle exige cependant que nous donnions aux siennes une réponse immédiate, catégorique… ce que nous allons faire.
En premier lieu, nous répondrons à notre confrère que nous avons lu le livre de M. Gaudet et que dès le 24 mars, nous avons dit brièvement, mais ouvertement et indépendamment de qui que ce soit, ce que nous pensions de cette nouvelle brochure. Voici un extrait de notre humble appréciation : " Dans son livre, M. Gaudet a entrepris de résoudre la grande et importante question : Sur qui retombe la responsabilité de l'Expulsion des Acadiens, et il suffit d'en parcourir les pages si bien documentées pour concevoir que l'auteur a su répondre assez effectivement à la question. De l'aveu même de M. Gaudet, disions-nous encore, il a pu exister certaine correspondance qui aurait contribué à éclaircir la question et qu'il n'a pu découvrir malgré de nombreuses recherches, mais en lisant son livre, on constate que les preuves acquises jettent assez de lumière sur la question pour justifier les conclusions de l'auteur. " Or, les conclusions de l'auteur, nous les trouvons à la page 47, en ces termes : (reproduit dans l'Acadien du 9 juin) " Je n'ai pas la prétention d'avoir résolu la question de savoir sur qui retombe la responsabilité de la tragédie acadienne. Je me flatte néanmoins, que mon étude jette un jour nouveau sur ce sujet. Avec les documents qui surgiront des fouilles qu'on fera aux dépôts d'archives en Angleterre ou ailleurs, d'autres combleront des lacunes que faute de pièces justificatives, je n'ai pu remplir. Je n'ai poursuivi qu'un but, c'était d'abord, pour moi, d'arriver à la découverte de la vérité historique, et en second lieu de la faire connaître aux autres. "
À la même page nous lisons : " En ratifiant par cette commission, la conduite de Lawrence, le cabinet britannique n'a-t-il pas assumé, devant la postérité, sa part de responsabilité de la déportation des Acadiens? " Est-ce clair ? L'Évangéline prétend, - malgré son affirmation du 8 juin que " ce qui l'intéresse ce n'est pas l'opinion d'Henri d'Arles, ni l'opinion de M. Gaudet ", - que M. Gaudet tente d'exonérer complètement le cabinet britannique pour tout faire retomber sur Lawrence, et elle se base pour cela sur d'autres extraits du livre de M. Gaudet. Mais alors, si d'après notre confrère, il y a contradiction entre certains passages du livre de M. Gaudet et la conclusion qu'il tire de son travail, c'est là une question à régler entre lui et l'auteur. Pour nous, nous nous basons sur la conclusion dans laquelle M. Gaudet explique ce " qui n'a pas été sa prétention ". Et enfin, dire que la " responsabilité de la dispersion des Acadiens retombe sur Lawrence ", est-ce que cela implique en soi l'affirmation que " l'Angleterre est exonérer de tout blâme? " Si un pauvre diable a été incité par un compère à commettre un vol, il doit en assumer la responsabilité, mais est-ce que cela exonère de toute participation au crime qui l'a poussé à le commettre ?
Notre confrère, qui a eu l'air d'insister fortement pour nous attirer sur ce terrain, nous permettra maintenant de revenir au sujet principal de discussion, lequel il lui répugne évidemment d'aborder avec franchise que nous lui avons suggérée.
Notons tout d'abord que L'Évangéline est muette comme une carpe lorsqu'il s'agit de se prononcer sur son long silence avant de protester contre une attitude qu'elle qualifie de
" Légère " et de " fausse ". Alors qu'elle eut toute la chance voulue de donner libre cours à son indignation dès la publication du livre de M. Gaudet, elle n'en fit rien. L'Évangéline, le prétendu Grand Journal National des Acadiens, n'a jamais officiellement, de la plume de son rédacteur, annoncé l'apparition du livre en question, et la seule appréciation du livre en question, et la seule appréciation qu'elle en a faite officiellement, (de la plume de son rédacteur) - ou au moins sous sa signature - ce fut toute une tirade d'insinuation contre l'auteur, contre le projet de l'Église-Souvenir et contre l'Acadie enfin, représentée officiellement au Congrès de la Pointe-de-l'Église.
Nous avons dit que L'Évangéline reprochait à l'Acadie d'avoir encouragé la diffusion d'un livre qui se vend au profit de L'Église-souvenir, il s'agissait d'une chose tout à fait insignifiante - notre confrère interprête ce que nous avons dit comme une insulte à l'auteur de Le Grand Dérangement, et nous accuse de ne pas faire la critique du livre de M. Gaudet, mais de parler d'un rien, simplement d'" un livre qui se vend au profit de l'Église-Souvenir " Cela ne dit rien à notre confrère.
Nous avons aussi démontré à notre confrère comment, à l'aide de ses propres arguments l'on arrivait à des conclusions tout à fait défavorables au livre de M. Gaudet. Notre confrère ne nous offre aucune explication autre que celle-ci : " D'habitude les livres qui sont les plus critiqués sont ceux qui se vendent le mieux ".
Si l'on suivait de près les diverses appréciations auxquelles a donné lieu le travail de M. Gaudet et qui ont paru à tour de rôle dans les journaux acadiens ; - si avec cela, on se donnait la peine de faire un sommaire des efforts à peu près nuls de L'Évangéline pour encourager le projet de L'Église-Souvenir, on arriverait tout probablement à une conclusion sur les menées de notre confrère.
Évidemment, les appréciations n'ont pas toutes été de son goût et son enthousiasme pour l'Église-Souvenir de Grand-Pré ne se réchauffe pas outre mesure.
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