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LA DÉPORTATION DES ACADIENS ÉTAIT-ELLE JUSTIFIABLE ?
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L'ÉVANGÉLINE - le 11 mars 1914
Transcription : Fidèle Thériault
Nous voyons dans les journaux que M. MacMechen, professeur de littérature à l'Université de Dalhousie, donna à Halifax, N. É. dans l'École des Aveugles, le 27 février dernier, la troisième conférence d'une série sur l'histoire de la Nouvelle-Écosse. Il a traité son sujet jusqu'à l'époque de la révolution américaine, se réservant pour sa quatrième conférence, ce qui reste de " histoire pittoresque ".
Monsieur W. C. Milner, concitoyen de M. MacMechen, qui, évidemment, était au nombre des auditeurs du professeur le 27 février, adressa le lendemain une lettre au Morning Chronicle commentant avec ardeur et d'une manière bien raisonnée, la partie de la conférence ayant rapport à l'expulsion des Acadiens.
Nous croyons intéresser nos lecteurs en leur donnant ci-après une traduction de la lettre de M. Milner au Morning Chronicle.
L'occasion est opportune, pensons-nous, pour nous permettre de faire nos réflexions.
Le savant professeur, paraît-il - nous n'avons devant nous qu'un bref résumé de sa conférence - a fait de l'histoire à sa façon, et à la façon de bien d'autres, avant lui, et a voulu justifier cet horrible épisode de l'histoire de la Nouvelle-Écosse, - à jamais regrettable à tous les points de vue - : l'expulsion de nos pères du pays en 1755.
Après 160 ans de la date de cet événement inhumain, il est presque incroyable qu'un homme qui a les prétentions à des connaissances approfondies, surtout de l'histoire, ait osé défendre, sans preuve en main, sans évidence irrécusable cet acte brutal de Lawrence et de ses complices, exécuté avec une cruauté inouïe dans l'histoire d'aucun autre pays. Et ce qui est étonnant, c'est qu'au 20ième siècle, - siècle de lumière, nous dit-on - un homme de l'intelligence et de la respectabilité du professeur MacMechen vienne nous jeter de la poudre aux yeux, en face des faits bien connus de nos jours ; au point que Lawrence et ses compagnons ont eu, eux-mêmes, tellement honte de leur acte infâme, qu'ils ont pris, évidemment, les moyens de cacher les documents historiques compromettants, ou de les faire disparaître, comme le prouve d'ailleurs M. Milner par ses citations de Haliburton.
M. MacMechen n'est pas sans savoir ce qu'à dit, à contre coeur sans doute, Haliburton, historien savant et consciencieux de cet événement ; il n'est pas sans connaître non plus ce qu'en pense M. le juge Savary, homme de lettre, distingué par sa science du droit et de l'histoire, il doit savoir aussi que Akins n'a intentionnellement compilé qu'une partie des archives de la Nouvelle-Écosse ; et enfin, il n'est pas sans connaître, " que la Société de la N.-É. a pris en main, nous dit le juge Savary, de faire ajouter aux volumes imprimés des archives du pays de nombreux registres et documents, concernant les Acadiens et leur déportation, qui n'ont pas encore vu le jour, pour les lecteurs anglais, et à défaut desquels il a été écrit des choses ridicules, (pour ne pas dire fausses). Cette décision a été prise par le gouvernement à la suite des importunités d'une convention des Acadiens des provinces maritimes tenue en 1908. " Monsieur le professeur sait fort bien aussi, puisqu'il a dû s'occuper de l'histoire de la N.-B., que Akins dans la préface de son volume des Archives écrit : " la nécessité de leur déportation (des Acadiens) n'avait pas été bien apparente ", cité M. le juge Savary, et il ajoute " ainsi le choix de ces documents (par Akins) fut fait dans un but partial bien défini. Dès lors, il publia, disons-nous, la moitié des documents se rapportant à ce sujet comme étant seuls utiles à son but, laissant l'autre moitié aussi inaccessible au public que jamais ".
Maintenant Monsieur le professeur, nous aimerions vous serrer la main et vous dire franchement que ce n'est pas de la sympathie que nous voulons, ni de la littérature, sur ce sujet historique si grave, mais bien tous les faits, la vérité, toute la vérité, de l'histoire bien documentée. Avec le travail assidu et consciencieux de certains historiens, la lumière se fait petit à petit sur cet événement, et les arguments plausibles avancés par des conférenciers, de temps à autre, pour former une opinion publique favorable à Lawrence et à ses Conseillers, aux autorités de la province du jour - non pas au gouvernement du Royaume-Uni qui, nous le savons, n'a pas trempé dans ce crime, puisque Lawrence n'avait pas consulté le gouvernement de la Mère-Patrie sur cette question de déportation - ces arguments plausibles, disons-nous, tomberont en fragments, comme le verre frappé par une massue.
Nous comprenons facilement que ceux qui sont de même origine que Lawrence et Al., aimeraient pouvoir les exonérer de tout blâme, montrer par les circonstances du temps, la nécessité de l'acte de la déportation ; mais comment on peut avoir l'audace de vouloir, en même temps, le justifier pour la manière inhumaine et barbare de son exécution, c'est quelque chose d'incompréhensible, qui répugne même, venant d'hommes intelligents, instruits et animés de sentiments d'humanité et de tendresse, comme Monsieur le professeur MacMechen.
M. MacMechen, nous aimerions que vous répondiez dans la presse, aux arguments avancés par M. Milner, si vous n'y avez pas déjà répondu, que l'on devrait suspendre son jugement sur cette question de justification de la déportation des Acadiens jusqu'à la production de toute l'évidence au moins.
REMI BENOIT
TRADUCTION
LE PROFESSEUR MacMECHEN ET L'EXPULSION
Au Rédacteur du " Chronicle "
Ceux qui ont assisté à la conférence du professeur MacMechan hier soir on été agréablement entretenus par son intéressante narration de " l'histoire Pittoresque de la Nouvelle-Écosse ". S'il est permis de faire des commentaires, j'ose m'opposer à la justification complète, faite par le Professeur, de l'expulsion des Acadiens. La tâche de justifier cet acte reste à être accomplie par le côté britannique.
Les deux propositions énoncées ci-dessus sont fondamentales au cas britannique, et elles ne semblent pas être de nature à devenir finales pour la raison que les documents nécessaires font défaut.
Haliburton en faisant la recherche de matière pour pouvoir écrire l'histoire de la Nouvelle-Écosse affirme : " Les archives de la Nouvelle-Écosse sont quelques choses de mystérieux que certaines gens cherchent, évidemment à cacher. Du peu de connaissance que nous en avons, il y a lieu de soupçonner que de documents important ont disparu ou en entier ou en partie. " Dans le Vol. I, page 196, il dit : " Il est vraiment remarquable qu'il n'y a aucuns vestiges de cet événement important (l'expulsion) que l'on puisse trouver dans les records du bureau du secrétaire à Halifax. Je n'ai pu trouver que la correspondance avait été préservée, ou que les ordres, Retours et Mémoires y avaient jamais été mis en ordre. Dans le copie de lettres du gouverneur Lawrence qui existe encore, aucune communication au Ministère du Commerce (Board of Trade), n'est entrée à partir du 24 décembre 1754 au 5 août 1756, si nous faisions exception d'un retour de ravitaillement. Les détails de cette affaire semblent avoir été soigneusement cachés, quoiqu'il ne soit pas facile, actuellement, d'en déterminer les raisons, à moins que les personnes intéressées n'aient eu honte de cet acte, comme d'ailleurs, elles devaient fort bien en avoir honte. J'ai en conséquence beaucoup de difficulté à compiler la narration de cet événement. "
Les documents disparus n'ont point été revus depuis l'époque où Haliburton, il y a quatre-vingt-quatorze ans, écrivait cette accusation, cette condamnation de l'action anglaise, et, par conséquent, il n'y a pas d'annulation de jugement. Il ne peut y en avoir non plus jusqu'à ce qu'un témoignage documentaire soit produit.
On a l'habitude de se vanter que les autorités britanniques, dans le monde entier, donnent justice égale - fair play - aux hommes de n'importe quelle origine ou condition où qu'ils soient. Est-ce que la fierté de la race n'est pas assez forte pour nous faire suspendre notre jugement contre les Acadiens jusqu'à la production au moins de l'évidence ? En l'absence de témoignage il ne peut y avoir de conclusion (ou finalité) et conséquemment toute soi-disant histoire n'est que futile conjecture, car l'histoire doit être établie sur des faits.
W. C. Milner
Halifax, le 28 février 1914
" Mes enfants, écoutez donc votre père. Servez le Seigneur dans la vérité, et appliquez-vous à faire ce qui lui est agréable ; et recommandez à vos enfants de faire des oeuvres de justice et des aumônes, de se souvenir de Dieu et de le bénir en tout temps dans la vérité et de toutes leurs forces. " Car vous êtes " les enfants des saints et vous attendez cette vie que Dieu doit donner à ceux qui ne violent jamais la fidélité qu'ils lui ont promise ". (Tobie, XIV, 10, 11 - II, 18).
" Que la grâce soit avec vous tous qui être en Jésus Christ ". (Saint-Pierre I, V, 14)
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